Navigation : le passage du nord-ouest n’est pas pour demain ! // Shipping : Northwest Passage not for tomorrow !

Avec la hausse rapide des températures dans l’Arctique et la fonte tout aussi rapide des calottes glaciaires, on pensait que de nouvelles routes maritimes s’ouvriraient dans la partie nord du globe terrestre. On imaginait que les passages du Nord-Est et du Nord-Ouest deviendraient accessibles, raccourcissant les trajets de navigation entre les continents. C’était aller un peu trop vite en besogne. Les scientifiques nous expliquent aujourd’hui que la fonte rapide des glaces dans l’océan Arctique ne facilite pas, au moins pour le moment, la navigation entre l’Europe et l’Asie et vice versa. En fait, le réchauffement climatique génère une glace plus épaisse et plus dangereuse qui provoque des blocages dans les deux passages.

Un nombre de plus en plus important de navires naviguent dans le Passage du Nord-Ouest au nord du Canada, et la fonte de la banquise promet de nouvelles opportunités de commerce et d’exploration. Des cargos, des bateaux de pêche et même un paquebot de croisière avec 1 000 passagers à son bord figurent parmi les navires qui ont effectué ces dernières années ce voyage autrefois impensable.
Cependant, une nouvelle étude publiée dans la revue Communications Earth and Environment tempère l’optimisme actuel et remet en question la croyance de plus en plus répandue selon laquelle le Passage du Nord-Ouest pourrait devenir une voie de navigation alternative dans l’Arctique. Les auteurs de l’étude ont constaté que, loin de s’ouvrir, la saison de navigation dans le Passage du Nord-Ouest – le nombre de semaines par an pendant lesquelles un navire peut naviguer en toute sécurité – s’est en fait raccourcie entre 2007 et 2021.
La cause de cette situation est une augmentation de la glace plus ancienne et plus épaisse provenant de la calotte polaire. Elle fond, dérive vers le sud et entre dans le Passage, où elle s’accumule dans les points d’étranglement, entravant ainsi la navigation. Cette glace ancienne présente un plus grand risque pour les navires que la glace plus jeune et plus mince que l’on rencontre le plus souvent dans l’archipel canadien.
Les explorateurs ont toujours rêvé de découvrir un Passage du Nord-Ouest à travers l’Arctique. En 1906, Roald Amundsen est devenu le premier Européen à effectuer ce trajet envahi par la glace. Le voyage permettrait aux navires d’économiser environ 7 000 kilomètres de distance entre l’Europe et l’Asie. Avec la fonte rapide de la glace de mer dans l’Arctique, la perspective d’une refonte de la navigation commerciale dans le monde a ravivé l’intérêt géopolitique et économique pour cette route qui présente de nombreux obstacles. Il faudra faire face au manque d’infrastructures, à son éloignement, aux hauts-fonds et au labyrinthe de détroits qui rendent la navigation périlleuse.
La dernière étude indique qu’avec la fonte de la glace de mer, le nombre de voyages à travers l’ensemble de l’Arctique canadien a quadruplé depuis 1990. Les voyages dans le Passage du Nord-Ouest ont également augmenté, mais restent rares. Cela pourrait changer avec la poursuite du réchauffement climatique. Une étude de 2021 prévoyait que le Passage du Nord-Ouest serait navigable pendant au moins une partie de l’année si les températures globales augmentaient de 2 degrés Celsius au-dessus des niveaux préindustriels.
La dernière étude ne propose pas de projections pour l’avenir, mais on sait déjà que la glace plus ancienne et plus épaisse qui s’accumule dans le Passage sera encore là pendant de nombreuses années pour entraver la navigation.
Source : médias d’information internationaux.

 

En pointillés rouges sur les cartes, les passages du NO (à gauche) et du NE (à droite), avec en trait plein, les voies de navigation actuelles (Source : Observatoire de l’Arctique)

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With fast increasing temperatures in the Arctic the rapid melting of the icecaps, it was believed that new shipping routes would open in the northern part of the world. The Northeast and Northwest passages would become accessible, shortening shipping routes between the continents. However, this was thinking a bit too fast. Scientists inform us today that melting sea ice in the fast-warming Arctic Ocean is not making it easier for sailors to navigate a legendary shortcut between Europe and Asia. To the contrary, global warming is causing thicker, more hazardous ice to choke the fabled Northwest Passage between the Pacific to the Atlantic Oceans.

A growing number of ships have been sailing this remote seaway north of Canada as the thawing of the polar ice promised new opportunities for trade and exploration. Cargo ships, fishing boats, and even a1,000-passenger cruise liner were among the vessels to make the once-unthinkable voyage in recent years.

However, a new study published in the journal Communications Earth and Environment challenges the increasingly common belief that the Northwest Passage could become a viable alternative shipping route in the Arctic. Far from opening up, the authors of the sudy found that the shipping season in the northwest passage – the number of weeks per year that a vessel can safely navigate – actually shortened between 2007 and 2021.

The cause of this situation is an increase in older, thicker ice from the melting polar cap drifting southward into the passage, where it reinforces choke points and thus impedes navigation. This ice poses a greater risk to ships than the younger, thinner ice more common in the Canadian archipelago.

Explorers dreamt for centuries of discovering a Northwest Passage through the Arctic. In 1906, Roald Amundsen became the first European to sail its icy distance. The journey saves ships approximately 7,000 kilometres of distance between Europe and Asia. As sea ice has considerably declined in the Arctic, the prospect of reshaping global trade flows has renewed geopolitical and economic interest in the route. However, the lack of infrastructure, its remoteness, and maze-like shoals and straits make navigation perilous.

The latest study says that as sea ice has declined, the number of voyages across the entire Canadian Arctic had quadrupled since 1990. Journeys through the Northwest passage have grown too, but remain very low. This could change as the planet further warms. A 2021 study forecast that the Northwest Passage would be navigable for at least part of the year if global temperatures rose 2 degrees Celsius above pre-industrial levels.

The latest study does not offer future projections but one already knows that the older, thicker ice accumulating in the passage will still be there for many years into the future.

Source : international news media.

Arctique : fonte de la glace de mer et projet de course à la voile // Arctic : sea ice melting and a sailing race

La saison de fonte de l’Arctique touche à sa fin. Sans surprise, l’année 2021 se termine avec le plus vaste minimum de glace de mer depuis 2014
Selon la NASA et le National Snow and Ice Data Center (NSIDC), le minimum de 2021 couvre une superficie de 4,72 millions de kilomètres carrés. C’est près d’un million de kilomètres carrés de plus que le minimum de 2020 qui est actuellement le 2ème plus bas jamais enregistré. Cette année, on enregistre près de 500 000 kilomètres carrés de plus que le minimum de 2019. Au final, 2021 se classe comme la 12ème étendue minimale depuis le début des relevés en 1978, et c’est la plus grande étendue minimale de glace de mer observée depuis 2014.
Chaque année, la glace de mer occupe l’Océan Arctique pendant l’hiver, puis elle fond pendant l’été. L’étendue maximale d’hiver est généralement observée en mars, tandis qu’elle atteint son étendue minimale généralement en septembre. La taille exacte de l’étendue minimale varie d’une année à l’autre. Cependant, sous l’influence du réchauffement climatique, ces minimums estivaux ont diminué au fil du temps.
En 2012, les satellites ont enregistré la plus faible étendue minimale de tous les temps. À l’époque, elle ne couvrait que 3,39 millions de kilomètres carrés dans l’océan Arctique. C’est moins de la moitié de ce qu’elle était il y a seulement 30 à 40 ans.
Selon le NSIDC, les 15 dernières années ont vu les 15 plus faibles étendues de glace de mer dans les données satellitaires.
Attention! L’étendue minimale de glace de mer cette année est plus grande que celles des dernières années , mais cela n’est, en aucun cas, un signe de reprise pour l’Arctique. Plus il y a de glace de mer à la fin de la saison de fonte, moins la surface de l’océan absorbe la lumière du soleil.

Un facteur est très inquiétant: la vieille glace pluriannuelle – celle que l’on appelle « la vieille glace de mer » (voir ma note du 23 janvier 2021) – beaucoup plus résistante, continue de disparaître à un rythme alarmant. Il ne faut pas oublier que plus nous perdons de vieille glace pluriannuelle, plus nous nous rapprochons du moment où l’Océan Arctique sera complètement libre de glace pendant l’été.
La tendance à la baisse de l’étendue minimale de glace de mer entre 1979 et 2021 est de 13 % par décennie par rapport à la moyenne de 1981 à 2010. La perte de glace de mer est d’environ 80 600 kilomètres carrés par an, ce qui équivaut à la taille d’un pays comme l’Autriche chaque année.
Source : Yahoo News.

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Afin de sensibiliser au réchauffement climatique et à son impact désastreux dans l’Arctique, un groupe sportif français a annoncé son intention de lancer une course à la voile dans l’Arctique canadien au cours de la péiode de fonte de la glace de mer Avec un départ prévu en 2023, la North Pole Race fera naviguer les bateaux entre Québec et Vancouver en empruntant le célèbre passage du Nord-Ouest. Les équipages navigueront sur des bateaux en aluminium spécialement conçus pour affronter les eaux polaires. Les embarcations devront être suffisamment rapides pour effectuer la traversée en deux mois, car la fenêtre avec de l’eau libre de glace n’est pas grande, entre la période estivale et le retour des précipitations hivernales.
Selon les organisateurs, The North Pole Race sensibilisera la population mondiale au développement durable et à l’importance d’agir dès maintenant pour sauver notre planète. La course réunira des équipages de 10 pays, dont le Canada, la Chine, la Russie, la France et le Danemark. Chaque équipage sera composé d’un scientifique, d’un skipper expérimenté et de citoyens du pays qu’il représente.
En empruntant le passage du Nord-Ouest, les navires pourraient économiser environ 7 000 kilomètres de distance entre l’Europe et l’Asie. Mais le manque d’infrastructures, l’éloignement des services d’urgence et la cartographie limitée de l’Océan Arctique rendent la navigation dans ces eaux très périlleuse en ce moment.
On comprend aisément pourquoi certains pays sont impatients de voir disparaître la glace de mer dans cette partie du monde. La navigation dans les passages du Nord-Ouest, mais aussi du Nord-Est permettrait aux entreprises d’économiser énormément d’argent.
Source : Médias d’information canadiens.

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The Arctic melt season is coming to an end. With no surprise, the 2021 season ends with largest sea ice minimum since 2014

According to NASA and the National Snow and Ice Data Center (NSIDC), the 2021 minimum covers an area of 4.72 million square kilometres. This is nearly a million square kilometres larger than the 2020 minimum which is currently the 2nd lowest on record. This year’s is nearly half a million square kilometers larger than the minimum in 2019. Overall, it ranks as the 12th lowest minimum extent since record-keeping began in 1978, and it is the largest minimum extent seen since 2014.

Each year, sea ice spreads across the Arctic Ocean during the winter and then it melts away during the summer. The maximum winter extent is typically seen in March, while it reaches its minimum extent usually sometime in September. The exact size of the minimum extent varies from year to year. However, under the influence of global warming, these summer minimums have been getting smaller over time.

In 2012, satellites recorded the lowest minimum extent on record. At the time, it covered just just 3.39 million square kilometres of the Arctic Ocean. This is less than half the size it used to be, on average, just 30 – 40 years ago.

According to the NSIDC, the last 15 years are the lowest 15 sea ice extents in the satellite record.

This year’s minimum extent being larger than those of the past few years is, by no means, a sign of recovery for the Arctic. The more sea ice there is at the end of the melt season, the less open ocean surface there is to absorb sunlight. What is all the more worrying is that the multi-year ice, which is much more resilient, is still disappearing at an alarming rate. The more multi-year ice we lose, the closer we come to years when the Arctic Ocean is completely ice-free during the summer.

The overall downward trend in the minimum extent from 1979 to 2021 is 13.0 percent per decade relative to the 1981 to 2010 average. The loss of sea ice is about 80,600 square kilometers per year, equivalent to losing the size of Austria annually.

Source: Yahoo News.

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In order to raise awareness of global warming and its disastrous impact in the Arctic, a French sports group has announced plans to launch a sailing race in the thawing Canadian Arctic. Due to kick off in 2023, the North Pole Race will see ships sailing from Quebec to Vancouver along the famous Northwest Passage. Crews will sail on special aluminum boats designed for polar waters. The ships will have to be fast enough to make the crossing in two months, because the window with ice-free water is not large, between the summer period and the return of winter precipitation.

According to the organizers, The North Pole Race will make the world population aware of sustainable development and the importance of acting now to save our environment.

The race will bring together teams from 10 countries, including Canada, China, Russia, France and Denmark. Each team will consist of a scientist, an experienced skipper and citizens of the country it is representing.

Navigating along the Northwest Passage would save ships approximately 7,000 kilometers of distance between Europe and Asia. But the lack of infrastructure, the remoteness of emergency services and the limited cartography of the Arctic Ocean make navigation in these waters very perilous at the moment.

It is easy to understand why some countries are impatient to see sea ice disappear in that part of the world. Navigating in both the North-East and North-West passages would save companies a huge amount of money.

Source: Canadian news media. .

Minimum de glace de mer en septembre 2021 (Source: NSIDC)

A l’assaut du Passage du Nord-Ouest // The fight for the North-West Passage

drapeau-francaisComme je l’ai écrit dans une note précédente (13 juillet 2016), le navire de croisière Crystal Serenity a pu emprunter le Passage du Nord-Ouest pendant l’été 2016, grâce à la fonte de la glace dans toute la région.
A l’inverse, au cours de l’été 1778, lorsque le capitaine James Cook tenta de trouver l’entrée ouest de ce passage, il se heurta, au nord du détroit de Béring, à une barrière de glace qui, selon son journal de bord, « était aussi compacte qu’un mur et semblait avoir au moins entre 10 et 12 pieds de hauteur.»
Plus de deux siècles plus tard, les scientifiques examinent des archives tenues méticuleusement par Cook et son équipage pour mieux comprendre comment le réchauffement climatique a pu ouvrir l’Arctique d’une manière que l’explorateur du 18ème siècle n’aurait jamais pu imaginer.
En passant au crible des cartes et des journaux de bord de Cook, ainsi que d’autres documents historiques et les images satellites, les chercheurs de l’Université de Washington ont étudié l’évolution de la glace dans la Mer des Tchouktches, entre l’Alaska et la Russie, pendant près de 240 ans. Les résultats, publiés dans la revue Polar Geography, confirment le retrait important de la calotte glaciaire pendant l’été et apportent une nouvelle lumière sur l’époque où la transformation s’est opérée.
L’étude révèle que pendant plus de 200 ans après la visite de Cook, la couverture de glace d’été dans la Mer des Tchouktches a fluctué, mais s’étendait le plus souvent vers le sud à proximité du secteur où Cook l’a rencontrée. D’une manière générale, entre la période de Cook et les années 1990, la glace se trouvait au mois d’août quelque part autour de la latitude 70 degrés nord.

Aujourd’hui, la limite de glace se trouve à des centaines de kilomètres plus au nord. Cela correspond aux observations récentes qui confirment le rétrécissement rapide de la banquise arctique au cours des trois dernières décennies. Le volume total de glace en été est maintenant de 60 à 70 pour cent inférieur à celui des années 1980, alors que les températures de l’Arctique ont augmenté deux fois plus que le reste de la planète suite à l’augmentation des gaz à effet de serre.
Avec plus de fonte de glace en été et un gel tardif à l’automne, le Passage du Nord-Ouest, autrefois infranchissable, est maintenant navigable pour des paquebots comme le Crystal Serenity, qui a effectué le voyage de 11 700 kilomètres entre l’Alaska et New York en 32 jours. Cette nouvelle situation a également provoqué un rush vers les gisements pétroliers dans des eaux qui étaient autrefois bloquées par la glace. On assiste également à une lutte entre les  puissances internationales sur le contrôle du Passage du Nord-Ouest et des ressources qu’il recèle. Les tensions sont semblables à celles qui existaient à l’époque de Cook quand les pays étaient désireux de trouver et de revendiquer le Passage du Nord-Ouest, alors que les baleiniers et les marchands de fourrures se bousculaient pour exploiter cette nouvelle frontière…
Source: The Seattle Times.

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drapeau-anglaisAs I put it in a previous note (13 July 2016), the cruise ship Crystal Serenity was able to move through the Northwest Passage during the summer 2016.

However, in the summer of 1778, when Captain James Cook tried to find a western entrance to the route, the British expedition was halted north of the Bering Strait by « ice which was as compact as a wall and seemed to be 10 or 12 feet high at least, » according to the captain’s journal.

More than two centuries later, scientists are mining meticulous records kept by Cook and his crew for a new perspective on the warming that has opened the Arctic in a way the18th  century explorer could never have imagined.

Working with maps and logs from Cook’s voyage and other historical records and satellite imagery, University of Washington researchers have tracked changes in ice cover in the Chukchi Sea, between Alaska and Russia, over nearly 240 years. The results, published in the journal Polar Geography, confirm the significant shrinkage of the summer ice cap and shed new light on the timing of the transformation.

The study has found that for more than 200 years after Cook’s visit, the summer ice cover in the Chukchi Sea fluctuated but generally extended south to near where Cook encountered it. Basically, from the time of Cook until the 1990s, the ice was somewhere around 70 degrees north in August.

Now the ice edge is hundreds of kilometres farther north. This corresponds with modern observations that confirm rapid shrinkage of the Arctic ice pack over the past three decades. The total volume of ice in summer is now 60 percent to 70 percent lower than it was in the 1980s, while Arctic temperatures have increased at twice the rate of the rest of the planet as a result of rising greenhouse-gas levels.

With more melting in the summer and delayed freezing in the fall, the once-elusive Northwest Passage is now navigable for vessels like the Crystal Serenity, which made the 11,700-kilometre trip from Alaska to New York in 32 days. The transformation has also triggered a rush to drill for oil in previously ice-choked waters, and an international power struggle over control of the route and resources. The tensions are similar to those in Cook’s days when nations then were eager to find and claim a Northwest Passage, while whalers and fur traders scrambled to exploit the newly opened frontier.

Source: The Seattle Times.

cook-01Limite de la glace d’été en 1778 (Historic sea-ice age) et en 2016.

[Source : Institute of Oceanography, University of Hamburg (Germany)]

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Augmentation du trafic maritime dans le Passage du NO au cours des dernières années.

[Source: Scott Polar Institute, University of Cambridge (England)]