Supercontinents et émissions de carbone d’origine volcanique

Des chercheurs de l’Université de Cambridge ont constaté que ce sont les mouvements des supercontinents au cours de centaines de millions d’années qui contrôlent les émissions de carbone d’origine volcanique. Les résultats, qui figurent dans la revue Science, pourraient conduire à une réinterprétation de la façon dont le cycle du carbone a évolué au cours de l’histoire de la Terre et sur son incidence sur l’évolution de l’habitabilité de notre planète.
Les chercheurs ont utilisé des mesures de carbone et d’hélium provenant de plus de 80 volcans dans le monde afin d’en déterminer l’origine. Le carbone et l’hélium émis par les volcans peuvent provenir des profondeurs de la Terre ou être recyclés près de la surface. La mesure de l’empreinte chimique de ces éléments peut déterminer leur source. Lorsque l’équipe scientifique a analysé les données, elle a constaté que la majeure partie du carbone émis par les volcans est recyclée près de la surface, contrairement aux hypothèses antérieures selon lesquelles le carbone provenait de l’intérieur de la Terre.
Au cours des millions d’années écoulées, les cycles du carbone ont oscillé entre les profondeurs de la Terre et sa surface. Le carbone est retiré de la surface à partir de processus qui permettent à l’oxygène atmosphérique de se développer. Les volcans permettent au carbone de revenir à la surface, bien que la quantité produite représente moins d’un centième  des émissions de carbone provoquées par l’activité humaine. Aujourd’hui, la majeure partie du carbone émis par les volcans est recyclée près de la surface, mais il est peu probable que ce fût toujours le cas.
Les volcans se forment le long d’arcs insulaires ou continentaux, là où les plaques tectoniques entrent en collision et où une plaque glisse sous  une autre, comme les Andes d’Amérique du Sud ou les volcans italiens. Ces volcans ont des empreintes chimiques différentes: les volcans d’arc insulaire émettent moins de carbone en provenance des profondeurs du manteau, tandis que les volcans d’arc continental émettent beaucoup plus de carbone en provenance de la surface.
Au cours des centaines de millions d’années écoulées, la Terre a connu des périodes où les continents se sont rapprochés ou se sont éloignés les uns des autres. Ce mouvement de va et vient a modifié, au cours des temps géologiques, l’empreinte chimique du carbone qui arrive à la surface de la Terre. On peut la mesurer au travers des différents isotopes du carbone et de l’hélium.
Les variations d’isotopes – ou d’empreinte chimique – du carbone sont généralement mesurées dans le calcaire. Les chercheurs avaient déjà pensé que la seule chose susceptible de modifier l’empreinte carbone dans le calcaire était la production d’oxygène atmosphérique. En tant que telle, l’empreinte isotopique du carbone dans le calcaire était utilisée pour interpréter l’évolution de l’habitabilité à la surface de la Terre. Les résultats proposés par l’équipe de chercheurs de Cambridge indiquent que les volcans ont joué un rôle plus important dans le cycle du carbone qu’on le croyait précédemment, et que les hypothèses antérieures doivent être reconsidérées.
Un bon exemple réside dans le Crétacé, il y a 144 à 65 millions d’années. Au cours de cette période, il y a eu une augmentation importante de la proportion d’isotopes de carbone trouvés dans le calcaire, ce qui a été interprété comme une augmentation de la concentration d’oxygène atmosphérique. Cette augmentation de l’oxygène atmosphérique a été liée à la prolifération des mammifères à la fin du Crétacé. Cependant, les résultats de l’équipe scientifique de Cambridge montrent que l’augmentation de la proportion d’isotopes de carbone dans le calcaire serait davantage due dans sa quasi totalité à des modifications dans les types de volcans à la surface de la Terre.
Source: Université de Cambridge.

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Researchers from the University of Cambridge have found that the formation and breakup of supercontinents over hundreds of millions of years controls volcanic carbon emissions. The results, reported in the journal Science, could lead to a reinterpretation of how the carbon cycle has evolved over Earth’s history, and how this has impacted the evolution of Earth’s habitability.
The researchers used existing measurements of carbon and helium from more than 80 volcanoes around the world in order to determine its origin. Carbon and helium coming out of volcanoes can either come from deep within the Earth or be recycled near the surface, and measuring the chemical fingerprint of these elements can pinpoint their source. When the team analysed the data, they found that most of the carbon coming out of volcanoes is recycled near the surface, in contrast with earlier assumptions that the carbon came from deep in the Earth’s interior.

Over millions of years, carbon cycles back and forth between Earth’s deep interior and its surface. Carbon is removed from the surface from processes which allows atmospheric oxygen to grow at the surface. Volcanoes are one way that carbon is returned to the surface, although the amount they produce is less than a hundredth of the amount of carbon emissions caused by human activity. Today, the majority of carbon from volcanoes is recycled near the surface, but it is unlikely that this was always the case.

Volcanoes form along large island or continental arcs where tectonic plates collide and one plate slides under the other, such as the Andes of South America or the volcanoes throughout Italy. These volcanoes have different chemical fingerprints: the island arc volcanoes emit less carbon which comes from deep in the mantle, while the continental arc volcanoes emit far more carbon which comes from closer to the surface.

Over hundreds of millions of years, the Earth has cycled between periods of continents coming together and breaking apart. This back and forth changes the chemical fingerprint of carbon coming to Earth’s surface systematically over geological time, and can be measured through the different isotopes of carbon and helium.
Variations in the isotope ratio, or chemical fingerprint, of carbon are commonly measured in limestone. Researchers had previously thought that the only thing that could change the carbon fingerprint in limestone was the production of atmospheric oxygen. As such, the carbon isotope fingerprint in limestone was used to interpret the evolution of habitability of Earth’s surface. The results of the Cambridge team suggest that volcanoes played a larger role in the carbon cycle than had previously been understood, and that earlier assumptions need to be reconsidered.

A great example of this is in the Cretaceous Period, 144 to 65 million years ago. During this time period there was a major increase in the carbon isotope ratio found in limestone, which has been interpreted as an increase in atmospheric oxygen concentration. This increase in atmospheric oxygen was causally linked to the proliferation of mammals in the late Cretaceous. However, the results of the Cambridge team suggest that the increase in the carbon isotope ratio in the limestones could be almost entirely due to changes in the types of volcanoes at the surface.

Source: University of Cambridge.

Processus de circulation du carbone dans les zones de subduction (Source : Université de Cambridge)

 

L’hélium et l’éruption de l’Ontake en septembre 2014 // Helium and the Ontake eruption in September 2014

drapeau francaisL’Institut de Recherche Sismique de l’Université de Tokyo a publié un article très intéressant sur la dernière éruption du Mont Ontake le 27 Septembre 2014, avec ses 58 morts et 5 disparus. Les chercheurs ont découvert une augmentation d’un isotope d’hélium au cours d’une période de dix ans avant l’éruption. Ils ont constaté qu’avant l’éruption le rapport entre l’hélium-3 et l’hélium-4 dans la source d’eau chaude la plus proche de l’édifice volcanique avait augmenté de manière significative entre juin 2003 et novembre 2014, tandis que ce rapport au niveau des sources chaudes plus éloignées ne montrait pas de réelle variation. En outre, les rapports isotopiques sur la source d’eau chaude la plus proche sont restés constants entre novembre 1981 et juin 2000.
Ces résultats laissent supposer que cette anomalie isotopique de l’hélium est liée à l’activation du système magmatique du volcan et pourrait constituer un marqueur utile dans la prévention des risques à long terme en ce qui concerne les éruptions volcaniques.
De petites quantités de l’isotope de l’hélium-3 sont présentes dans le manteau, tandis que l’hélium-4 est produit dans la croûte et le manteau par détérioration radioactive. Un rapport plus élevé du rapport hélium-3 / hélium-4 indique donc qu’une partie de l’hélium provient du manteau plutôt que de la croûte. Des recherches antérieures ont suggéré que la variation des ratios isotopiques de l’hélium au fil du temps dans les fumerolles du cratère et les sources chaudes allait de pair avec l’activité volcanique. Cependant, les anomalies isotopiques d’hélium dont font état ces études étaient toutes liées à des éruptions magmatiques et non à des éruptions phréatiques, comme celle qui a secoué le Mont Ontake.
Les derniers résultats suggèrent que les anomalies d’hélium sont également associées à des éruptions phréatiques. Le groupe de recherche estime que l’augmentation des gaz magmatiques sur une période de dix ans a abouti à lente mise sous pression des conduits volcaniques et a finalement abouti à l’éruption de septembre 2014.
Cette étude montre l’importance de l’étude des gaz en volcanologie. Ce fut le cheval de bataille d’Haroun Tazieff dans son approche des volcans actifs. Comme lui, je suis convaincu que cette étude est essentielle étant donné que les gaz sont le moteur des éruptions. Je me souviens d’avoir travaillé sur l’île de Vulcano (Sicile / Italie) avec l’équipe de l’Institut des Fluides de Palerme dont le travail consistait essentiellement à identifier l’hélium et le gaz carbonique à l’intérieur des fumerolles de la Fossa.

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drapeau anglaisThe Earthquake Research Institute of the University of Tokyo has released a very interesting article about the 27 September 2014 eruption of Mount Ontake that resulted in 58 deaths and 5 missing. The researchers discovered an increase in a helium isotope during a ten-year period before the eruption. They found that prior to the eruption, the helium-3 to helium-4 ratio at the hot spring closest to the volcanic cone increased significantly from June 2003 to November 2014, while that at distant hot springs showed no significant change. In addition, the helium isotopic ratios of the closest hot spring remained constant from November 1981 to June 2000.

These findings suggest that this helium isotope anomaly is related to activation of the volcano’s magma system and could be a valuable marker for long-term risk mitigation concerning volcanic eruptions.

Small quantities of the isotope helium-3 are present in the mantle, while helium-4 is produced in the crust and mantle by radioactive decay. A higher ratio of helium-3 to helium-4 therefore indicates that a sample of helium gas originates from the mantle rather than the crust. Previous research suggested that variation of helium isotopic ratios over time in crater fumaroles and hot springs correlates well with volcanic activity. However, helium anomalies reported in these studies were all related to magmatic eruptions, and not to hydro-volcanic or phreatic eruptions like the one that shook Mount Ontake.

The new findings suggest that helium anomalies are also associated with phreatic eruptions. The research group thinks that increased input of magmatic gas over a ten-year period resulted in the slow pressurization of the volcanic conduit and eventually led to the eruption.

This study shows the importance of the study of gases in volcanology. This was Haroun Tazieff’s guideline in his approach of active volcanoes. Like him, I was (and I am still) convinced that this study was essential as the gases are the motor of an eruption. I can remember working on the island of Vulcano (Sicily / Italy) with the team of the Institute of Fluids of Palermo whose work mainly consisted in identifying He and CO2 within the fumaroles of the Fossa volcano.

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L’Ontake quelques jours après l’éruption du 27 septembre (Source: JMA)

L’hélium de Yellowstone // Helium at Yellowstone

drapeau francaisAprès le séisme de M 4,8 qui a secoué Yellowstone le 30 mars dernier, certaines personnes ont prétendu que les émissions d’hélium étaient en hausse dans la caldeira, signe d’une éruption à court terme. Même si une telle affirmation va trop loin, il est indéniable qu’il existe une relation entre l’hélium et l’activité volcanique ou magmatique. Il y a quelques années, j’ai mentionné l’importance de l’hélium à propos des émissions gazeuses sur les basses pentes de l’Etna (voir le résumé de mon étude dans la colonne de gauche de ce blog).

Suite à l’événement sismique à Yellowstone, Erik Klemetti, professeur de Sciences de la Terre à l’université Denison, a écrit un article très intéressant intitulé « Ce que l’hélium peut nous dire à propos des volcans » : http://www.wired.com/category/eruptions

Erik nous explique que le rapport entre les deux isotopes naturels de l’hélium (3He et 4He) peut nous donner des informations sur l’origine de l’hélium. En effet, l’hélium provient de deux sources principales : (1) le manteau, qui renferme l’hélium apparu lors de la formation de la planète et (2) la croûte, où l’hélium provient de la désintégration radioactive d’éléments comme l’uranium et le thorium. Ces deux sources d’hélium montrent cependant quelques différences. L’hélium mantellique est dominé par le 3He (2 protons, 1 neutron), tandis que la désintégration des éléments dans la croûte va produire le 4He (2 protons, 2 neutrons).
Cela signifie que lorsque l’on mesure le rapport isotopique de l’hélium en provenance du sol, des sources chaudes, des puits ou des fumerolles, on peut déterminer la quantité d’hélium produite lors du dégazage du magma en provenance du manteau, ou par la désintégration radioactive de l’uranium et du thorium dans la croûte.

Erik Klemetti explique les émissions d’hélium à Yellowstone en faisant référence à un article publié par Jake Lowenstern (responsable de l’Observatoire de Yellowstone ) et d’autres scientifiques dans la revue Nature le 19 février 2014. Les auteurs ont constaté que les zones qui produisaient le plus d’hélium étaient situées dans la bordure méridionale de la caldeira. Ces zones libèrent essentiellement de l’hélium provenant de la croûte, et non du magma qui se trouve sous Yellowstone. Selon l’étude, les proportions les plus élevées de 3He/4He se situent au cœur de la caldeira. Lowenstern et les autres scientifiques ont calculé la quantité de 4He que la croûte sous Yellowstone était susceptible d’émettre en se basant sur les proportions d’uranium et de thorium. Ils ont constaté que la région de Yellowstone libère près de 600 fois plus de 4He qu’elle le devrait, si l’on se base sur la désintégration de l’uranium et du thorium. Cela signifie probablement que le volcan de Yellowstone laisse échapper de l’hélium qui est resté emprisonné dans la croûte pendant des millions, voire des milliards d’années. L’hélium de Yellowstone n’est en aucune façon lié au magma qui se trouve sous la caldeira ; il a probablement quitté la croûte lors de séismes ou sous l’effet du réchauffement de la croûte par le magma.

Erik Klemetti conclut son article en écrivant que la quantité d’hélium émise ne nous dit pas grand-chose sur l’activité volcanique dans la mesure où l’hélium, quel qu’il soit, peut se trouver libéré au cours des épisodes sismiques qui affectent un volcan. Il faut connaître le rapport 3He/4He pour comprendre si les variations des émissions d’hélium ont une origine magmatique.  Le problème est qu’il n’existe pas de moyen facile et peu coûteux pour obtenir des mesures rapides des ratios 3He/4He sur le terrain. Les échantillons doivent être acheminés à un laboratoire pour y être analysés.
Si on ne prend en compte que la quantité d’hélium produite par un volcan, on n’obtient qu’une pièce du puzzle de l’activité volcanique. Malgré tout, les mesures des émissions d’hélium et de leur composition isotopique sont d’une grande utilité. Comme on vient de le voir,  il existe à Yellowstone un important volume d’hélium stocké dans la croûte qui peut être libéré par des processus non liés à des phénomènes qui pourraient conduire à une éruption.

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drapeau anglaisAfter the M 4.8 earthquake that rocked Yellowstone on March 30th, some people pretended that helium emissions were rising in the caldera, meaning an eruption was to take place in the short term. Even though such a direct statement goes too far, it is undisputable that a relationship exists between helium and volcanic – or rather magmatic – activity. A few years ago, I mentioned helium about the gaseous emissions on the lower slopes of Mount Etna (see abstract of this study in the left-hand column of this blog).

In the wake of the seismic event at Yellowstone, Erik Klemetti, an assistant professor of Geosciences at Denison University, wrote a very interesting article entitled “What helium can tell us about volcanoes”: http://www.wired.com/category/eruptions

Erik explains us that the ratio between helium’s two naturally-occurring isotopes (3He and 4He) can tell us about the source of the helium. Indeed, helium can come from two main sources: (1) the mantle, that includes helium from the formation of the planet, and (2) the crust, where it comes from the radioactive decay of elements like uranium and thorium. These two sources of helium, however, show some differences. Mantle-derived primordial helium is dominated by the 3He (2 protons, 1 neutron) while the decay of elements in the crust will produce the 4He (2 protons, 2 neutrons).

This means that when you measure the isotopic ratio of helium being released in soils, hot springs, wells or fumaroles, you can determine how much of that helium is being derived from either degassing of magma coming from the mantle or from the radioactive decay of uranium and thorium in the crust.

Erik Klemetti explains the helium emissions at Yellowstone with reference to an article published by Jake Lowenstern (scientist in charge of the Yellowstone Observatory) and others in the journal Nature on February 19th 2014. The authors found that the most productive areas of helium emissions were located in the southern margin of the caldera. These areas are mainly releasing helium derived from the crust, not any magma underneath Yellowstone. According to the study, the highest 3He/4He ratios are in the heart of the caldera. Lowenstern and others calculated how much 4He the crust underneath Yellowstone could produce based on the uranium and thorium content. They found that the Yellowstone area releases almost 600 times more 4He than it should, based on the decay of uranium and thorium. This means that it is probably releasing helium that has been trapped in the crust for millions to billions of years. This helium at Yellowstone is in no way related to the magma underneath the caldera, but has likely been freed from the crust by the earthquakes and heating of the crust done by the magma.

Erik Klemetti concludes his article by writing that he amount of helium being released doesn’t tell us much about volcanic activity, as helium of any sort might be liberated by earthquakes under a volcano. We need to know the ratio of 3He/4He of that helium to understand whether the changes in emissions are actually related to magma. The problem is that there is no easy way to get fast and cheap measurements of the 3He/4He ratios in the field. The samples need to be taken to a laboratory to be analysed.

If you only consider the amount of helium being released at the volcano, you’re only getting a piece of the full picture of volcanic activity. However, you can learn a lot from measuring helium emissions and their isotopic composition. At Yellowstone, there is a significant volume of stored helium in the crust that can be released by processes unrelated to anything that could lead to an eruption.

Yell-blog

Photo:  C.  Grandpey

 

Hélium et éruptions volcaniques // Helium and volcanic eruptions

drapeau francais   Tazieffien convaincu, j’ai toujours affirmé qu’il fallait donner priorité à l’analyse des gaz en volcanologie. Ce sont eux qui sont le moteurs des éruptions et leur analyse, plus que toute autre, peut permettre de comprendre –voire d’anticiper – le comportement d’un volcan.

C’est ce que viennent de réaliser les scientifiques espagnols en observant les échantillons de gaz recueillis pendant l’éruption de 2011-2012 à El Hierro (Iles Canaries). Suite à l’analyse de quelque 8 000 échantillons d’hélium, un géochimiste a déclaré : « Nous sommes persuadés que l’hélium peut anticiper la détection de mouvements magmatiques avant même que ces mouvements soient détectés par une activité sismique».

Dans l’étude et la prévision des éruptions volcaniques, les volcanologues se concentrent généralement sur le dioxyde de carbone, le deuxième gaz le plus abondant (après la vapeur d’eau) émis pendant leur déroulement. Pourtant, selon les scientifiques espagnols, l’hélium est « un meilleur candidat pour le suivi et la prévision des éruptions parce qu’il ne réagit pas avec les roches ou les eaux souterraines, et les microorganismes ne consomment pas ou ne produisent pas d’hélium ». Ils ont constaté que la mesure des émissions d’hélium dans le sol et l’eau d’El Hierro donnait des indications sur les périodes où le magma se déplaçait sous l’île et sa position par rapport à la surface, deux facteurs importants dans la prévision d’une éruption volcanique.
L’équipe espagnole a également mesuré deux isotopes d’hélium – atomes du même élément avec un nombre différent de neutrons. L’hélium-3, par exemple, a un seul neutron tandis que l’hélium-4 en a deux. L’hélium-4 est produit lorsque des éléments radioactifs se désintègrent dans la croûte terrestre alors que l’hélium-3, qui représente la majeure partie de l’hélium de la Terre, se trouve principalement dans le manteau.
En observant les proportions d’hélium-3 et d’hélium-4 dans un échantillon de gaz, les chercheurs ont pu déterminer quelle quantité d’hélium était venue directement du manteau et quelle quantité provenait de fractures récentes dans la croûte en dessous d’El Hierro.

Les analyses montrent que, lorsque l’activité volcanique a débuté à El Hierro, la croûte s’est fracturée et l’hélium, principalement en provenance du manteau, est remonté à la surface. Lorsque l’éruption a vraiment commencé, les émissions de gaz à la surface ont augmenté de façon spectaculaire tandis que la pression gazeuse sous l’île diminuait rapidement. Ensuite, lorsque l’activité sismique à El Hierro a recommencé, la croûte s’est profondément fracturée et déformée et l’hélium-4 est devenu une composante majoritaire de l’ensemble d’hélium émis sur l’île.
Le système utilisé par les scientifiques espagnols à El Hierro pourrait  servir de référence pour les chercheurs qui surveillent d’autres volcans actifs de la planète. Cette approche géochimique s’est avérée importante à El Hierro car le magma a migré vers la surface sans sismicité préalable.

En fait, l’étude des émissions d’hélium à El Hierro au cours de la dernière éruption n’est pas vraiment un scoop. Les géochimistes italiens – en particulier l’équipe de l’Istituto di Geochimica dei Fluidi de Palerme – a déjà mis en évidence le rôle important joué par ce gaz dans le mécanisme éruptif, que ce soit sur l’Etna ou aux Iles Eoliennes. J’avais moi-même attiré l’attention sur les émanations gazeuses (y compris l’helium) sur les basses pentes de l’Etna et indiqué dans quelle mesure elles pouvaient servir d’indicateurs sur le comportement éruptif du volcan (voir colonne de gauche de ce blog).

Source : Live Science.

drapeau anglais   In the wake of H. Tazieff, I have always asserted that we should give priority to gas analysis in volcanology. Indeed, gases drive the eruptions and their analysis, more than any other, may help understand, or even anticipate, the behaviour of a volcano. This is what Spanish scientist have realised while observing 8,000 helium samples collected during the 2011-2012 eruption at El Hierro. A geochemist declared: “We believe that helium can anticipate the detection of magmatic movement even before those movements can be detected by seismic activity. »

When studying and trying to forecast volcanic eruptions; researchers usually focus on carbon dioxide, the second most abundant gas (after water vapor) in volcanic eruptions. However, helium is a better candidate for tracking and forecasting eruptions because it doesn’t react with rocks or groundwater and microorganisms don’t consume or produce helium.

The Spanish team found that measuring the flow of helium in El Hierro’s soil and water gave them clues as to when magma under the island was moving and how close it was to the surface — both important factors in forecasting a volcanic eruption.

They also measured two helium isotopes — atoms of the same element with different numbers of neutrons. Helium-3, for example, has one neutron whereas helium-4 has two. Helium-4 is produced when radioactive elements decay in the Earth’s crust but helium-3, which accounts for the bulk of Earth’s helium, is primarily found in the mantle.

Looking at the proportions of helium-3 and helium-4 in a gas sample, the researchers could determine how much helium had come straight from the mantle, and how much came from new fractures in the crust below El Hierro island.

The analyses show that, when volcanic activity began, the crust fractured and helium, mostly from the mantle, flowed to the surface. As the actual eruption started, gas flow at the surface increased dramatically, and gas pressure beneath the island dropped. Then as seismic activity at El Hierro picked up again, the crust fractured and deformed extensively, and helium-4 became a larger component of the total helium released on the island.

The system used by Spanish scientists at El Hierro could serve as a reference for researchers who monitor other active volcanoes in the world. This geochemical approach has been important in El Hierro since the magma migrated to the surface without any preliminary seismicity.
In fact, the study of helium emissions in El Hierro during the last eruption is not really a scoop. Italian geochemists – especially the team of the Istituto di Geochimica dei Fluidi at Palermo – has already highlighted the important role of this gas in the eruptive mechanism, both of Mount Etna or the Aeolian Islands. I myself have drawn attention to the gaseous emissions (including helium) on the lower slopes of Mount Etna and indicated to what extent they could be used as indicators of the eruptive behaviour of the volcano (see left-hand column of this blog).

Source: Live Science.

Paterno-blog

Emanations gazeuses dans les salinelle de Paterno  (Sicile)  [Photo:  C. Grandpey]