Antarctique : des volcans sous la glace // Antarctica : volcanoes beneath the ice

Lorsque je mentionne l’Antarctique dans mon blog, c’est généralement pour alerter sur les conséquences du réchauffement climatique. La glace de mer fond et les plates-formes glaciaires qui bordent l’Antarctique occidental risquent de ne plus être en mesure de retenir les immenses glaciers à l’intérieur des terres. S’ils atteignent l’océan Austral, leur fonte fera considérablement monter le niveau de la mer dans le monde.
Outre les glaciers, le continent blanc cache sous sa surface gelée pas moins de 138 volcans. 91 d’entre eux ont été découverts pour la première fois dans le cadre d’une étude réalisée en 2017 et publiée dans la revue de la Geological Society.
Bien que ces volcans soient considérés comme jeunes d’un point de vue géologique, les scientifiques sont incapables de dire lesquels sont réellement actifs. Actuellement, seuls deux volcans sont considérés comme actifs : l’Île de la Déception et le Mont Erebus.
Le mont Erebus (3 794 mètres) est le plus haut sommet de l’Antarctique. Il est considéré comme le volcan actif le plus méridional de la planète. Il émet des panaches de gaz et de vapeur, avec parfois des projections de bombes lors d’éruptions stromboliennes. L’Erebus fait partie des rares volcans à héberger un lac de lave permanent au fond du cratère sommital. Dans les années 1980, le volcanologue français Haroun Tazieff a organisé deux expéditions pour analyser les gaz émis par le volcan et collecter des échantillons de lave. Jean-Louis Etienne a organisé une expédition semblable dans les années 1990 mais le lac de lave était à peine visible.
On observe dans la zone sommitale de l’Erebus des bouches qui libèrent des gaz et de la vapeur. Les conditions météorologiques très froides favorisent l’édification de tours de glace autour des fumerolles; elles peuvent atteindre trois mètres de haut.

Cratère de l’Erebus (Crédit photo: Wikipedia)

Cristal d’anorthoclase et échantillon du lac de lave de l’Erebus prélevés par l’équipe Tazieff (Photo: C. Grandpey / Collection personnelle)

L’île de la Déception se trouve dans les îles Shetland du Sud, près de la péninsule Antarctique. Il s’agit de la caldeira d’un volcan actif dont la dernière éruption remonte à 1970. Il n’y a pas d’activité éruptive en ce moment et le niveau d’alerte volcanique pour l’île est Vert.

 

Source: Wikipedia

Bien que les scientifiques surveillent les volcans de l’Antarctique avec des instruments, ils ne peuvent guère prévoir si et quand l’un d’entre eux pourrait entrer en éruption. L’Erebus et l’île de la Déception ne disposent que d’un petit nombre d’instruments de surveillance permanents. Ces réseaux sont principalement constitués de sismomètres pour détecter l’activité sismique liée à l’activité volcaniques. De temps en temps, les chercheurs déploient des réseaux d’instruments plus denses pour mener des études spécifiques. Toutefois, en raison des conditions météorologiques et des difficultés pour atteindre l’Antarctique, de telles expéditions sont rares et longues à organiser.
Adapté d’un article paru sur le site Live Science.

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When Antarctica is mentioned on my blog, it is usually to warn about the consequences of global warming on this continent. Sea ice is melting and there is the risk that the ice shelves in West Antarctica will no longer be able to buttress the huge inland glaciers. Should they reach the Southern Ocean, their melting would significantly increase sea level around the world.

Beside the glaciers, the white continent is hiding as many as 138 volcanoes volcanoes beneath its frosty surface. Of those volcanoes, 91 were first discovered as part of a 2017 study published in the journal Geological Society.

While these volcanoes are considered young from a geological point of view, scientists are unable to say which ones are really volcanically active. Currently, there are only two volcanoes that are classified as active : Deception Island and Mount Erebus.

Mount Erebus (3,794 meters) is the highest peak on the continent. It is considered the world’s southernmost active volcano. It has been known to emit gas and steam plumes, with occasional projections of bombs during strombolian eruptions. Mount Erebus is also knows for harbouring a persistent lava lake deep inside the summit crater. In the 1980s, French volcanologist Haroun Tazieff organised two expeditions to analyse the gases emitted by the volcano and to collect lava samples. Jean-Louis Etienne organised a similar expedition in the 1990s but the lava lake could hardly be seen.

The summit of Mt Erebus is speckled with volcanic vents that release gases and vapour into the air. As the local weather conditions are very cold, accumulation from these vents can create deposits known as fumarolic ice towers up to three meters high.

Deception Island is in the South Shetland Islands close to the Antarctic Peninsula. It is the caldera of an active volcano which last erupted in 1970. here is no eruptive activity today and the alert level for the island is Green.

Although scientists are monitoring Antarctica’s volcanoes with instruments, it can prove challenging to predict when exactly one might erupt next. Mount Erebus and Deception Island alone only have a small number of permanent monitoring instruments. These networks primarily consist of seismometers to detect seismic activity associated with volcanic unrest. From time to time, researchers deploy more extensive networks of instruments to conduct specific studies. Due to the weather conditions and the difficulties to reach Antarctica, such expeditions are rare and long to organise.

Adapted from an article in Live Science.

De l’ île de la Déception à la planète Mars // From Deception Island to Mars

Située dans les îles Shetland du Sud, à 120 km au nord de la péninsule Antarctique, l’île de la Déception est la partie émergée d’un volcan bouclier potentiellement actif de 30 km de diamètre.

Carte topographique de l’île de la Déception (Source: Wikipedia)

Des éruptions historiques ont eu lieu entre 1839 et 1842. Le volcan s’est à nouveau réveillé en 1967 et 1969, détruisant les stations scientifiques à proximité. Suite à cet événement, les stations britannique et chilienne furent démolies et l’île fut abandonnée pendant plusieurs années. La dernière éruption majeure a eu lieu le 13 août 1970, provoquant des retombées de cendres sur la station russe Bellingshausen sur l’île du Roi George et sur la station chilienne Arturo Prat sur l’île Greenwich. L’éruption a également entraîné l’évacuation d’une base argentine. L’île de la Déception est désormais dédiée à la recherche scientifique. Aujourd’hui, elle fournit aux scientifiques des indications sur ce que pourrait être la vie sur Mars.

Ruines de la base britannique (Source: Wikipedia)

L’île en forme de fer à cheval est le seul endroit au monde où les navires peuvent naviguer dans la caldeira d’un volcan actif. Dans les eaux autour de l’île vivent poissons, krill, anémones et éponges de mer, tandis que des espèces uniques de lichens et de mousses poussent à la surface dans un écosystème aux contrastes extrêmes. Inhabitée, l ‘île abrite peut-être la plus grande colonie de manchots à jugulaire, d’oiseaux marins, de phoques et d’otaries au monde. Malgré des conditions météorologiques défavorables, la vie prospère sur l’île où la température des fumerolles atteint environ 70°C, même si la température de l’air peut chuter jusqu’à -28°C.
Les scientifiques disent que l’île de la Déception ressemble à la planète Mars car c’est « une planète avec un passé à l’intense activité volcanique, et où règnent actuellement des conditions très froides. » Elle représente donc un excellent moyen de comprendre la vie sur Mars sans mettre le pied sur cette planète.

Fumerolle sur le rivage de la Déception (Crédit photo : NASA)

L’analyse des roches de l’île de la Déception vient compléter les travaux des ingénieurs, des scientifiques et des astronomes qui étudient Mars à distance. En 2023, au vu des données fournies par le rover Curiosity, les chercheurs de la NASA ont déclaré que Mars avait autrefois un climat avec des saisons cycliques, propices au développement de la vie. Les scientifiques pensent qu’une éruption volcanique de très grande échelle a modifié l’atmosphère de la planète et entraîné l’apparition d’océans et de rivières qui se sont ensuite évaporés.
Même si les températures sur Mars – estimées par la NASA à environ -153°C – sont bien inférieures à celles de l’île de la Déception, les conditions antarctiques peuvent permettre de comprendre si les conditions nécessaires au développement de la vie auraient pu exister sur Mars.
Un autre robot martien, Perseverance, a atterri sur la planète en février 2021 pour rechercher des signes de vie microbienne passée. Il est prévu que ce rover multitâche prélève 30 échantillons de roches et de sol et les introduise dans des tubes qui seront renvoyés sur Terre dans les années 2030 pour analyse en laboratoire.

Robot Perseverance (Crédit photo : NASA)

Source  : Yahoo Actualités.

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Located in the South Shetland Islands, 120 km north of the Antarctic Peninsula, Deception Island is the exposed portion of an active shield volcano 30 km in diameter. Historical eruptions occurred in 1839–1842. The volcano returned to activity in 1967 and 1969, destroying the existing scientific stations. Both British and Chilean stations were demolished, and the island was abandoned for several years. The final major volcanic eruption was reported on 13 August 1970, causing ashfall on the Russian Bellingshausen station on King George Island and the Chilean station Arturo Prat on Greenwich Island.The eruption also forced the evacuation of an Argentine base. Deception Island is now dedicated to scientific research. Today, it provides clues to scientists about what life could look like on Mars.

The horseshoe-shaped island is the only place in the world where ships can sail into the caldera of an active volcano. In the waters around the island, fish, krill, anemones and sea sponges survive, while unique species of lichen and moss grow on the surface in an ecosystem of extreme contrasts. The island, uninhabited by people, is home to perhaps the world’s largest colony of chinstrap penguins, seabirds, seals and sea lions. Despite adverse weather conditions, life thrives on the island where temperatures in fumaroles, have been measured at around 70 degrees Celsius, even as air temperatures can plummet to -28°C.

Scientists say that Deception Island is similar to Mars because it is « a planet with (a past of) immense volcanic activity … where currently there are very cold conditions. » Thus, it is the best possible approximation to understand Mars without stepping on that planet.

The analysis of rocks on Deception Island complements the work of engineers, scientists and astronomers who study Mars from afar. In 2023, NASA researchers concluded that Mars once had a climate with cyclical seasons, conducive to the development of life, according to evidence found on the Red Planet by the Curiosity rover. Scientists believe an immense volcanic eruption changed the planet’s atmosphere and led to the appearance of oceans and rivers that later evaporated.

Even though temperatures on Mars – estimated by NASA at about -153°C – are far lower than ofn Deception Island, Antarctic conditions can help understand if the conditions for the development of life could have existed on Mars.

Another Mars rover, Perseverance, landed on the planet in February 2021 to look for signs of past microbial life. The multitasking rover will collect 30 rock and soil samples in sealed tubes to be sent back to Earth sometime in the 2030s for lab analysis.

Source : Yahoo News.

Le volcan et les manchots // The volcano and the penguins

Selon une nouvelle étude réalisée par le British Antarctic Survey et publiée dans Nature Communications, l’une des plus grandes colonies de manchots papous sur l’Ile Ardley, près de la Péninsule Antarctique, a été décimée à plusieurs reprises par des éruptions volcaniques au cours des 7000 dernières années. Les chercheurs ont étudié le guano déposé autrefois par les manchots et ont constaté que la colonie avait plusieurs fois frôlé l’extinction à cause des retombées de cendre d’un volcan sur l’Ile de la Déception située à environ 120 km au sud-ouest d’Ardley.
L’Ile Ardley héberge actuellement une colonie d’environ 5000 couples de manchots papous. Grâce à l’analyse chimique du guano extrait des carottes de sédiments provenant d’un lac de l’île, les chercheurs ont découvert l’histoire de la colonie. Les conditions climatiques sur l’Ile Ardley ont généralement été favorables aux manchots au cours des 7000 dernières années et l’équipe scientifique s’attendait à ce que la colonie affiche des fluctuations mineures suite au changement climatique et aux variations de la glace de mer qui l’accompagnent. Au final, ils ont constaté que le volcan sur l’Ile de la Déception a eu un impact beaucoup plus important que prévu.
Lorsque les chercheurs ont commencé à examiner les carottes de sédiments, ils ont été frappés par la forte odeur du guano dans certaines strates et ils ont pu voir parfaitement les couches de cendre volcanique en provenance de l’Ile de la Déception. En procédant à l’analyse chimique des sédiments, ils ont pu estimer le nombre de manchots sur l’Ile Ardley tout au long de la période et voir dans quelle mesure les oiseaux ont été affectés par les éruptions. Au moins trois fois au cours des 7000 dernières années, la population de manchots a été d’un ordre de grandeur semblable à aujourd’hui, mais elle a presque totalement disparu après chacune des trois grandes éruptions volcaniques. Il a fallu, en moyenne, entre 400 et 800 ans pour que la colonie se reconstitue durablement.
L’étude révèle l’impact sévère que les éruptions volcaniques peuvent avoir sur les manchots et à quel point il est difficile pour une colonie de se reconstituer complètement. Une éruption peut enfouir les poussins sous de la cendre ; alors que les adultes peuvent nager, les poussins sont trop jeunes pour survivre dans les eaux très froides. Les sites de nidification peuvent également être recouverts par la cendre et rester inhabités pendant plusieurs siècles.
Les techniques mises en pratique dans cette étude permettront aux scientifiques de modéliser les changements intervenus dans le passé dans la taille des colonies et prévoir comment d’autres colonies de manchots pourraient être affectées ailleurs, comme les manchots à jugulaire sur l’île de Zavodovski, menacés par les éruptions du volcan Mt Curry en 2016.
Jusqu’à présent, les changements intervenus dans les populations de manchots de la Péninsule Antarctique avaient été attribués à la variabilité climatique et aux fluctuations de la glace de mer, mais l’impact potentiellement dévastateur sur le long terme de l’activité volcanique n’avait jamais été pris en compte.
Source: British Antarctic Survey.

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According to a new study by the British Antarctic Survey published in Nature Communications, one of the largest colonies of gentoo penguins on Ardley Island, near the Antarctic Peninsula, was decimated by volcanic eruptions several times during the last 7,000 years. The researchers studied ancient penguin guano and found the colony came close to extinction several times due to ash fall from Deception Island volcano, situated roughly 120km to the southwest of Ardley.

Ardley Island is currently home to a population of around 5,000 pairs of gentoo penguins. Using new chemical analyses of penguin guano extracted in sediment cores from a lake on the island, the researchers could discover the history of the penguin colony. Climate conditions around Ardley Island have been generally favourable for penguins over the last 7,000 years and the team had expected the local population to show minor fluctuations in response to changes in climate or sea ice. The surprising result was that the nearby Deception Island volcano had a far greater impact than originally anticipated.

When the researchers first examined the sediment cores, they were struck by the intense smell of the guano in some layers and they could also clearly see the volcanic ash layers from nearby Deception Island. By measuring the sediment chemistry, they were able to estimate the population numbers throughout the period and see how penguins were affected by the eruptions. On at least three occasions during the past 7,000 years, the penguin population was similar in magnitude to today, but was almost completely wiped out locally after each of three large volcanic eruptions. It took, on average, between 400 and 800 years for it to re-establish itself sustainably.

The study reveals the severe impact volcanic eruptions can have on penguins, and just how difficult it can be for a colony to fully recover. An eruption can bury penguin chicks in toxic ash, and while the adults can swim away, the chicks may be too young to survive in the freezing waters. The nesting sites can also be buried, and may remain uninhabitable for hundreds of years.

The techniques developed in this study will help scientists to reconstruct past changes in colony size and potentially predict how other penguin populations may be affected elsewhere, like the chinstrap penguins on Zavodovski Island, which were disturbed by eruptions from the Mt Curry volcano in 2016.

Changes in penguin populations on the Antarctic Peninsula have been linked to climate variability and sea-ice changes, but the potentially devastating long-term impact of volcanic activity has not previously been considered.

Source: British Antarctic Survey.

Source: British Antarctic Survey

Manchot papou (Crédit photo: Wikipedia)

Manchot à jugulaire (Crédit photo: Wikipedia)