France : les émissions de CO2 baissent, mais pas les concentrations dans l’atmosphère !

Avant de commencer à lire cette note, je vous invite à prendre un globe terrestre et regarder la place occupée par la France sur notre planète. Vous constaterez que notre pays a une taille modeste par rapport à beaucoup d’autres. Avec ses 672 051 km2 (outre-mer compris) et 551 695 km2 (métropole seule), la France se classe au 47ème rang mondial pour la superficie (0,4 % des terres émergées). et au 20ème rang pour la population (1 % de la population de la planète). La France n’est pas le centre du monde, comme certains ont tendance à le croire!

Il faut donc relativiser quand un membre du gouvernement fait des effets d’annonce. Ces derniers jours, Christophe Béchu, ministre de la Transition Ecologique a clamé haut et fort que les émissions de gaz à effet de serre en France ont diminué de 4,8% en 2023. Il a ajouté que cette baisse « vaut dans tous les secteurs », notamment en ce qui concerne les bâtiments et l’industrie, même si elle est « plus modeste dans les transports »,

C’est bien, même très bien, mais pour que l’atmosphère de notre planète tire un bénéfice de ces bons résultats nationaux, il faudrait que la baisse des émissions ait lieu dans tous les pays, en particulier ceux qui polluent le plus, comme l’Inde, la Chine, ou les Etats Unis. Si les émissions de CO2 ont baissé de 3% aux Etats Unis en 2023, elles ont augmenté de 4% en Chine et de plus de 8% en Inde, et elles sont restées relativement stables dans le reste du monde. Au vu de ces chiffres, on s’aperçoit que le compte n’y est pas et que les émissions de CO2 restent encore beaucoup trop élevées.

Évolution des émissions de CO2 par pays, en milliards de tonnes (Source : Global Carbon Project)

Dans mes notes relatives au réchauffement climatique, je mets en garde contre la confusion souvent faite par les journalistes entre les émissions et les concentrations de CO2. Si les émissions ont tendance à se stabiliser, voire décroître, dans certaines régions du monde, les concentrations montrent un niveau record, avec une hausse permanente. Pour s’en rendre compte, il suffit de regarder la Courbe de Keeling qui traduit les émissions de CO2 sur le Mauna Loa, un volcan hawaiien.

Les concentrations atteignent en ce moment plus de 426 ppm et ne montrent pas le moindre signe de stabilisation ou de déclin, ce qui est fort inquiétant. Tant que les concentrations maintiendront un tel niveau, les températures globales continueront de croître, avec les connaissances que l’on sait, en particulier sur les glaciers et la banquise, et sur le niveau des océans.

 

Concentrations de CO2 dans l’atmosphère le 20 mars 2024 (Source : Scripps Institution)

Le ministre de la Transition Ecologique a reconnu que le point faible concernant les émissions de CO2 est celui des transports qui, pourtant, contribuent pour beaucoup à leur hausse en représentant 31% des émissions.

Dans ce domaine, il est étonnant de constater que le « leasing social » de voitures électriques ait été été stoppé pour 2024 dès le mois de février.

Il est étonnant aussi d’entendre parler de l’arrivée de méga camions qui ne seront probablement pas dotés de moteurs électriques, comme d’ailleurs le reste de la flotte de poids lourds en Europe et dans le monde en général. Le pourcentage de camions électriques dans le monde atteint péniblement 0,1%.

S’agissant de la motorisation électrique, il serait souhaitable que les campagnes de publicité ne ciblent pas seulement les véhicules légers, mais pour cela, il faudra vaincre les réticences du lobby du transport routier ! Quand on voit le prix des voitures électriques (vous remarquerez que le prix réel n’est jamais affiché, seulement le montant des mensualités!), on est en droit de penser que les camions électriques doivent coûter une petite fortune…

Réchauffement climatique : probabilité d’un scénario à +4°C

Contrairement à certains, j’étais d’accord avec les messages d’alerte que lançait Nicolas Hulot dans les émissions Ushuaia Nature, même si on pouvait critiquer le bilan carbone de telles expéditions. Mais tout le monde le sait, on n’a rien sans rien. Juste avant sa démission du poste de ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot a fait une déclaration très forte à l’Assemblée nationale en réclamant un « sursaut d’indignation » pour défendre la faune et la flore de la planète, et de conclure avec ces mots : « Tout le monde s’en fiche ».

Aujourd’hui, le poste de ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires est occupé par Christophe Béchu qui me donne l’impression d’avoir compris, lui aussi, l’urgence climatique. Lors d’une conférence organisée par France Stratégie et intitulée « Adaptation au changement climatique dans les territoires : comment avancer ? » , il a demandé de « se préparer au pire ». Et d’ajouter : « On est déjà à 1,7°C d’augmentation des températures en France et les experts du GIEC nous disent qu’on n’est pas dans la bonne trajectoire […] Se préparer à ça, ce n’est pas le souhaiter, c’est au contraire sortir du déni, ».

Le ministre défend la prise en compte de deux scénarios. L’un retient une hausse des températures de 2 °C en 2100 par rapport aux niveaux préindustriels, scénario qui correspond à l’accord de Paris ; l’autre prévoit une hausse de 4 °C. Des scientifiques de Météo France et du CNRS vont dans ce sens et ont fait savoir, en octobre, que le réchauffement climatique s’annonce pire que prévu, et pourrait conduire à une hausse de la température moyenne en France de 3,8 °C en 2100. Selon Christophe Béchu, ce dernier scénario nécessite que l’on « modélise cette trajectoire ». Il a ensuite déclaré : « À quatre degrés, les deux tiers des stations de ski manqueront de neige dans les Alpes. On aura cinq fois plus de sécheresse et des jours de canicule beaucoup plus intenses. »

Reste à savoir quelles décisions et quelles mesures feront suite aux propos du ministre. Ce serait une très grave erreur de les laisser lettre morte. Les événements extrêmes se multiplient. Nous sommes à la veille d’une sécheresse dévastatrice qui risque de s’accentuer avec le retour d’El Niño dans le Pacifique. L’été 2022 nous a donné un aperçu de ce qui nous attend. Il est urgent d’agir, faute de quoi notre société sera confrontée à de graves problèmes.

Cette action ne doit pas se limiter à la France ; c’est une affaire planétaire. C’est le rôle des COP de prendre les décisions qui s’imposent. Or, jusqu’à présent, ces Conferences of the Parties se sont soldées par des échecs lamentables et aucune mesure ou décision digne de ce nom n’a été prise, avec à la clé un bilan carbone désastreux !

Comme les précédentes, la COP 27 a été un fiasco climatique. Le texte final n’a pas marqué d’avancées significatives, même s’il a souligné pour la première fois la nécessité d’accélérer le développement des énergies renouvelables. Les glaciers et la banquise remercient les participants.

Réchauffement climatique : vers une hausse de 4°C des températures d’ici 2100 ?

S’agissant du réchauffement climatique, il y a le langage officiel et celui, plus discret, que l’on entend à l’occasion d’interviews dans les médias. Alors que la politique gouvernementale s’attache à respecter une hausse des températures de 1,5°C – 2°C telle qu’elle a été souhaitée par l’accord de Paris en 2015, Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique estime que la stratégie d’adaptation de la France doit aussi prendre en compte un scénario « pessimiste » à +4°C.

On le sait depuis longtemps : l’objectif de 1,5°C de la COP 21 est désormais hors de portée. Le ministre va beaucoup plus loin et juge qu’il faut anticiper en « modélisant » une trajectoire à +4°C de réchauffement d’ici à 2100. Selon lui – il rejoint en cela la position du GIEC – il faut prendre en compte deux scénarios. L’un retient une hausse des températures de 2°C en 2100 par rapport aux niveaux préindustriels, l’autre une hausse de 4°C.

Alors que les politiques menées actuellement à l’échelle de la planète nous conduisent vers un réchauffement global de +2,8°C, selon l’ONU, la situation risque d’être bien pire pour la France. Des scientifiques de Météo France et du CNRS ont fait savoir, en octobre, que le réchauffement climatique pourrait conduire à une hausse de la température moyenne dans l’Hexagone de 3,8°C en 2100. On se trouve donc avec une hausse de presque 50% par rapport aux estimations précédentes. Cela confirme, comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, l’accélération fulgurante du réchauffement climatique actuellement.

L’article paru sur le site de la radio France Info conclut en nous rappelant à demi-mots ce que l’on savait déjà : la COP 27 qui s’est réunie fin 2022 en Egypte n’a servi à rien car aucun nouveau moyen n’a été mentionné pour renforcer la tenue de l’engagement de la COP 21 à maintenir la hausse des températures à 15°C – 2°C.

Source : France Info.

Une hausse de 4°C serait catastrophique pour les glaciers

(Photo: C. Grandpey)