Les glaciers du Mont Rainier (suite) // Mount Rainier glaciers (continued)

Dans plusieurs notes publiés en janvier 2011, juin et septembre 2023 sur ce blog, j’ai alerté sur la fonte des glaciers du mont Rainier, un volcan culminant à 4 392 m dans l’État de Washington. Les scientifiques nous rappellent régulièrement que ces glaciers jouent un rôle important : ils permettent à des écosystèmes de s’installer, alimentent les rivières et sont source de vie pour les localités environnantes. Depuis les années 1970, ils fondent plus vite qu’on ne l’imaginait.
Au début des années 1900, le mont Rainier comptait 30 glaciers. Aujourd’hui, on estime qu’il n’en reste que 26. Le glacier Ohanapecosh a commencé à se fragmenter et pourrait disparaître d’ici une décennie. Plus globalement, les glaciers du mont Rainier perdent plus de glace en été qu’ils n’en gagnent en hiver. Les glaciologues estiment que trois nouveaux glaciers pourraient disparaître au cours des vingt prochaines années. Après n’avoir perdu qu’un seul glacier au cours du 20ème siècle, le mont Rainier pourrait en perdre six au cours de la première moitié du 21ème siècle.

Le glacier Nisqually en 2002 (Photo: C. Grandpey)

Le glacier Nisqually en 2015, lors de ma dernière visite

Le Nisqually en 2020 (Source : NPS)

Il y a encore quelques années, les touristes visitaient Paradise Ice Caves, des les grottes de glace creusées dans le glacier éponyme. Célèbres pour leurs formations d’un bleu éclatant, elles furent le site touristique le plus visité pendant des décennies avant que la fonte du glacier ne provoque la chute d’énormes blocs de glace, mettant en danger les visiteurs et poussant les autorités à en fermer l’accès en 1980. La disparition des grottes préfigurait la disparition des glaciers à laquelle la montagne est aujourd’hui confrontée, et qui modifie rapidement son paysage.
Un rapport de 2023 du National Park Service (NPS) à propos du volume glaciaire du mont Rainier de 1896 à 2021, faisait état de la disparition du glacier Stevens. Une étude de 2023 déclarait que les glaciers Pyramid et Van Trump n’avançaient plus. Un rapport du NPS avait précédemment décrit les deux glaciers comme « en danger critique d’extinction ».

Les glaciologues ont constaté une accélération de la fonte des glaciers ces dernières années, un indicateur confirmé par les scientifiques lors des relevés de surveillance. La vaste étude effectuée par le NPS, qui a mesuré la perte de glaciers au mont Rainier de 1896 à 2021, a révélé une réduction de 41,6 % de la superficie glaciaire durant cette période. Entre 2015 et 2021, l’étude a révélé que le rythme de perte de superficie des glaciers sur le mont Rainier était plus de deux fois supérieur à celui estimé pour la période 2009-2015.

 

Photo: C. Grandpey

Il convient de noter que, face à la politique climatique de l’Administration Trump, les scientifiques sont réticents aujourd’hui à accorder des interviews par crainte de représailles. Ils ont simplement affirmé que le mont Rainier était un lieu idéal pour étudier le réchauffement climatique en raison de sa grande diversité d’altitude et de ses glaciers qui réagissent aux variations de température et de précipitations avec des résultats mesurables. Ils estiment que les projections concernant le réchauffement climatique au cours du siècle prochain pourraient révéler des modifications significatives à propos de la couverture glaciaire du mont Rainier. Par exemple, ces modèles indiquent que les glaciers de basse altitude pourraient disparaître complètement au cours du siècle prochain, tandis que ceux qui se trouvent au sommet persisteront, avec des fronts situés plus haut sur la montagne.
Les chercheurs analysent l’évolution du réchauffement climatique sur le mont Rainier, notamment grâce à des stations météorologiques, des sondes et des mesures régulières sur les 28 glaciers identifiés. Les scientifiques du Parc contrôlent également les différentes espèces végétales présentes sur la montagne, notamment les fleurs et les forêts de basse altitude.

Marmotte à Paradise (Photo: C. Grandpey)

Le mont Rainier accueille environ deux millions de visiteurs chaque année.
Source : National Park Service.

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In several posts written in January 201, June and September 2023, I have alerted to the melting of glaciers on Mounrt Rainier, a volcano rising 4392 m in Washington State. Scientists regularly remind us that these glaciers play an important rôle as they anchor ecosystems, feed rivers, and support nearby communities. Since the 1970s, they have been melting away faster than many imagined.

In the early 1900s, Mount Rainier had 30 glaciers. Today, it is estimated that only 26 remain. The Ohanapecosh Glacier has begun to fragment and may vanish within a decade. More globally, glaciers at Mount Rainier are losing more to melt in the summer than they are gaining in the winter. Glaciologists estimate three more glaciers could be lost in the next twenty years. After losing just one glacier in the 20th century, Mount Rainier may lose six in just the first half of the 21st century.
Years ago, tourists visited the Paradise Ice Caves, tucked inside the Paradise Glacier. Famous for their glowing blue formations, they were the most-visited tourist spot for decades before glacial melting caused large chunks of ice to begin to fall from the ceiling, endangering visitors and pushing officials to close their access in 1980. The disappearing caves foreshadowed the lasting glacier loss that the mountain faces today, which is rapidly changing its landscape.
A 2023 National Park Service (NPS) report surveying Mount Rainier’s glacial volume from 1896 to 2021 declared that Stevens Glacier had disappeared. A 2023 survey declared the Pyramid and Van Trump glaciers were inactive. An NPS report had previously described both glaciers as “critically endangered.”
Glaciologists have noticed the speed of glacier melt has been faster in recent years, which is another measurement scientists track during glacier monitoring surveys.The large NPS study that measured glacier loss at Mount Rainier from 1896 to 2021 found glacial area had been reduced by 41.6% during that time. Between 2015 and 2021, the study found the rate at which Mount Rainier glaciers were losing area was more than two times faster than the rate estimated for the period of 2009 to 2015.
One should notice that, dur to the Trump Administration’s climate policy, scientist today decline interviews for fear of reprisals. They just said Mount Rainier is an ideal location to study global warming because of its large range of elevation and glaciers that respond to changes in temperature and precipitation with measurable results. They believe that a range of forecasts of climate change in the next century may lead to significant changes in the glacier cover at Mount Rainier. These models indicate that lower elevation glaciers may disappear completely in the next century, while those glaciers that start at the summit will persist, though, with terminus positions that are higher up on the mountain.

Ongoing studies track global warming on Mount Rainier, including weather stations, steam gauges and regular measurements of the 28 named glaciers. Park scientists also monitor various species of wildlife on the mountain, including wildflowers and low-elevation forests,
Mount Rainier routinely gets around two million visitors a year.

Source : National Park Service.

Un avenir sombre pour les glaciers // A dark future for the glaciers

Une nouvelle étude conduite par des chercheurs de l’Université de Bristol (Royaume-Uni) et l’Université d’Innsbruck (Autriche), en collaboration avec des collègues de l’Institut international d’analyse des systèmes appliqués (IIASA), confirme ce que j’ai écrit précédemment sur ce blog : les glaciers ne se régénéreront pas avant des siècles, même si nous parvenons d’ici là à ramener la température de la planète à la limite de 1,5 °C stipulée par la COP 21 de Paris en 2015.

Glacier d’Aletsch (Suisse)

L’étude présente les premières simulations jamais effectuées sur l’évolution des glaciers jusqu’en 2500, en s’appuyant sur des scénarios pessimistes selon lesquels le réchauffement de la planète dépasserait temporairement la limite de 1,5 °C et atteindrait 3 °C avant de se refroidir à nouveau, sauf si les politiques climatiques adoptées par les gouvernements restent inchangées.
Les résultats de l’étude, publiés dans la revue Nature Climate Change, montrent qu’un tel scénario pourrait entraîner une perte de masse des glaciers allant jusqu’à 16 % de plus par rapport à un monde qui ne franchirait jamais le seuil de 1,5 °C.

Mer de Glace (France)

Dans cette étude, les chercheurs ont cherché à déterminer si les glaciers pourraient se rétablir si la planète se refroidissait à nouveau. Malheureusement, la réponse de l’étude est négative. En effet, la hausse globale des températures indique un risque important de dépassement des limites de l’Accord de Paris. Par exemple, 2024 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée sur Terre et la première à dépasser la barre des 1,5 °C.
Les scientifiques ont évalué l’évolution future des glaciers selon un scénario pessimiste dans lequel les températures continueraient d’augmenter jusqu’à 3 °C vers 2150, avant de retomber à 1,5 °C en 2300 et de se stabiliser. Ce scénario suppose un avenir avec zéro émissions de gaz à effet de serre, dans lequel les technologies comme le captage du carbone seraient mises en œuvre pour éviter le dépassement des seuils critiques de réchauffement.
Même dans un tel contexte, les résultats montrent que les glaciers subiraient une perte supplémentaire de 16 % de leur masse d’ici 2200, et de 11 % de plus d’ici 2500, en plus des 35 % déjà promis à la fonte à 1,5 °C. Cette eau de fonte supplémentaire finira par atteindre l’océan, contribuant à une élévation encore plus importante du niveau des océans.

Glacier Athabasca (Canada)

Les auteurs de l’étude ont utilisé un nouveau modèle développé par l’Université de Bristol et des institutions partenaires, qui simule l’évolution passée et future de tous les glaciers du monde, à l’exception des deux calottes polaires. Ce modèle a été combiné à de nouvelles projections climatiques proposées par l’Université de Berne (Suisse).
Le modèle montre qu’il faudrait plusieurs siècles, voire des millénaires, aux grands glaciers pour se rétablir suite à une hausse de température de 3 °C. Pour les glaciers plus petits, comme ceux des Alpes, la régénération ne se fera pas avant les prochaines générations, mais elle est possible d’ici 2500. L’eau de fonte des glaciers dans ces régions montagneuses est vitale pour les populations situées en aval, en particulier pendant les saisons sèches.
L’étude a été menée dans le cadre du projet PROVIDE, financé par l’Union Européenne, qui étudie les impacts des dépassements climatiques sur des secteurs clés à travers le monde. On peut y lire dans l’étude que « le comportement des glaciers du futur dépendra de nos actions ou inactions climatiques actuelles. L’heure n’est pas à la complaisance. Nous devons réduire drastiquement nos émissions [de gaz à effet de serre] dès maintenant et atteindre la neutralité carbone afin d’éviter les pires conséquences du réchauffement climatique.»
Source : Institut international d’analyse des systèmes appliqués (IIASA).

Référence :
Schuster, L., Maussion, F., Rounce, D.R., Ultee, L., Schmitt, P., Lacroix, F., Frölicher, T.L., & Schleussner, C-F (2025). Irreversible glacier change and trough water for centuries after overshooting 1.5 °C. Nature Climate Change DOI: 10.1038/s41558-025-02318-w

Glacier Fox (Nouvelle Zélande)

Photos: C. Grandpey

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New research by the University of Bristol in the UK and the University of Innsbruck in Austria in collaboration with colleagues from the I nternational Institute for Appliied Systems Analysis (IIASA) and Switzerland highlights that mountain glaciers across the globe will not recover for centuries, even if human intervention cools the planet back to the 1.5°C limit.

The research presents the first global simulations of glacier change up to 2500 under so-called pessimistic scenarios when the planet temporarily exceeds the 1.5°C limit up to 3°C before cooling back down, which may never happen if the current government climate policies remain unchanged.

The results, which have been published in Nature Climate Change, show that such a scenario could result in glaciers losing up to 16% more of their mass compared to a world that never crosses the 1.5°C threshold.

In the study, the researchers aimed to discover whether glaciers can recover if the planet cools again. Unfortunately, the study’s answer is negative. Indeed, rising global temperatures now indicate a significant chance of overshooting the Paris Agreement limits adopted in 2015. For example, 2024 was the hottest year ever recorded on Earth and the first calendar year to exceed the 1.5°C mark.

The scientists assessed future glacier evolution under a pessimistic scenario in which global temperatures continue rising to 3.0°C by around 2150, before falling back to 1.5°C by 2300 and stabilizing. This scenario reflects a delayed net-zero future, in which negative emission technologies like carbon capture are only deployed after critical warming thresholds have been exceeded.

The results show glaciers would undergo an additional 16% of glacier mass being lost by 2200, and 11% more by 2500, on top of the 35% already committed to melting even at 1.5°C. This extra meltwater eventually reaches the ocean, contributing to even greater sea-level rise.

The research used a new model developed at the University of Bristol and partner institutions, which simulates past and future changes in all of the world’s glaciers, excluding the two polar ice sheets. It was combined with novel global climate projections produced by the University of Bern (Switzerland).

The model shows it would take many centuries, if not millennia, for the large polar glaciers to recover from a 3°C remperature increase. For smaller glaciers such as those in the Alps, the recovery won’t be seen by the next generations but is possible by 2500. Glacier meltwater in these mountain regions is vital to downstream communities – especially during dry seasons.

This research was conducted as part of the EU-funded PROVIDE project, which investigates the impacts of climate overshoots on key sectors around the world. One can read that“the glaciers of the future will bear witness to the consequences of our climate actions or inactions today. This is not a time of complacency. We need to slash emissions now and decisively on the race to net zero to avoid the worst consequences of climate change. »

Source : International Institute for Appliied Systems Analysis (IIASA)

Reference :
Schuster, L., Maussion, F., Rounce, D.R., Ultee, L., Schmitt, P., Lacroix, F., Frölicher, T.L., & Schleussner, C-F (2025). Irreversible glacier change and trough water for centuries after overshooting 1.5 °C. Nature Climate Change DOI: 10.1038/s41558-025-02318-w