Dans une note publiée le 27 août 2023, j’expliquais que des travaux étaient en cours pour vidanger le lac du Rosolin qui menaçait la station de Tignes dans l’Isère. En l’espace de quelques semaines, il était prévu de réduire sa capacité de près de 80 %. C’est en 2018 que ce lac, né sous le Dôme de Pramecou, à 2 800 mètres d’altitude, est apparu pour la première fois.
En 2022, année marquée par des épisodes de canicule, le glacier de la Grande Motte a souffert au point que le ski d’été ne pouvait plus être pratiqué. Le lac du Rosolin a pris de l’importance pour atteindre 150 000 m3, avec une profondeur maximale de 16 mètres. La menace se précisant, il était urgent d’entreprendre des travaux pour alléger la masse d’eau. Au cours de plusieurs réunions, il a été décidé de diminuer le volume d’eau en creusant un chenal long de 300 mètres et de 3 mètres de profondeur. Le niveau serait ainsi été ramené à 70 000 m3, sans incidence sur la rivière Le Doron. Au final la superficie du lac du Rosolin a été ramenée de 36 000 à 12 000 mètres carrés.
Pour poursuivre les efforts, le comité de pilotage a décidé de programmer une nouvelle session de travaux au mois d’août 2024. Ils permettront de réduire le risque présent sur le secteur de Val Claret à Tignes avec l’installation progressive d’un dispositif de siphonnage afin de rabaisser encore le niveau du lac. Par la suite, des études de faisabilité seront menées en vue d’une vidange définitive et contrôlée du lac.

Vue du premier chenal de 3 mètres de profondeur creusé pour réduire de moitié la quantité d’eau présente dans le lac glaciaire de Rosolin. (Crédit photo : RTM)
Avec l’accélération du réchauffement climatique d’origine anthropique, les lacs glaciaires sont de plus en plus nombreux dans les zones de montagnes à travers le monde. J’ai évoqué à plusieurs reprises sur ce blog les risques que faisait peser la la fonte des glaciers dans l’Himalaya et dans la Cordillère des Andes où des lacs sont retenus par de fragiles moraines. Plusieurs catastrophes ont déjà eu lieu au Népal et au Pérou. Comme cela est en passe d’être réalisé à Tignes, les autorités essayent de les prévenir, le plus souvent en creusant des chenaux destinés à alléger au maximum la masse d’eau retenue par ces barrages naturels.

Au Pérou, le lac Palcacocha menace la ville d’Huaraz [Crédit photo : Wikipedia]
Dans la plupart des cas, c’est au moment du retrait du glacier que le phénomène se produit. Les sédiments et débris de roches s’accumulent à son front et forment un barrage naturel qui retient l’eau de fonte. S’il n’y a pas d’exutoire en aval, comme un torrent ou une cascade, un lac se forme rapidement. Ces étendues d’eau, qui comprennent entre quelques dizaines et quelques centaines de milliers, voire millions de mètres cubes, peuvent rapidement créer un risque de vague ou de submersion pour les zones habitées en aval.
En 2004 dans les Alpes, l’alerte avait été donnée sur le lac du glacier de Rochemelon alors qu’il menaçait la vallée du Ribon, en Savoie. Le lac a été vidangé par siphonage.
J’ai évoqué dans plusieurs notes (18 juin 2022, 6 août 2022, 2 août 2023) le lac de fonte qui s’est formé à l’avant du glacier des Bossons et les travaux entrepris pour évacuer le trop-plein. A noter qu’au mois de janvier 2024, une énorme grotte, de plusieurs dizaines de mètres de diamètre, a vu le jour au cœur de ce glacier. Elle a fait naître un grand nombre de questions. Par exemple, on se demande si le réchauffement climatique est en cause. Les experts se perdent en conjectures. Certains évoquent une grotte intraglaciaire qui se serait formée à cause d’une crevasse ou de rochers. Il est aussi question d’« une poche d’eau qui ne s’est pas refermée et dont la rupture serait la conséquence d’une nouvelle fracture. »

Vue du lac glaciaire du glacier des Bossons (Crédit photo: Le Dauphiné)
Tous les travaux visant à vidanger les lacs provoqués par la fonte rapide des glaciers ont avant tout pour but de mettre en sécurité les populations qui vivent en aval de ces retenues d’eau. En France, on ne voudrait pas que se produise un tsunami comme celui qui a endeuillé Saint Gervais dans la nuit du 12 au 13 juillet 1892, quand la rupture d’une poche d’eau dans le glacier de Tête-Rousse a entraîné la mort de 175 personnes (voir la description de cet événement dans des notes rédigées le 23 avril 2019 et le 6 mai 2020).
L’Institut des Risques Majeurs (IRMA) de Grenoble indique que depuis un premier pompage en 2010, puis d’autres en 2011 et 2012, le glacier reste sous haute surveillance. Par exemple, des capteurs piézométriques mesurent en continu l’évolution de la pression d’eau en différents points du glacier. L’ensemble de ces mesures est synthétisé dans un rapport annuel et présenté à un comité de pilotage.
Le système de surveillance et d’alerte du glacier de Tête Rousse permet de détecter la survenance de la rupture de la poche d’eau sous le glacier ; il est totalement automatique. Le système est également équipé de quatre capteurs sismiques permettant de détecter les vibrations générées par une coulée de boue éventuelle. Le système d’alerte est équipé de quatre sirènes de forte puissance
En cas d’alerte, une commande radio est instantanément envoyée à toutes les sirènes qui déclenchent une séquence sonore spécifique pendant une durée de trente minutes pour l’alerte d’évacuation des habitants de Bionnay vers des zones définies hors risque. Un courrier leur a été adressé, les invitant à communiquer leurs coordonnées. Les habitants ont connaissance de points de rassemblement à rejoindre à pied au plus vite en cas de déclenchement de l’alerte. Dès le déclenchement des sirènes, le temps maximal pour évacuer est estimé à une dizaine de minutes pour les habitants.

Schéma accompagnant le texte de Joseph Vallot pour expliquer le processus de la catastrophe du 12 juillet 1892.
Certaines communes des Alpes tentent de tirer parti de ces importants volumes d’eau. C’est ainsi que la station des Deux Alpes (Isère) a exploité pendant près d’un an un lac naturel, laissé par le retrait du glacier de Mont-de-Lans. L’eau de fonte a été utilisée pour fabriquer de la neige artificielle et régénérer de la glace sur laquelle repose une partie des pistes de ski. Depuis la vidange du lac, qui s’est effectuée naturellement à l’automne 2018, les spécialistes de l’enneigement envisagent de répéter l’opération à partir de retenues d’eau et d’un lac artificiel, plus sécurisé. Selon les glaciologues, le système est efficace en théorie, mais trop localisé pour agir sur l’état de santé du glacier dont la durée de vie est estimée à bien moins d’un siècle.
Source : presse régionale, IRMA et données personnelles.