Le pont sur le Détroit de Messine et le risque sismique

Le 6 août 2025, le gouvernement italien a donné son accord définitif à un projet de 13,5 milliards d’euros visant à construire le plus long pont suspendu au monde, reliant l’île de Sicile à la Calabre sur le continent. Le ministre des Transports et des Infrastructures, Matteo Salvini, a déclaré qu’un comité ministériel donnerait son feu vert au Ponte sullo Stretto financé par l’État qui enjambera le détroit de Messine, marquant ainsi une « page historique » après des décennies de planification.

                                                                                                                                                                                                                Le pont, d’une longueur totale de 3 666 mètres (avec une travée centrale de 3 300 mètres) comportera deux pylônes de 399 mètres de haut qui seront implantés sur les côtes calabraise et sicilienne. Le pont mesurera 72 mètres de haut pour permettre le passage des navires. Deux paires de câbles, de 1,26 mètre de diamètre chacune, sont constituées de 44 323 fils d’acier.. La capacité routière maximale du pont sera de 6 000 véhicules par heure, tandis que sa capacité ferroviaire maximale sera de 200 trains par jour. Le projet de pont comprend 40 kilomètres de liaisons routières et ferroviaires.

Source: ministère des Transports

Prévu pour être achevé d’ici 2032, le gouvernement affirme qu’il s’agit d’une prouesse technique, capable de résister aux vents violents et aux tremblements de terre dans une région fortement sismique. Et pour cause : le détroit de Messine doit son existence à deux grands ensembles de failles normales qui se font face, formant un graben envahi par la mer. Sicile et Italie sont donc situées sur deux blocs qui se déplacent l’un par rapport à l’autre en produisant fréquemment de puissants séismes.

Le risque sismique a souvent été au cœur de débats houleux lorsque la construction d’un pont sur le Détroit de Messine a été envisagée. Selon Carlo Doglioni, ancien président de l’INGV, des séismes plus violents que ceux prévus par la conception du pont sont possibles dans le détroit de Messine. Selon lui, la conception est basée sur une accélération du sol en cas de séisme conforme à la loi, mais inférieure à celle enregistrée mors des événements de L’Aquila ou Amatrice. Le pont, tel que conçu actuellement, pourrait ne pas résister à un séisme similaire à ceux de L’Aquila en 2009 ou Amatrice en 2016. Bien que la magnitude des deux séismes ait été respectivement de M6,3 et M6,0, bien inférieure à la magnitude de M7,1 qui a probablement caractérisé le séisme de Messine de 1908 et qui a servi de référence pour le pont, ce dernier pourrait être trop faible pour y résister. En effet, la conception a sous-estimé une valeur qui, plus encore que la magnitude, permet de prédire si une structure résistera à une secousse ou à un effondrement. La valeur en question correspond à l’accélération maximale du sol au moment d’un séisme. À L’Aquila et à Amatrice, des valeurs proches de l’accélération de la pesanteur (9,806 65 m/s2) ont été atteintes. La conception actuelle du pont exige que les pylônes et les ancrages des câbles résistent à une valeur ne représentant que 58 % de l’accélération de la pesanteur. Elle est inférieure à ce que l’on a mesuré lors de nombreux séismes récents en Italie et dans le monde. Il faut donc croiser les doigts pour que le pont ne se fasse pas piéger parce type d’accélération du sol.

Source: INGV

Le gouvernement espère que le Ponte sullo Stretto apportera croissance économique et emplois à deux régions italiennes pauvres, la Sicile et la Calabre. Matteo Salvini promet que le projet créera des dizaines de milliers d’emplois. Il a cependant été très long çà se mettre en œuvre ; il a suscité des protestations locales, en raison de son impact environnemental et de son prix, cet argent pouvant être, selon les détracteurs, mieux utilisé ailleurs.

Source : presse italienne.

Simulation de séisme sur le Détroit de Messine

Qui n’a pas pris le ferry pour traverser le Détroit de Messine et rêvé de pouvoir un jour emprunter un pont qui enjamberait ce bras de mer?

En ce 4 novembre 2022 a lieu en Sicile un exercice national de Protection civile intitulé « Séisme dans le détroit » dans le cadre du projet de construction d’un pont enjambant le Détroit de Messine. L’exercice concerne 37 localités autour de Reggio Calabria et 19 de celle de Messine. Comme base de l’exercice, il y a la simulation d’une secousse sismique d’une intensité supérieure à celle enregistrée dans la zone du détroit en 1975, à 5 kilomètres de la côte de Reggio.
L’exercice permettra de tester le système de Protection civile et les systèmes de coordination sur le territoire. Sera testé en particulier un système d’alerte aux personnes: 500 000 environ recevront un message d’alerte sur leurs téléphones portables, une technologie en vigueur dans d’autres parties du monde, en Islande par exemple.
Le séisme simulé a une magnitude de M 6,0 avec un scénario qui présente les plus grands dégâts dans certaines localités de la province de Reggio Calabria, mais avec des effets importants également dans la province de Messine. L’événement est susceptible de provoquer des effets environnementaux au sol tels que des glissements de terrain et la liquéfaction des sols, la réactivation de failles et, potentiellement, un tsunami. Lorsque se produira la simulation du séisme, la salle de surveillance sismique de l’INGV communiquera les coordonnées, la magnitude et la profondeur de l’événement dont l’épicentre se trouvera dans la province de Reggio Calabria.
Parallèlement, sur la base des paramètres du séisme, le Centre d’Alerte aux Tsunamis de l’INGV, qui opère au sein du Système National d’Alerte aux tsunamis générés par les séismes en Méditerranée, effectuera des simulations d’un potentiel tsunami avec un niveau d’alerte Orange. Le Centre d’Alerte aux Tsunamis estimera les heures d’arrivée prévues et les niveaux d’alerte le long des côtes exposées; il enverra les messages d’alerte à la protection civile qui les transmettra aux autorités locales et à toutes les composantes du système national de Protection civile. L’INGV testera également les processus de communication interne, les activités de sa cellule de crise, la salle de surveillance sismique et d’alerte aux tsunamis et les activités de tous ses groupes opérationnels d’urgence.
L’exercice, qui se déroule parallèlement à la Journée mondiale de sensibilisation aux tsunamis, comprend également des communications au public et aux médias concernant les informations publiées sur le portail et sur les réseaux sociaux institutionnels.
Il existe 33 scénarios opérationnels avec l’hypothèse de milliers de personnes qui n’ont plus de logements à leur disposition. En Calabre deux colonnes mobiles seront opérationnelles, une régionale, sur Gioia Tauro et la seconde qui se déplacera entre la Calabre et la Sicile.

Source: La Sicilia.

Image satellite du Détroit de Messine (Source: NASA)

Un pont sur le détroit de Messine ? Attention aux séismes !

Suite à ma note évoquant le Pont qui joue l’arlésienne sur le détroit de Messine, certains visiteurs de mon blog m’ont fait remarquer qu’un tel ouvrage serait exposé aux séismes qui secouent périodiquement cette région de l’Italie. Cette remarque est tout à fait exacte et la sismicité est l’un des facteurs qui ont entravé la réalisation du projet.

Par sa situation tectonique, le sud de la Sicile est souvent secoué par des tremblements de terre. L’île se situe sur la zone de subduction où la plaque africaine plonge sous la plaque eurasiatique. Cette zone de subduction est par ailleurs responsable de la formation de l’Etna.

La plupart des séismes ont lieu le long de l’arc siculo-calabrais, une zone bien connue où les failles s’étirent sur environ 370 kilomètres en formant trois segments. Le segment calabrais est responsable de la série de séismes qui ont frappé la Calabre en 1783.

Côté sicilien, l’histoire révèle plusieurs séismes dévastateurs.

Un séisme particulièrement destructeur s’est produit le 4 février 1169 à 7 heures du matin à Catane, à la veille des célébrations de Sainte Agathe. Il a été suivi d’un tsunami. La magnitude de cet événement se situait probablement entre M 6,4 et M 7,3. Catane, Lentini et Modica sont les villes qui ont été les plus sérieusement touchées. Le séisme a causé la mort d’environ 15 000 personnes.

Le séisme du 11 janvier 1693 à 21 heures au Val di Noto dans le sud-est de la Sicile fut, lui aussi, suivi d’un tsunami, Avec une magnitude de M 7,4, il est considéré comme le plus puissant séisme dans l’histoire italienne. Il a entraîné la destruction d’environ 70 villes ou villages, provoqué des dégâts sur une zone de 5 600 km2 et causé la mort d’environ 60 000 personnes.

Le séisme du 28 décembre 1908 à 5h20 du matin à Messine a touché le nord-est de la Sicile.   et la pointe Sud-Ouest de la Calabre. Son épicentre se trouvait dans le détroit de Messine. La secousse d’une durée de 30 secondes a été suivie d’un tsunami qui a détruit les villes de Messine, Reggio de Calabre et Palmi. Les câbles téléphoniques et télégraphiques dans le détroit de Messine ont été rompus. La catastrophe a tué entre 75 000 à 200 000 morts, selon les estimations. Les victimes ont été plus nombreuses en Calabre qu’en Sicile. Les autorités italiennes font souvent référence à ce séisme majeur pour justifier leur peu d’empressement à édifier un pont au-dessus du détroit de Messine.

Le séisme de la nuit du 14 au 15 1968, connu aussi sous le terme italien Terremoto del Belice, a touché toute la vallée du Belice, une zone comprise entre les provinces de Palerme, Agrigente et Trapani. Plusieurs localités de cette zone ont été détruites. Le bilan est lourd : officiellement 370 morts, mais en réalité probablement plus de 400, un millier de blessés et plus de cent mille sans abris.

Le 13 décembre 1990, un séisme de magnitude M 5,8 a frappé la Sicile, entre Catane et Raguse, faisant 17 morts et 200 blessés et 2500 sans abris, avec de graves dommages matériels.

Plus près de nous une forte secousse a été enregistrée le 22 décembre 2020 à 21h27 à Raguse. Sa magnitude a été estimée à M 4,6, avec un hypocentre à 30 km de profondeur. L’épicentre a été localise en mer entre Santa Croce Camerina e Gela, dans la province de Raguse. L’événement n’a causé ni victimes, ni dégâts majeurs. .

La nuit du 31 décembre 2020 a été agitée dans la région de Catane! À partir de 20h59, un essaim sismique avec des événements d’intensité croissante a été ressenti par la population. L’épicentre de l’essaim a été localisé à 3 km au nord-est de Ragalna, dans la région de l’Etna. Les deux secousses les plus significatives avaient une magnitude de M 3,5 sur l’échelle de Richter, à une profondeur de 11 et 14 km. Aucun dégât matériel ou humain n’a été signalé. Dans le même temps, l’activité strombolienne se poursuivait au sommet de l’Etna, mais il ne semble pas y avoir de lien entre cette sismicité et l’activité volcanique.

Ces différents événements confirment que la Sicile et la Calabre sont des zones très sensibles d’un point de vue sismique et que la construction d’un pont – même répondant aux normes parasismiques – sur le détroit de Messine n’est pas sans risques.

On va me rétorquer que des ponts ont été construits dans d’autres régions sismiques du globe comme la Californie qui est exposée aux frasques de la Faille de San Andreas. Ainsi, le séisme du 17 octobre 1989 a secoué la San Francisco Bay Area. Il a tué 63 personnes et blessé 3800 autres, avec des dégâts estimés à l’époque à 6 milliards de dollars. Avec une magnitude de M 6,9, c’est le plus violent séisme enregistré en Californie depuis celui de 1906. C’est à San Francisco et Oakland que les dégâts les plus importants ont été observés. Dans cette dernière ville, le système de transports a beaucoup souffert, avec l’effondrement du

 Cypress Street Viaduct où de nombreuses personnes ont péri. Le San Francisco–Oakland Bay Bridge a également été endommagé quand le niveau supérieur de circulation s’est effondré. Suite à ce séisme, tous les ponts de la région ont été renforcés àfin de mieux faire face aux prochains séismes.

San Francisco–Oakland Bay Bridge en 1989

(Source : médias américains)

L’Italie, un pays à fort risque sismique // Italy, a country with a high seismic risk

drapeau-francaisSelon les sismologues italiens, les deux violents séismes qui ont secoué le centre de l’Italie le 26 octobre dernier ne sont pas des répliques de l’événement dévastateur du mois d’août à Amatrice avec une magnitude de M 6.2. Il s’agit d’un nouveau séisme avec plus de 220 répliques enregistrées au cours des 48 heures qui ont suivi.
Heureusement, les dernières secousses, si elles ont provoqué des dégâts considérables, n’ont pas entraîné de décès. Quatre personnes ont été blessées et plus de 5.000 ont été affectées dans la région des Marches. Les séismes ont été suivis de glissements de terrain qui ont entraîné plusieurs fermetures de routes. 25 municipalités ont fait état de dégâts importants.
Les épicentres ont été localisés entre l’épicentre du séisme qui a secoué l’Ombrie en septembre 1997, et celui du mois d’août 2016 dans la région d’Amatrice. De tels séismes sont typiques de la région montagneuse des Apennins qui constituent l’épine dorsale de la botte italienne. Cependant, les scientifiques ne savent pas encore si les derniers séismes se sont produits sur une section jusqu’alors inactive de la faille d’Amatrice ou sur une structure parallèle, parente de cette faille.
Les secousses du 26 octobre ont été suivies d’une série de 221 répliques jusqu’au 28 octobre, avec des magnitudes supérieures à M 2.2. La plus forte réplique avait une magnitude de M 4.7 le 26 octobre. Les sismologues indiquent que de nouvelles répliques devraient se produire dans les prochains mois, mais elles devraient devenir progressivement plus faibles.
L’Italie est située entre les plaques tectoniques eurasienne et africaine, une position qui la rend vulnérable à l’aléa sismique et volcanique. Selon les scientifiques, le risque sismique le plus élevé se concentre le long des Apennins. Comme les plaques se déplacent, l’Italie est lentement poussée vers le nord, et se rattachera probablement à la Croatie dans environ 20 millions d’années.
Parmi les séismes les plus violents en Italie, on retiendra celui qui a eu lieu près de Naples en 1980 avec 3000 morts et le séisme dévastateur de Messine en 1908, où 95 000 personnes ont été tuées. Il convient de noter que cet événement n’a pas eu d’effet immédiat sur l’Etna situé à proximité.
Source: CSEM / CSEM et journaux italiens.

Dernière minute: Une nouvelle secousse de M 6,5 a de nouveau secoué le centre de l’Italie aujourd’hui 30 octobre à 7h40. L’épicentre se situe dans une zone compris entre Perugia et Macerata.

Voici quelques détails sur ce dernier séisme. L’épicentre a été localisé à 16 km au N de Maltignano, 38 km à l’O de Ascoli Piceno 59 km au NO de L’Aquila et 117 km au NE de Rome.
Le séisme s’est produit seulement 4 jours après l’événement de M6.1 qui a frappé la même région, et deux mois après le séisme dévastateur de M6.2 du 24 août. Selon les sismologues, il ne s’agit pas d’une réplique, mais d’un nouvel événement indépendant. C’est le plus violent séisme observé en Italie depuis 1980, avec une séquence sans précédent de 3 secousses en 4 jours : M 5.5, M 6.1 et M 6.5.
Il n’est pas fait état de victimes. De nombreux bâtiments près de l’épicentre se sont effondrés. Les secousses ont été ressenties à Rome où le métro est arrêté depuis le séisme.
Cette région du centre de l’Italie a été en grande partie évacuée depuis les séismes du mois d’août. Selon le maire du village de Ussita, «tout s’est effondré. Je vois des colonnes de fumée, c’est un désastre. Je dormais dans ma voiture et j’ai vu l’enfer. »

La BBC a mis en ligne une vidéo et des photos qui montrent l’ampleur des dégâts:

http://www.bbc.com/news/world-europe-37814975

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drapeau-anglaisAccording to Italian seismologists, the two strong earthquakes which rattled Central Italy on October 26th were not aftershocks of the devastating M 6.2 Amatrice August event, but rather the product of a new earthquake. More than 220 aftershocks were registered over the next 48 hours.

Fortunately, the last earthquakes caused widespread damage but did not directly kill anybody. Four people were injured and more than 5,000 were affected in Marche region. The quakes were followed by landslides which prompted several road closures. 25 municipalities reported severe damage.

The two earthquakes were located between the epicenter of the September 1997 Umbria earthquake, and the latest 2016 Amatrice earthquake. The events are a typical occurrence for the region of the central Appenini mountains. However, scientists do not know whether it happened on a dormant section of the Amatrice fault or a parallel structure, a close cousin of this fault.

The earthquakes were followed by a series of 221 aftershocks by October 28th, with magnitudes no less than M 2.2. The strongest aftershock recorded was an M 4.7 on October 26th. Seismologists indicate that more aftershocks are expected in the coming months, but they should get progressively weaker.

Italy is situated between the Eurasian and African tectonic plates, a position which makes it prone to seismic and volcanic hazard. According to experts, the highest seismic risk is concentrated along the central Appenini mountains. As the plates move, Italy is slowly being pushed northwards, and will likely become attached to present-day Croatia in about 20 million years.

Some of the most historically significant earthquakes in Italy include the 1980 tremor near Naples, which caused 3,000 deaths, and the 1908 Messina disaster, where 95,000 people were killed. It should be noted that this event did not have any eimmediate effect on close by Mount Etna.

Source: CSEM/EMSC and Italian newspapers.

Last minute: Another M 6.5 earthquake shook again Central Italy today October 30th at 7:40. The epicentre was located in an area between Perugia and Macerata.

Here are some more details about the latest earthquake. The epicentre was located 16 km N of Maltignano, 38 km W of Ascoli Piceno, 59 km NW of L’Aquila and 117 km NE of Rome.

The quake comes just 4 days after the M6.1 event that hit the same region, and two months after deadly M6.2 of August 24th. According to seismologists, it is not an aftershock but a new independent event. It is the strongest earthquake in Italy since 1980, and an unprecedented sequence of 3 large shocks in 4 days for the country – M 5.5, M 6.1 and M 6.5.

There were no immediate reports of casualties. Numerous buildings near the epicentre have reportedly collapsed. The tremors were felt in Rome where services on the metro have been suspended since the quake.

This region is mostly evacuated since earthquakes started in August. According to the mayor of the village of Ussita, « everything collapsed. I can see columns of smoke, it’s a disaster. I was sleeping in the car and I saw hell. »

The BBC has released a video and photos that show the extent of the damage:

http://www.bbc.com/news/world-europe-37814975

seisme

Source: CSEM / EMSC.