Le nouveau mode de vie des ours polaires // Polar bears’ new way of life

drapeau francaisSelon une étude présentée à la 24ème Conférence Internationale sur la Recherche et la Gestion des Ours qui s’est tenue à Anchorage, avec le recul de la banquise dans l’Arctique, les ours polaires au large des côtes nord de l’Alaska et de la Norvège ont largement abandonné leur nourriture traditionnelle à base de phoque. Cela confirme une étude récente des scientifiques du Fish and Wildlife Service, publiée dans le Journal of Mammalogy ; ces chercheurs ont constaté que les ours polaires sont attirés par les os de baleines entassés sur le rivage par les chasseurs Inupiat de Kaktovik, petit port dans le district de North Pole, sur la côte nord de l’Alaska. (Voir ma note du 12 décembre 2015).
Les colliers GPS de suivi et l’analyse des isotopes montrent que les ours en Mer de Beaufort méridionale, au large des côtes nord de l’Alaska et des côtes nord-ouest du Canada, se nourrissent des restes de baleines boréales tandis que leurs homologues autour de l’archipel du Svalbard ont recours à une variété de sources alimentaires allant des d’oeufs d’oiseaux – les oies polaires, par exemple (voir ma note du 26 Novembre 2014) – jusqu’aux rennes.
Tout cela montre que les ours polaires tentent d’adapter leur alimentation à de nouvelles conditions de vie. Les échantillons de poils, de sang et de tissus prélevés sur des animaux vivant des deux côtés de l’Arctique sont révélateurs de ces nouvelles sources de nourriture. Dans le secteur du Svalbard, où les conditions de glace varient considérablement d’une année à l’autre et d’une localité à l’autre, les ours vivant dans les zones où il y a peu de glace se sont tournés vers les œufs, les oiseaux, les baleines, les morses et même les rennes. Cependant, la tendance n’est pas uniforme. Par exemple, dans le Svalbard, les femelles adultes sans petits sont plus susceptibles de s’en tenir à l’alimentation traditionnelle à base de phoques.
Selon d’autres recherches présentées à la conférence, la viande restée sur les os des baleines boréales offre probablement un autre avantage pour les ours polaires du sud de la Mer de Beaufort: le niveau de mercure observé dans leur organisme est plus faible qu’avec un régime alimentaire fait uniquement de phoques. Le mercure est un polluant qui présente de gros risques pour l’Arctique. Les émissions provenant de la combustion du charbon et d’autres activités industrielles du sud sont transportées vers le nord par les courants atmosphériques et océaniques, et on a observé que le réchauffement climatique dans l’extrême nord apporte davantage de mercure dans l’écosystème.
Les échantillons de poils d’ours polaires dans le sud de la mer de Beaufort montrent une réelle baisse du niveau de mercure. En 2011, le taux de mercure était inférieur de moitié à celui mesuré en 2004 et 2005. Une explication possible est la diversification du régime alimentaire et l’absorption d’autres aliments que la viande de phoque. Les chercheurs ont également constaté que les mâles adultes montraient une baisse de mercure plus importante que les femelles adultes.

Une autre question abordée lors de la conférence a été de savoir combien de temps les ours polaires peuvent rester sans se nourrir. Les plantigrades détenus par les responsables du Département d’Environnement du Manitoba entre 2009 à 2014 ont été contrôlés au moment de leur capture et au moment de leur libération afin de voir comment leur organisme avait évolué au cours d’une période où on leur a donné de l’eau, mais pas de nourriture. La période moyenne de détention était de 17 jours, ce qui a correspondu à une perte moyenne de 1 kilogramme par jour, soit 0,5% de la masse corporelle. Les scientifiques canadiens ont calculé que, après 180 jours, 56% à 63% des jeunes adultes et 18% à 24% des ours adultes allaient mourir de faim. Les ours de Bay James dans la partie sud de la baie d’Hudson, le plus méridional des habitats pour les ours polaires de la planète, se sont adaptés pour survivre à de longues périodes de jeûne. Mais eux aussi courent un risque de plus en plus grand de mourir de faim si la glace continue à se faire de plus en plus rare.
Source: Alaska Dispatch News

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drapeau anglaisAccording to research presented at the 24th International Conference of Bear Research and Management that was held in Anchorage, with the retreat of the icefield in the Arctic, polar bears off the northern coasts of Alaska and Norway are breaking away from their traditional seal-based diets. This confirms a recent study by U.S. Fish and Wildlife Service scientists, published in the Journal of Mammalogy, which found that polar bears are attracted by the bone pile left on the beach by Inupiat whalers from Kaktovik, a small port in the North Pole district, on the northern coast of Alaska. (See my note of December 12th 2015).

GPS tracking collars and isotope analysis are documenting how animals from the southern Beaufort Sea population off northern Alaska and northwestern Canada are eating bowhead-whale scraps and how bears around the Svalbard Archipelago are dining on a variety of non-traditional food sources, from bird eggs (see my note of November 26th 2014)  to reindeer.

All this shows that polar bears are trying to adapt their diets to new living conditions. Hair, blood and tissue samples from bears on both sides of the Arctic are revealing chemical fingerprints of those alternative food sources. Around Svalbard, where ice conditions vary widely from year to year and from locality to locality, bears in low-ice areas have turned to eggs, birds, whales, walruses and even reindeer. However, the trends are not uniform. For instance, Svalbard adult females without cubs are more likely to stick to the traditional seal diet.

Meat at the bowhead bone piles might provide another benefit to southern Beaufort Sea polar bears, according to other research presented at the conference: lower mercury levels than would be ingested from a seal-only diet. Mercury is a contaminant of special concern in the Arctic. Emissions from coal burning and other industrial operations to the south are carried northward on atmospheric and oceanic currents, and there are signs that warming in the far north is releasing additional mercury into the ecosystem.

Hair samples from polar bears in the southern Beaufort Sea population show a real decline in mercury levels. By 2011, average mercury readings from sampled bears were less than half the levels measured in 2004 and 2005. One possible factor is the diversification of diet and the use of something other than seal meat. The research also found that adult males showed more of a decline in mercury than adult females.

Another question tackled during the conference was : How long can polar bears go without food? Bears detained by Manitoba environmental officials from 2009 to 2014 were monitored at the time of capture and the time of release to see how their bodies changed during a period when they were given water but no food. Median time of detainment was 17 days, and the median loss was 1 kilogram per day, or 0.5% of body mass. Canadian scientists calculated that after 180 days 56% to 63% of subadults and 18% to 24% of adult males would die of starvation. The bears of James Bay in the southernmost part of Hudson Bay, the world’s southernmost habitat for polar bears, have evolved to survive long periods of fasting. But even they are at increased risk of starvation if current low-ice trends continue.

Source: Alaska Dispatch News.

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Photo: C. Grandpey

Réchauffement climatique et oiseaux de rivage en Alaska // Global warming and shorebirds in Alaska

drapeau-francaisSelon une étude conduite par des scientifiques de l’Université du Queensland en Australie, et co-écrite par des scientifiques d’Alaska, de Norvège, de Russie et du Danemark, de nombreuses espèces d’oiseaux de rivage qui migrent vers l’Arctique chaque année pour se reproduire vont perdre des étendues importantes de leur habitat estival à cause du changement climatique. Les plus grandes pertes de territoire seront observées en Alaska et dans les régions de la Russie situées de l’autre côté du Détroit de Béring.
En 2070, la hausse des températures provoquée par le changement climatique va faire disparaître une vaste zone de reproduction de l’Arctique pour au moins les deux tiers des 24 espèces d’oiseaux recensées dans une étude publiée dans la revue Global Change Biology. Certaines espèces, comme le pluvier doré Pacifique et le phalarope rouge, sont sur le point de voir disparaître les bonnes conditions de reproduction qu’ils rencontrent dans l’Arctique pendant la période estivale.
L’étude prévoit les conditions d’habitat des oiseaux en fonction de deux scénarios climatiques, l’un optimiste qui suppose que les émissions de gaz à effet de serre vont culminer en 2040 puis diminuer, et un autre scénario de réchauffement plus agressif qui suppose que les émissions de gaz à effet de serre continueront sur leur trajectoire actuelle. Même dans le scénario le moins pessimiste, la majorité des oiseaux étudiés va perdre de vastes territoires de reproduction dans l’Arctique. Dans le cadre du scénario d’émissions plus extrêmes, certains oiseaux comme le bécasseau à échasses et le bécasseau cocorli vont perdre tous leurs habitats propices à la reproduction, et d’autres espèces subiront des pertes de plus de 90 pour cent de territoire.
L’étude ne tient compte que des changements de température. Elle ne prend pas en compte d’autres facteurs liés au climat qui pourraient également avoir une incidence sur les limicoles, tels que le déplacement vers le nord des prédateurs comme les renards roux, et des arbustes que les carnivores utilisent pour se cacher quand ils traquent leurs proies.

La température à elle seule peut modifier les moeurs des oiseaux de rivage migrateurs. Un chercheur nous rappelle que les insectes, dont se nourrissent les oiseaux migrateurs, dépendent en à 100% de la température.
Les migrateurs au long cours, qui ne font pas étape pendant leurs longs voyages, sont plus vulnérables aux perturbations causées par le réchauffement. Parmi les espèces examinées dans l’étude, le bécasseau maubèche, un oiseau qui vole vers la toundra de l’Alaska après avoir hiverné jusqu’en Terre de Feu, est l’un des plus vulnérables.
Les espèces qui font de nombreuses haltes pendant la migration seront peut-être davantage en mesure de s’adapter aux nouveaux schémas de migration provoqués par le changement climatique.

Dans l’ensemble, la partie occidentale de l’Alaska et la partie de la Russie de l’autre côté du détroit de Béring seront probablement les plus sensibles à la perte de l’habitat, tout simplement parce que c’est dans ces régions que vit le plus grand nombre d’espèces. .
Si la perte d’habitat est une menace qui plane sur les oiseaux de rivage de l’Arctique, un autre problème doit également être pris en compte : le niveau élevé de mercure observé chez certaines espèces. Une étude des oiseaux qui nichent dans la région de North Slope et dans le delta du Yukon a révélé des concentrations de mercure potentiellement inquiétantes dans le sang de certaines espèces nichant près de Barrow. Selon cette étude, ces concentrations sont suffisamment élevées pour entraîner des problèmes de reproduction.

La dernière étude établit un parallèle avec les conclusions d’un rapport publié en 2014 par le Fish and Wildlife Service qui avait répertorié les concentrations de mercure chez les limicoles nicheurs au vu des sites allant de la région de Nome jusqu’à l’île Bylot dans le Nunavut, en Arctique canadien. Sur les 2478 échantillons prélevés en 2012 et 2013, ceux de la région de Barrow avaient les niveaux de mercure les plus élevés.
Source: Alaska Dispatch News.

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drapeau-anglaisAccording to a study led by scientists at Australia’s University of Queensland and co-authored by scientists in Alaska, Norway, Russia and Denmark, many species of shorebirds that migrate to the Arctic each year to breed their young will lose substantial amounts of their summer habitat to climate change. The biggest losses will be in Alaska and neighbouring parts of Russia.

By 2070, higher temperatures brought on by climate change will eliminate important Arctic breeding habitat for at least two-thirds of the 24 bird species evaluated in a study published in the journal Global Change Biology. Some species, like the Pacific golden plover and the red phalarope, are on track to lose nearly all of the suitable Arctic conditions they use in the summer.

The study projects habitat conditions based on two different climate scenarios, an optimistic one that assumes greenhouse gas emissions will peak in 2040 and then decline, and a more aggressive warming scenario that assumes that greenhouse gas emissions will continue on their current trajectory. Even under the more modest emissions scenario, the majority of the birds studied will lose large amounts of suitable Arctic breeding habitat. Under the more extreme emissions scenario, some birds like the stilt sandpiper and the curlew sandpiper will lose all of their suitable breeding habitats, and other species will suffer losses in excess of 90 percent.

The study considers only temperature changes. It does not consider other climate-related factors that could also affect the shorebirds, such as northward expansion of predators like red foxes and shrubs that carnivores use for hiding when they stalk their prey. Temperature alone can make big differences for migrating shorebirds. A researcher reminds us that insects, which the migratory birds eat, are « totally driven by temperature. »

Long-range migrators are more vulnerable to warming-related mismatches. Among the species evaluated in the study, the red knot, a bird that flies to the Alaska tundra from wintering grounds as far away as Tierra del Fuego at the southern tip of South America, is among the most vulnerable.

Species that make lots of stops along the way might be able to better adjust their migration schedules in response to changing conditions.

Overall, the Beringia area – Alaska and neighbouring parts of Russia – is most susceptible to loss of breeding habitat simply because it has got most of the species now.

If habitat loss looms over Arctic-breeding shorebirds in the future, another problem has emerged in the present: elevated levels of mercury in some species. A separate study of birds nesting on the North Slope and the Yukon River Delta found potentially troubling levels of mercury in the blood of some species nesting near Barrow. According to the results of that study, mean mercury concentrations were high enough to signal possible reproductive problems.

The new study parallels findings in a 2014 report to the Fish and Wildlife Service that catalogued mercury concentrations in breeding shorebirds using sites from the Nome area to Bylot Island in the Arctic Canada territory of Nunavut. Of the 2,478 samples collected in 2012 and 2013, those from the Barrow area had the higher mercury levels.

Source : Alaska Dispatch News.

Migration

 Carte montrant les trajectoires de migration de certains oiseauxau départ de l’Alaska (Source : Northern Alaska Environmental Center)