L’Union Européenne est-elle capable de se mettre au vert ?

Un article diffusé par la radio-télévision espagnole (RTVE) nous rappelle que les effets du réchauffement climatique sont de plus en plus visibles, avec des pluies diluviennes accompagnées d’inondations catastrophiques, sécheresses prolongées, températures extrêmes, etc.

Afin de réduire l’impact de ce phénomène, l’Union Européenne vise à atteindre la neutralité en CO2 au cours des 15 prochaines années. Cela signifie que, d’ici 2050, le continent doit être capable d’absorber autant d’émissions de dioxyde de carbone qu’il en produit. Tel est l’objectif du Pacte vert européen*, la feuille de route environnementale qui prévoit l’abandon progressif des combustibles fossiles et la mise en œuvre d’une transition écologique qui aboutira à une empreinte carbone nulle.

S’agissant des concentrations de CO2 dans l’atmosphère (ce sont elles qu’il faut prendre en compte, plus que les émissions, pour prévoir l’avenir), elles atteignent actuellement 427 ppm, selon les données de la NOAA), ce qui est énorme. On sait qu’il faudra plusieurs décennies pour que l’atmosphère terrestre se purifie et retrouve un certain équilibre si nous parvenons à arrêter nos émissions polluantes.

À première vue, il pourrait sembler facile d’atteindre ce que stipule le Pacte vert européen, mais ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît. La réussite de notre transition vers une économie durable et numérique nécessite de nombreuses matières premières essentielles. Il s’agit de minéraux tels que le cobalt, le nickel, le lithium, les terres rares, la bauxite, le germanium ou le bismuth sans lesquels les véhicules électriques, les panneaux solaires ou les éoliennes ne peuvent pas fonctionner. La transformation verte en a besoin, et l’Europe en dispose. Aujourd’hui, le Vieux Continent importe ces minéraux en grandes quantités, avec un bilan environnemental profondément négatif. Pour sécuriser son approvisionnement et réduire sa dépendance aux importations en provenance de Chine, l’UE a relancé l’ouverture et l’exploitation de mines, au nom de la transition verte.

Le problème, c’est que ces ressources minières se cachent souvent sous des zones agricoles, voire des parcs naturels, comme en Espagne au sud-ouest de la province de Badajoz, tout près du parc naturel de Cornalvo. La région se caractérise par sa riche biodiversité, avec de grandes étendues de forêts, des rivières cristallines, ainsi que des zones humides qui sont l’habitat de diverses espèces d’oiseaux. Sous tous ces écosystèmes sont enfouies de précieuses ressources minérales qui font l’objet de la convoitise de plusieurs sociétés minières comme Atalaya Mining, une entreprise basée à Séville, qui veut extraire du cuivre dans cette région. Sans oublier que ce type d’exploitation est gourmand en eau, avec des conséquences faciles à imaginer si ces entreprises procèdent à des pompages excessifs.

On peut aussi citer l’exemple de Kiruna, la ville la plus septentrionale de Suède et la terre des Samis, les indigènes de Laponie. Ici, depuis plus de 130 ans, on exploite des mines de fer, mais aujourd’hui, c’est le gisement de Per Geijer, le plus grand gisement de terres rares de l’Union Européenne, qui suscite l’intérêt. L’entreprise minière LKAB a commencé à ouvrir des galeries pour l’étude et l’exploitation ultérieure de cette ressource fondamentale pour la transition verte européenne. Les peuples indigènes représentent, bien sûr, une quantité négligeable dans ce contexte. L’un de leurs représentants dénonce le fait que « l’UE vient de sacrifier ses peuples indigènes pour plaire aux grandes entreprises ».

Source: The Polar Connection

En mai 2024, l’Union européenne a promulgué la loi sur les matières premières pour répondre aux objectifs du Pacte vert européen. Celle loi ouvre grand la porte à la réactivation de l’exploitation des ressources critiques sur le territoire européen. Elle stipule que 10 % de la demande en matières premières de l’UE doit être couverte par ses propres mines. Dans le même temps, la loi encourage la rationalisation des procédures d’autorisation et autorise l’exploitation minière, en cas d’intérêt public supérieur, dans les zones naturelles protégées. Tout cela ressemble fortement au comportement de Donald Trump qui, lui, encourage l’exploitation des énergies fossiles jusque dans des zones naturelles protégées !

Depuis le début de l’année, l’UE a sélectionné 60 projets de matières premières stratégiques, dont le gisement de terres rares LKAB en Suède. L’article publié par la télévision espagnole se demande si cette croissance verte peut se faire sans laisser de traces profondes sur les communautés et les écosystèmes. Je crains fort connaître la réponse.

Source : Radio y Televisión Española (RTVE).

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* Six ans après sa présentation sous l’ancienne mandature européenne, le Pacte vert européen mentionné dans l’article ci-dessus est en danger. Censé définir la stratégie commune aux États membres de l’Union Européenne, ce dispositif avait pour objectif d’atteindre la neutralité carbone pour 2050. Mais c’était sans compter sur la fronde, discrète mais efficace, de la droite européenne, majoritaire au Parlement et à la Commission.

Pour vider le Pacte vert de sa substance, l’institution, présidée par Ursula von der Leyen, a présenté le 26 février 2025 une proposition de loi spéciale, dite « directive Omnibus », permettant d’amender plusieurs textes en même temps. Jugé « trop contraignant pour les entreprises », le Pacte vert pourrait bien se transformer en coquille vide. Et ce, malgré l’urgence écologique.

Si on parlait des camions électriques !

Aujourd’hui, les annonces publicitaires concernant les véhicules électriques inondent radios et télévisions. Toutefois, ces annonces ne concernent que les voitures, jamais les camions. (On remarquera que le prix initial de la voiture n’est jamais communiqué, seulement le montant des mensualités à payer; c’est tout dire sur la somme à débourser pour acheter une voiture électrique!)  Ce sont pourtant les poids lourds qui occasionnent la plus grande partie de la pollution et donc d’émissions de gaz à effet de serre sur nos routes. Mais aucune publicité les concernant!

Il existe des camions électriques. C’est ce que vient de démontrer une petite PME d’Indre-et-Loire qui vient de s’équiper d’un camion électrique pour effectuer des livraisons dans la région, sur des distances ne dépassant pas quelques dizaines de kilomètres, étant donné que l’autonomie maximale de ce camion de livraison est de de 300 km. Il a coûté 325 000 euros à l’entreprise d’Indre-et-Loire, dont 50 000 d’aides de l’État. Pour l’instant, la PME possède un seul camion électrique sur les 38 que compte l’entreprise.

Source : France Info.

Le développement des camions électriques serait une bonne solution pour la préservation de la planète. Selon l’article de France Info, en théorie, un camion électrique génère six fois moins de gaz à effet de serre qu’un diesel. À noter qu’aucune mention n’est faite des batteries au lithium dont l’extraction pose de gros problèmes environnementaux.

Une firme comme Tesla propose des tracteurs pour semi-remorques avec une autonomie théorique de 800 km qui dépend, évidemment, de la charge à tracter et de différents paramètres (relief du parcours, vitesse, chauffage, etc). Si l’on reprend le chiffre cité plus haut, il est facile de calculer l’investissement financier que demanderait une flotte électrique comprenant plusieurs dizaines de semi-remorques ! Sans compter que les batteries ne sont pas éternelles. Ce n’est probablement pas demain que l’on verra les gros transporteurs internationaux basculer en grand nombre vers l’électrique. Cela suppose aussi que l’électricité soit propre, donc produite par des sources d’énergie renouvelable… !

Tesla Semi (Source: Tesla)

Juste une mise au point…

Suite à la note « Le volcan Ngautuhoe (Nouvelle Zélande) à Aubusson (Creuse) » publiée sur mon blog le 1er septembre 2024, j’ai reçu des commentaires me faisant remarquer que mon voyage en Nouvelle Zélande en 2009 avait contribué à accroître l’empreinte carbone sur notre planète. Pire, j’ai osé survoler le Tongariro, le Ngauruhoe et le Ruapehu !

C’est vrai que je voyage souvent par avion et que, paradoxalement, j’alerte la société sur les dangers du réchauffement climatique d’origine anthropique. Je suis habitué à ces critiques qui ont également été adressées à Nicolas Hulot et Yann Arthus-Bertrand, entre autres.

On me fait remarquer qu’ « il y a des centaines de millions de personnes dans le monde qui aimeraient comme je le fais, pour leur travail, pouvoir se déplacer en avion. Mais ils culpabilisent de participer au réchauffement climatique, ou n’ont pas les moyens de se déplacer en avion. » Sans vouloir me critiquer (en fait, il le fait), ce visiteur de mon blog ajoute : « C’est difficile pour nous de respecter les consignes de diminuer notre « empreinte carbone », alors que vous et ceux qui alarment le monde avec la situation, ne montrent pas vraiment l’exemple. »

Un autre visiteur de mon blog m’explique qu’en tant que manager, il interdit à son équipe de prendre l’avion pour aller à Toulouse. « C’est parfois plus de 10 personnes qui ne prennent pas l’avion. A multiplier par d’autres initiatives, ce sont des vols qui ne sont plus rentables et des avions qui restent au sol. Les flocons font les plus gros glaciers, si vous ne prenez pas votre ligne régulière, avec d’autres, je vous garantis qu’à court terme la compagnie laissera ses avions au sol, ce qui évitera des quantités astronomiques d’émissions. Si vous ne prenez pas l’avion, personne ne le prendra à votre place. »

Pour répondre à cette dernière remarque, j’habite à la périphérie de Limoges et le train est donc le mode de transport le moins polluant pour aller à Paris. Encore faut-il que le trains soient à l’heure ! Depuis quelque temps, la ligne POLT (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse) est dans un tel état de délabrement que les retards (de quelques dizaines de minutes à plusieurs heures ) s’accumulent. Des entreprises locales comme Legrand et les porcelaines Benardaud ont menacé de déplacer leur siège social à Paris, sans oublier que la ligne aérienne Limoges -Paris a été supprimée ! Me concernant, je me vois contraint de prendre la voiture pour aller à Paris afin d’arriver à l’heure à mes rendez-vous. Un comble !

S’agissant de mes voyages, je reconnais humblement avoir pris l’avion de très nombreuses fois pour aller à Hawaï, en Indonésie, en Nouvelle Zélande, sur le continent nord et sud américain et que j’ai donc contribué à l’empreinte carbone. J’ai toujours voyagé avec des lignes régulières, avec des taux de remplissage des aéronefs très importants. Qu’aurais-je dû faire ? Aller voir chaque passager pour le dissuader de prendre l’avion à l’avenir ? Ecrire aux compagnies aériennes pour leur dire de mettre la clé sous le paillasson et de licencier leurs employés ? Pas sûr que ça aurait marché !

Si on veut que les choses avancent, c’est en haut lieu que les mesures doivent être prises, pas au niveau des particuliers. C’est à nos gouvernants, via les fameuses COP, d’alerter sur la catastrophe environnementale qui nous attend. Mais aucune COP n’a à ce jour pris de mesures dignes de ce nom. Pire que ça : la dernière Conférence a eu lieu à Dubaï et la prochaine se tiendra à Baku, en plein chez des producteurs de pétrole ! Cherchez l’erreur. Tant que nos gouvernants ne feront rien et se passeront la patate chaude d’une élection présidentielle à une autre, rien ne changera !

Il est bien évident que les mesurettes quotidiennes qu’on nous incite à prendre sont quelques gouttes dans un océan de misère. Vous me parlez des avions, je pourrais vous parlez des poids lourds dont les cortèges ornent les autoroutes européennes. On nous incite à acheter des voitures électriques à l’autonomie kilométrique limitée, mais je n’ai encore jamais vu de publicité pour les camions électriques et il n’y en aura pas. La transition vers l’électrique serait trop coûteuse dans le secteur des transports et les lobbies de la profession s’y opposeront. Ce sont eux qui commandent, pas le gouvernement !

Quand une visiteuse de ma page Facebook m’a fait remarquer que le feu d’artifice de Verneuil sur Vienne était une menace pour la faune, surtout les oiseaux, je lui ait fait remarquer que de plus en plus de feux d’artifice étaient remplacés par des spectacles de drones lumineux moins polluants, même s’il faut de l’électricité pour les alimenter et que cette électricité peut avoir une origine nucléaire, comme celle qui sert à recharger les batteries des véhicules électriques (voitures et vélos). Ces mêmes véhicules sont dotés de batteries au lithium dont l’extraction est une catastrophe environnementale. L’avion m’a permis d’aller le constater en Amérique du Sud. Mais là, je n’entends pas trop les protestations des écolos. Que dire du projet d’une mine de lithium dans l’Allier, avec pompage de l’eau dans la Sioule ?

Au final, je suis comme beaucoup. Notre société m’incite à contribuer à l’accélération du réchauffement climatique, avec des concentrations de CO2 dans l’atmosphère qui ne cessent d’augmenter. Dans la vie courante, j’essaye de faire en sorte de ne pas trop polluer. Mon vélo avance à la force de mes seuls mollets. Si rien n’est fait en haut lieu, nous pourrons faire tous les efforts possibles et imaginables, nous continuerons de courir à notre perte.

Sommet du Ruapehu avec le lac de cratère. Pour rappel, les survols permettent de voir l’évolution d’un volcan actif et d’alerter les autorités compétentes si des anomaliees sont observées (Photo: C. Grandpey)

Le lithium est il vraiment bon pour l’environnement ?

Afin de lutter contre les conséquences du réchauffement climatique, beaucoup de pays se tournent vers les énergies renouvelables. Nos écrans de télévision regorgent de publicités pour les véhicules électriques. En théorie plus propres que les véhicules thermiques, ils comportent actuellement deux handicaps majeurs : leur prix et leur autonomie. Le prix d’achat à la source n’est jamais mentionné pour ne pas effrayer les clients potentiels ; on ne nous parle que de mensualités. De plus, l’autonomie indiquée dans les publicités est théorique et ne prend pas en compte le nombre de passagers, le poids des bagages, ou l’effet des basses températures – donc du chauffage – sur le nombre de kilomètres pouvant être parcourus dans ces conditions.

Le lithium est la clé de voûte de tous les véhicules électriques. Il n’existe pas à l’état libre : il est dispersé dans les roches, l’argile et la saumure, un mélange d’eau et de sels. Son extraction est lente, énergivore et nécessite de très grandes quantités d’eau, une ressource de plus en plus rare.

Les réserves de ce minerai dans le monde étaient de 26 millions de tonnes en 2022, un chiffre bien en dessous des réserves estimées, qui tournent autour des 100 millions de tonnes. Trois pays se partagent l’essentiel de la production mondiale : l’Australie, avec 47% ; le Chili, avec 30%, et la Chine, avec 15%.

La société chilienne SQM extrait du lithium dans le désert de l’Atacama, dans le nord du Chili. (Crédit photo: Reuters / Ivan Alvarado)

La moitié des réserves de lithium se situe dans les magnifiques salars de Bolivie, du Chili et d’Argentine qui sont en passe d’être défigurés par des entreprises multinationales dont le seul but est de faire du profit, avec un mépris total pour l’environnement. J’ai eu la chance de visiter ces salars il y a quelques années – celui d’Uyuni en particulier – et je peux affirmer que leur saccage serait une catastrophe environnementale.

Le salar d’Uyuni, une merveille de la nature (Photo: C. Grandpey)

En France, la société Imerys projette d’ouvrir à Échassières, dans l’Allier, une très grande mine de lithium. Elle inclurait 30 hectares de site industriel, des galeries à 400 mètres sous terre, sans compter les infrastructures de chargement de fret, de traitement des déchets, etc. Un tel projet va consommer beaucoup d’électricité et beaucoup d’eau. 600 000 mètres cubes par an seront prélevés dans la Sioule, avec des conséquences faciles à imaginer en période de canicule. La Commission nationale du débat public a organisé des réunions publiques sur le sujet et les opposants au projet se mobilisent pour faire entendre leurs objections, qui sont nombreuses.

La carrière de kaolin d’Echassières. (Crédit photo : AFP – Cormon Francis)

Les promoteurs de la mine d’Échassières font valoir que l’extraction se ferait dans de meilleures conditions en France, en minimisant les dommages écologiques et en recyclant l’eau utilisée. Ce sont des arguments fallacieux car tout le monde sait qu’une mine ne peut pas vraiment être écologique. Même avec toutes les précautions du monde, l’activité minière porte atteinte à l’environnement local.

Dans sa rubrique Zéro Emission sur France Info, François Gemesse, membre du GIEC, a déclaré : « Le cas de la mine d’Échassières illustre bien la double contradiction de la transition. La première, c’est que tout le monde veut des batteries au lithium, mais personne ne veut que le lithium soit extrait près de chez soi. »

Photo: C. Grandpey