Environnement : pauvres Pyrénées !

Ces derniers jours, je me trouvais dans les Pyrénées Orientales où j’ai fait deux incursions dans des sites que j’ai connus il y a plusieurs décennies : la station de ski des Angles et la Principauté d’Andorre. Dans les deux cas, j’ai eu la même réaction devant l’envahissement du béton : m’enfuir en courant !

Je suis allé skier pendant plusieurs hivers aux Angles dans les années 1980 avec mon épouse et mes fils et j’en garde d’excellents souvenirs. La station e ski était de taille raisonnable, autour du village qui montrait une certaine authenticité.

Aujourd’hui, les constructions ont poussé comme des champignons au pied des pistes qui sont jalonnées de nombreux canons à neige. Et ça continue ! Les grues sont à l’oeuvre pour ajouter du béton au béton. Le petit cimetière a aujourd’hui l’air d’une enclave perdue dans un autre monde. Je suis très étonné que personne n’ait songé à délocalisé ces morts gênants.

Heureusement, le réchauffement climatique va recadrer les choses et la neige va bientôt faire défaut. Les stations de ski s’obstinent à faire un déni du réchauffement climatique. Elles oublient qu’il faut des températures négatives pour que les enneigeurs fonctionnent ! Si la station des Angles n’a pas prévu de diversifier ses activités, elle va vite comprendre les erreurs de sa politique environnementale. Les retours sur investissements risquent fort d’être douloureux !

Photo: C. Grandpey

Les brochures touristiques assurent que la principauté d’Andorre offre « un remarquable environnement avec ses sources, montagnes et vallées », mais que « les équilibres sont fragiles et menacés par les activités humaines. » Le tourisme a drainé environ 5 millions de personnes en 2020, attirées par  les richesses naturelles  : or blanc, thermalisme, sentiers de randonnée, mais aussi par ses produits faiblement taxés. Et c’est là que le bât blesse et que les localités andorranes me donnent envie de fuir.

J’ai connu la principauté dans les années 1960, époque où on distinguait parfaitement Andorre-la-Vieille, la capitale, sans la confondre avec les autres communes. Je revois encore l’église de Santa Coloma, la rue principale de San Julia de Loria avec son café où mes parents prenaient quotidiennement l’apéritif pour quelques dizaines de centimes de l’époque. Je revois le Valira, ce torrent où Manolo, le propriétaire de l’appartement où nous logions, m’a appris à pêcher la truite à la mouche. Je revois la petite place d’Andorre-la-Vieille où un groupe folklorique local dansait la sardane le jour de la fête nationale.

Aujourd’hui, ce monde authentique a disparu et je me sens totalement perdu quand je me trouve à Andorre. Les immeubles ont envahi toute la vallée. C’est une continuité de béton entre Les Escales et San Julia. Tout est axé sur le commerce et le fric, celui que je déteste. En déambulant dans la rue principale d’Andorre-la-Vieille, je me disais qu’il était dommage que la principauté d’Andorre soit faiblement sismique, car un bon nettoyage ferait le plus grand bien. Il serait dommage de ne pas mentionner la pollution automobile, avec des Catalans qui se prennent souvent pour des pilotes de Formule 1 en milieu urbain.

Rue commerçante à Andorre-la-Vieille (Source : L’Internaute)

Je ris franchement quand je lis que la principauté d’Andorre « axe ses actions sur le développement des mobilités douces, l’efficacité énergétique des bâtiments, la production d’énergie renouvelable, ou encore « les écoles vertes ». Il paraît que la principauté s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 en vertu des Accords de Paris, la fameuse COP 21 dont on sait que les promesses en matière de température ne seront pas tenues.

En regardant le saccage occasionné par le béton aux Angles et à Andorre, je me suis bien juré de ne plus y remettre les pieds.

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Voici le commentaire que vient d’ajouter un visiteur de mon blog à ma note sur la triste situation environnementale dans les Pyrénées :

« Les Pyrénées et par extension les lieux nature sont pris d’assaut en construction en tout genre et en limitation d’accès. J’ai connu par exemple Gavarnie, petit village de montagne, dénaturé maintenant par un immense parking à horodateur. Et que dire de la vallée de Cauterets, du parking de Puntas payant et plein comme un oeuf. Une horde de vacanciers qui pour certains se soucient peu de la nature et marchent allègrement hors sentier, pulvérisant la fine couche vivante et fragile. Que dire du Marcadau envahi, du refuge Wallon refait à neuf pour les promeneurs, attisant beaucoup (trop) de monde. Et le nouveau parking de Bious Artigues, payant, et je le vois venir, bientôt sur réservation…….. »

Le ski français sur la mauvaise pente ?

Au vu des statistiques, le marché du ski en France se porte bien. Il serait à l’origine de la création d’environ 18 000 emplois directs, auxquels il faudrait ajouter près de 120 000 emplois induits dans les stations. Les recettes de fréquentation dépasseraient les 1 400 millions d’euros, et la contribution du secteur aux exportations commerciales françaises serait estimée à 2 milliards d’euros. Le France se situerait ainsi dans le trio de tête mondial des destinations de ski, aux côtés des États-Unis et de l’Autriche.

Il est vrai que la France possède, en particulier dans les Alpes, de superbes domaines skiables et des infrastructures capables d’accueillir des millions de skieurs. Malgré tout, la bonne santé de l’économie du ski montre de nombreuses failles et l’avenir n’est pas très réjouissant. Quand on étudie l’évolution de la fréquentation des stations sur 15 ans, on s’aperçoit qu’elle a stagné, voire légèrement chuté. Des problèmes structurels pourraient bien entraîner la filière française sur la voie de la décroissance.

1) Le premier problème concerne le taux de pénétration de la pratique du ski au sein de la population nationale. En France, seuls 28 % des skieurs viennent de l’étranger. Les perspectives de croissance reposent donc en grande partie sur la capacité à renouveler le vivier de skieurs nationaux. Or, seulement 13 % de la population française s’adonne aux sports d’hiver, et encore, pas toujours de façon régulière. À titre de comparaison, la Suisse est à 34 %.

2) Le deuxième problème concerne le développement immobilier des stations. La France dispose, en théorie, d’une surcapacité d’accueil, mais de trop nombreux logements ne correspondent plus aux nouveaux standards de marché.

3) Le troisième problème concerne la baisse de l’enneigement liée au réchauffement climatique. En France, le Centre d’études de la neige a montré que la hauteur moyenne de neige sur la période 1990-2017 a baissé de 40 cm par rapport à la période 1960-1990. Les stations de basse et moyenne altitude sont les plus menacées. On l’a vu avec la station du Mont-Dore (1050 m d’altitude) qui a été mise en redressement judiciaire.

Selon les projections de l’Institute of Snow and Avalanche Research de Davos, à horizon 2050-2080, la neige aura quasiment disparu dans les Alpes françaises entre 1200 et 1800 mètres d’altitude.

Face à ces problèmes structurels, les solutions envisagées ou mises en place paraissent risquées. Pour faire face au problème d’enneigement, la France s’est dotée d’un réseau d’enneigeurs qui couvre aujourd’hui 37 % des domaines skiables. L’eau nécessaire à la production de cette neige de culture est « empruntée » aux réserves locales avant de leur être rendue via la fonte des neiges. De ce fait, les conflits d’usage avec l’eau potable ne sont pas des cas isolés.

La livraison héliportée de neige, comme à Luchon-Superbagnères dans les Pyrénées est une action désespérée qui donne une piètre image de la France dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Pour faire face au problème de fréquentation et à la pression concurrentielle exercée par les grandes stations internationales, la filière française et les tours opérateurs se sont tournés vers la clientèle étrangère aisée, pour l’essentiel russe ou asiatique. Or, une telle stratégie pose deux problèmes majeurs. D’une part, il s’agit d’une clientèle difficile à fidéliser (effet du Brexit, guerre en Ukraine). D’autre part, la venue de skieurs de l’autre bout du monde implique un bilan carbone désastreux.

Pour assurer l’accueil de cette clientèle exigeante, les projets de constructions de très grandes résidences de standing dans nos massifs se multiplient, avec le risque évident de mettre les ressources naturelles sous tension pour les alimenter en eau et en électricité.

On assiste de plus en plus à une volonté des stations de diversifier leur activités (culture, balnéothérapie, centres aqua-ludiques, etc.) sans savoir quel impact cela aura sur le choix des destinations. Il est bien beau de communiquer sur des superlatifs (comme la création de l’escape ‘game’ le plus haut d’Europe à Val Thorens), ou de vouloir connecter les domaines déjà vastes des Deux Alpes et l’Alpe d’Huez avec un ambitieux projet de téléphérique, mais au final que ressortira-t-il d’une telle politique ? Les belles années du ski français sont probablement derrière nous.

Source : The Conversation.

Vue du projet de téléphérique entre les domaines skiables des Deux-Alpes et de l’Alpe d’Huez. (Source : Skiinfo / YouTube)