Le surtourisme en Antarctique et ses conséquences // Consequences of overtourism in Antarctica

Il y a quelques jours, j’expliquais que le surtourisme était devenu un problème autour du mont Fuji, au Japon. Cependant, l’Empire du Soleil-Levant n’est pas la seule région du monde menacée par un afflux excessif de visiteurs. Même des zones reculées comme l’Antarctique sont en danger.
Au cours des dernières décennies, le nombre de touristes en Antarctique a connu une croissance rapide, passant d’environ 8 000 au milieu des années 1990 à près de 125 000 en 2023-2024. Un nouveau rapport publié dans le Journal for Sustainable Tourism précise que cet essor devrait se poursuivre, avec des prévisions de 452 000 visiteurs annuels d’ici 2033-2034.
L’essentiel de l’activité touristique se concentre sur la frange côtière de la péninsule Antarctique, en raison de sa proximité avec la pointe sud de l’Argentine, d’où partent de nombreux navires de croisière. Une fois arrivés en Antarctique, les touristes peuvent participer à diverses activités, notamment la navigation en petites embarcations, la plongée, les vols en hélicoptère et le camping le temps d’une nuit. Durant la saison 2023-24, 55 voyagistes ont effectué 569 voyages en Antarctique, avec environ deux tiers des passagers à bord de petits navires permettant l’accostage.
La plupart des voyagistes présents dans la région font partie de l’Association internationale des voyagistes de l’Antarctique (IAATO), qui exige de ses membres le respect de règles strictes. Les activités touristiques en Antarctique sont également soumises à des évaluations d’impact environnemental en vertu du Protocole relatif à la protection de l’environnement du Traité sur l’Antarctique.

Une nouvelle étude confirme que l’augmentation du nombre de touristes et l’expansion des projets de recherche polluent de plus en plus l’Antarctique qui est déjà menacé par le réchauffement climatique d’origine anthropique.
Dans les zones antarctiques où l’activité humaine a été intense, la concentration de particules fines contenant des métaux lourds est dix fois supérieure à ce qu’elle était il y a 40 ans.
La présence humaine croissante en Antarctique suscite des inquiétudes quant aux polluants issus de la combustion de combustibles fossiles, notamment ceux des navires, des avions, des véhicules et des infrastructures connexes. Les navires transportant des touristes sont alimentés par des combustibles fossiles polluants, sources de particules fines contenant, entre autres, du nickel, du cuivre, du zinc et du plomb. La neige fond plus vite en Antarctique en raison de la présence de particules polluantes dans les zones fréquentées par les touristes. Selon des scientifiques de l’Université de Groningue, aux Pays-Bas, un seul touriste peut contribuer à accélérer la fonte d’environ 100 tonnes de neige.
Les auteurs de l’étude ont passé quatre ans à parcourir 2 000 kilomètres en Antarctique pour mesurer la contamination. La présence de métaux lourds a également augmenté à cause des expéditions scientifiques. Les projets de recherche qui s’y prolongent peuvent avoir un impact jusqu’à dix fois supérieur à celui d’un seul touriste.
L’étude reconnaît que des avancées significatives ont été réalisées pour protéger l’Antarctique, comme l’interdiction du fioul lourd, très polluant, et l’adoption par l’industrie touristique de navires hybrides électriques. Néanmoins, les résultats de l’étude montrent qu’il reste encore beaucoup à faire pour réduire les conséquences des activités humaines en Antarctique, notamment en accélérant la transition vers les énergies renouvelables et en réduisant drastiquement l’utilisation des combustibles fossiles. Une autre étude publiée en août 2025 dans la revue Nature a averti que des changements potentiellement irréversibles en Antarctique, provoqués par le réchauffement climatique, pourraient faire monter le niveau des océans de plusieurs mètres et entraîner des « conséquences catastrophiques pour des générations » (voir ma note du 23 août 2025).
Source : médias d’information internationaux.

Le continent blanc n’est probablement plus aussi blanc qu’autrefois…

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A few days ago, I explained that overtourism has become a problem around Mount Fuji in Japan. However, Japan is not the only region of the world to be under the threat of too great numbers of visitors. Even remote areas like Antarctica are in peril.

Over the past few decades, tourist numbers in Antarctica have grown rapidly, from about 8,000 in the mid-1990s to almost 125,000 in 2023-24. A new report published in the Journal for Sustainable Tourism suggests the boom is set to continue, with annual visitor numbers forecast to reach 452,000 by 2033-34.

Most of the tourism activity is concentrated on the coastal fringe of the Antarctic Peninsula, due to its proximity to the southern tip of Argentina, where many of the cruise ships depart. Once tourists reach Antarctica, they can participate in a range of activities, including kayaking, polar plunges, helicopter rides and overnight camping.

During the 2023-24 season, 55 tour companies conducted 569 voyages to Antarctica, with about two thirds of passengers on smaller expedition-style vessels that allow landfall.

Most tour companies that go to the region are part of the International Association of Antarctica Tour Operators (IAATO), which requires its members to abide by strict guidelines. Tourist activities in Antarctica are also subject to environmental impact assessments under the Protocol on Environmental Protection to the Antarctic Treaty.

A new study confirms that soaring numbers of tourists and expanding research projects are increasingly polluting Antarctica which is already threatened by human-driven global warming.

In Antarctic areas where humans have been active, the concentration of fine particles containing heavy metals is 10 times higher than it was 40 years ago..

The increasing human presence in Antarctica raises concerns about pollutants from fossil fuel combustion, including those from ships, aircraft, vehicles and supporting infrastructure. Ships carrying tourists are powered by dirty fossil fuels, which are the source of fine particles containing nickel, copper, zinc and lead, among others.

Snow melts faster in Antarctica due to the presence of polluting particles in areas frequented by tourists. According to scientists from the University of Groningen in the Netherlands, a single tourist can contribute to accelerating the melting of around 100 tons of snow.

The authors of the study spent four years traveling 2,000 kilometers in Antarctica to measure the contamination. The presence of heavy metals has also increased due to scientific expeditions. Research projects that stay for an extended time can have up to 10 times more of an impact than a single tourist.

The study acknowledges there have been « meaningful steps forward » in attempts to protect Antarctica, such as a ban on highly polluting heavy fuel oil and the tourism industry embracing electric-hybrid ships. Nevertheless, the results of the study show that more remains to be done to reduce the burdens of human activities in Antarctica, » including speeding up the transition to renewable energy and slashing fossil fuel use ».

A different Nature study also published in August warned that potentially irreversible changes in Antarctica driven by global warming could lift global oceans by meters and lead to « catastrophic consequences for generations. » (see my post of 23 August 2025).

Source : international news media.

Le Mont Fuji et le surtourisme au Japon // Mount Fuji and overtourism in Japan

Ça va mal au Japon ; les Japonais sont en colère. Le mont Fuji (3776 m), merveille naturelle la plus emblématique du pays et site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, ne fait plus la une des journaux pour sa beauté, mais parce qu’il est en train de devenir une « montagne de déchets ».

Crédit photo: Wikipedia

Autrefois vénéré pour sa sérénité et son symbolisme, le mont Fuji montre aujourd’hui les conséquences fâcheuses de sa popularité : bouteilles, emballages et toutes sortes d’équipements abandonnés jonchent les sentiers d’accès au célèbre volcan.
En 2024, le Japon a accueilli un nombre record de touristes. Mais cette croissance a un revers de taille. Des destinations très prisées comme Kyoto, Tokyo et surtout le mont Fuji sont submergées par un trop grand nombre de visiteurs. Cette forte augmentation de la fréquentation entraîne une augmentation des déchets et une dégradation de l’environnement sur cette montagne autrefois parfaitement propre. De nombreuses images de pentes jonchées de détritus ont circulé sur les réseaux sociaux, ce qui va à l’encontre de la notion de propreté au Japon. Cette abondance de détritus a valu au mont Fuji le surnom peu enviable de « montagne de déchets ». Les autorités locales, la population autour du volcan et les observateurs internationaux tirent désormais la sonnette d’alarme. En réponse, le gouvernement japonais et les autorités régionales mettent en place des politiques visant à réduire l’impact environnemental du tourisme de masse.
Dans une note publiée en février 2018, j’expliquais que les autorités japonaises avaient décidé de réduire de 25% le nombre de randonneurs sur le mont Fuji. Des seuils pour deux des quatre sentiers d’accès au sommet ont été proposés lors d’une réunion le 15 février 2018, suite à un appel de l’UNESCO visant à remédier à la surfréquentation sur le volcan, susceptible d’avoir un impact sur l’environnement naturel et même la survie de la montagne. Selon ce plan, le nombre de randonneurs serait limité à 4 000 par jour sur le sentier Yoshida, dans la préfecture de Yamanashi, et à 2 000 sur le sentier Fujinomiya, dans la préfecture de Shizuoka. Selon le ministère de l’Environnement, le nombre quotidien de randonneurs a atteint un pic de 4 544 sur le sentier Yoshida et de 2 656 sur le sentier Fujinomiya pendant la saison d’escalade de juillet à septembre 2017.

Reflet du Mont Fuji dans le lac Kawaguchi, l’une des Trente-Six Vues du Mont Fuji de Katsushika Hokusai.

Le surtourisme met non seulement à rude épreuve les infrastructures locales, mais menace également les écosystèmes naturels et le patrimoine culturel. Les amas de déchets peuvent libérer des toxines dans le sol et polluer l’eau, nuire à la faune et dégrader les conditions de visite des touristes. Si le mont Fuji est l’exemple le plus visible du surtourisme, de nombreux sites culturels et naturels du Japon subissent cette pression.
Sans une gestion rigoureuse, les profits économiques du tourisme risquent de se faire au détriment de l’environnement et de la culture sur le long terme. Alors que le Japon poursuit son objectif ambitieux d’atteindre 60 millions de visiteurs par an d’ici 2030, la nécessité d’établir un équilibre entre croissance et durabilité devient de plus en plus urgente. Une solution pour enrayer le problème croissant des déchets serait d’augmenter les droits d’entrée pour les visiteurs étrangers, ce qui pourrait contribuer à financer la préservation de l’environnement. Les collectivités locales encouragent également les voyageurs à visiter les régions moins fréquentées, ce qui répartirait la pression touristique de manière plus uniforme.
Des campagnes comme « Tourisme pour tous » encouragent les touristes à respecter les traditions locales et à ne pas laisser leurs déchets derrière eux. De plus, le gouvernement encourage le développement du tourisme régional, notamment dans les zones peu visitées, mais présentant une valeur culturelle et naturelle.
Source : The Japan Times.

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Things are going badly in Japan ; the Japanese are angry. Mount Fuji (3,776 m.), the country’s most iconic natural wonder and a UNESCO World Heritage site, is no longer making headlines for its beauty, but because it is becoming a « trash mountain. »

Once revered for its serenity and symbolism, it is now showing the wear and tear of popularity in the form of discarded bottles, wrappers, and gear littering its trails.

In 2024, Japan welcomed a record number of tourists. But this growth came with a big downside. Popular destinations such as Kyoto, Tokyo, and especially Mount Fuji have become overwhelmed by the number of visitors.

This spike in foot traffic has led to increased waste and environmental degradation on the once-pristine peak. Images of litter-strewn slopes have circulated widely online, which goes against the Japanese notion of cleanliness. The surge in trash earned Mount Fuji the poorly enviable nickname of « trash mountain ». Local officials, concerned citizens, and international observers are now raising alarms. In response, the Japanese government and regional authorities are introducing policies to reduce the environmental toll of mass tourism.

In a post released in February 2018, I explained that Japanese authorities had decided to reduce the number of hikers on Mount Fuji by up to 25 percent. The thresholds for two of the four trails to the summit were proposed at a meeting on February 15th, 2018 in response to a call by UNESCO to address the congestion on the volcano, which may have an impact on the mountain’s natural environment and existence. Under the plan, hikers would be limited to 4,000 climbers a day on the Yoshida trail in Yamanashi prefecture and 2,000 on the Fujinomiya trail in Shizuoka prefecture. According to the Environment Ministry, the number of climbers per day had peaked at 4,544 on the Yoshida trail, and 2,656 on the Fujinomiya trail during the July-September 2017 climbing season.

Overtourism not only strains local infrastructure but also threatens natural ecosystems and cultural heritage. Piles of trash can leach toxins into the soil and water, harm wildlife, and degrade visitor experiences. While Mount Fuji is the most visible example, many of Japan’s cultural and natural sites are feeling the pressure.

Without careful management, the economic gains of tourism risk coming at the cost of long-term environmental and cultural loss. As Japan pursues its ambitious goal of reaching 60 million visitors per year by 2030, the balance between growth and sustainability is becoming increasingly urgent.

One solution to curb the mounting waste problem includes introducing higher entry fees for international visitors, which could help fund environmental maintenance. Local governments are also urging travelers to visit less-trafficked regions, spreading out tourism pressure more evenly.

Campaigns like « Tourism for All » are encouraging visitors to respect local traditions and pack out all trash. Moreover, the government is promoting regional tourism development, particularly in under-visited areas with cultural and natural value.

Source : The Japan Times.