Un colorant rose pour étudier la fonte du glacier du Rhône (Suisse) //A pink dye to monitor ice loss at the Rhone Glacier (Switzerland)

En Suisse, le glacier du Rhône fond à une vitesse incroyable. Lorsque je l’ai découvert pour la première fois en 1981, on pouvait voir son front près d’un virage de la route qui conduit au col de la Furka.

Photo: C. Grandpey

 Aujourd’hui, il faut marcher plusieurs centaines de mètres pour atteindre le glacier.

Photos: C. Grandpey

La grotte creusée chaque année dans la glace fond elle aussi à vue d’œil et l’eau ruisselle partout à l’intérieur. Des bâches blanches ont été installées pour freiner la fonte de la glace mais elles ne servent pas à grand chose au cœur de l’été et la grotte vit probablement ses dernières années.

 Photo: C. Grandpey

Des chercheurs suisses ont récemment utilisé un colorant rose pour étudier le comportement de l’eau de fonte du glacier du Rhône. Cette approche innovante, menée par des scientifiques de l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETH Zurich), vise à mieux comprendre la fonte rapide des glaciers européens dans un contexte de réchauffement climatique. Cette approche est cruciale pour la recherche hydrologique.
Le glacier du Rhône a déjà subi une perte d’environ 60 % de son volume depuis 1850. Le colorant rose utilisé dans l’expérience joue un rôle de traceur hydrologique, permettant aux chercheurs de contrôler le mouvement et la dispersion des eaux de fonte. Il fournit aussi des données en temps réel sur le processus de fonte du glacier et sur la manière dont ces eaux s’intègrent aux grands réseaux fluviaux européens.

 

Source : Terre & Nature via Facebook

Les données climatiques confirment que l’Europe se réchauffe à un rythme alarmant, presque deux fois plus vite que la moyenne mondiale. Cette hausse rapide des températures modifie profondément le paysage alpin et exerce une pression considérable sur les glaciers comme celui du Rhône. Alors qu’il était autrefois une source d’eau stable, le glacier du Rhône est aujourd’hui considéré comme un baromètre fiable des changements environnementaux à grande échelle.
La décision de teindre en rose l’eau de fonte du glacier remplit une fonction scientifique essentielle : le cours d’eau coloré représente visuellement la dynamique d’écoulement des eaux de fonte, permettant un suivi plus précis de leur débit et de leur mouvement lors de leur transition de la glace vers les réseaux fluviaux. Ce support visuel transforme la mesure des données, passant d’une simple analyse numérique à une expérience concrète du réchauffement climatique. Cela facilite aussi une meilleure compréhension des implications avant qu’elles n’atteignent des niveaux critiques.
Les conséquences de la fonte des glaciers vont au-delà d’une simple perte de glace et affectent le Rhône, une voie navigable essentielle qui traverse le lac Léman, puis la France avant d’atteindre la mer Méditerranée.

 

Le Rhône à sa source (Photos : C. Grandpey)

Ce fleuve soutient l’agriculture, le commerce et alimente les infrastructures hydroélectriques de nombreuses localités. À mesure que le glacier continue de reculer, son écoulement naturel est, lui aussi, susceptible d’évoluer. La disponibilité saisonnière de l’eau pourrait devenir imprévisible, ce qui entraînerait des risques importants tels que la modification des routes de navigation, la baisse du niveau des réservoirs et la fragilité des systèmes d’irrigation.
L’ETH Zurich intègre également des actions de sensibilisation à ces recherches, en invitant les étudiants à participer à des expériences pratiques. Cette initiative non seulement enrichit la recherche, mais constitue également une plate-forme pédagogique illustrant les réalités de la climatologie sur le terrain.
La technique d’hydrologie par traçage (ici en rose) offre une méthode claire pour suivre la fonte des glaciers, en montrant la vitesse à laquelle l’eau de fonte se déplace, les voies qu’elle emprunte et le temps pendant lequel elle reste sous la surface avant de contribuer à des systèmes fluviaux plus vastes.
Source : The New Scientist, SSBCrack News et autres médias suisses.

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In Switzerland, the Rhone Glacier is melting at an incredible pace. When I first saw it in the 1980s, its front could be seen close to a bend of the road that leads to the Furka Pass. Today, you hace to walk several hundred meters to reach the glacier. The ice cave that is dug each year at its front is dripping with water and probably living its last years despite the white tarpaulins that have been installed to slow the melting of the ice. . .

Swiss researchers have recently used a pink dye to highlight the meltwater of the Rhône Glacier. This innovative approach, spearheaded by scientists from the Swiss Federal Institute of Technology Zurich (ETH Zurich), aims to better understand the rapidly diminishing glaciers of Europe amidst global warming. It is a crucial tool for hydrological research.

The Rhône Glacier has already experienced a significant loss of around 60% of its volume since the year 1850. The pink dye used in this experiment acts as a hydrological tracer, enabling researchers to closely monitor the movement and dispersion of meltwater, while simultaneously providing real-time data on the glacier’s ongoing melting process and how this water integrates into larger river systems across Europe.

Climate data confirms that Europe is warming at an alarming rate, nearly double the global average. This rapid temperature rise is causing profound changes to the alpine landscape and exerting immense pressure on glaciers like the Rhône. Once a stable water source, the Rhône Glacier is now viewed as a reliable barometer for broader environmental shifts.

The decision to dye the glacier’s meltwater pink serves a pivotal scientific function. The colored stream visually represents the flow dynamics of meltwater, allowing for enhanced monitoring of its rate and movement as it transitions from glacial ice to river systems. This visual aid transforms data measurement from mere numerical analysis into a visible experience of global warming, facilitating a greater understanding of the implications before they reach critical levels.

The ramifications of the glacier’s melting extend beyond simplistic ice loss, affecting the Rhône River which is an essential waterway that flows through Lake Geneva, into France, and ultimately to the Mediterranean Sea. This river sustains agriculture, supports trade, and powers hydropower infrastructure for numerous communities. As the glacier continues to diminish, the natural flow patterns of the river may also evolve. Seasonal water availability may become unpredictable, posing significant risks such as altered shipping routes, diminished reservoir levels, and unreliable irrigation systems.

ETH Zurich is also integrating educational outreach into this research effort, inviting students to partake in hands-on experience. This initiative not only enhances the research but also serves as an educational platform that illustrates the realities of climate science in the field.

While the bright pink streams will eventually fade as the glacier melts and the dye dissipates, the data and insights gathered will leave a lasting impact. This tracer hydrology technique offers a clear method for tracking glacier loss, showcasing how quickly meltwater is moving, the pathways it takes, and how long it lingers beneath the surface before contributing to larger river systems.

Source : The New Scientist, SSBCrack News and other Swiss news media.

Le Glacier d’Argentière (Alpes françaises) sous surveillance // Monitoring of the Glacier d’Argentière (French Alps)

Le Glacier d’Argentière est l’un des plus connus et des plus visités des Alpes, juste au-dessus du village qui porte son nom. Autrefois, la langue terminale du glacier descendait jusque dans la vallée. Sous l’effet du réchauffement climatique il recule et s’amincit chaque année davantage. On a constaté qu’il perdait en moyenne un mètre d’épaisseur chaque année depuis trente ans. C’est pour étudier son comportement qu’une équipe scientifique s’est récemment rendue à son chevet.

Pendant plus d’un mois (du 26 Avril au 6 Juin 2018), des chercheurs de l’Institut des Sciences de l’Environnement (IGE) en collaboration avec des chercheurs du laboratoire ISTerre ont, dans le cadre du projet RESOLVE (financé par l’Université de Grenoble), mis en place un dispositif unique au monde permettant d’instrumenter les vibrations du glacier sous toutes ses facettes. 120 capteurs sismiques ont été installés en surface, à l’intérieur et sous le glacier. Pour ce faire, guidés par Luc Moreau (que je salue ici), ils ont avancé à l’intérieur de galeries souterraines rendues accessibles par la société de production hydroélectrique EMOSSON).

Les observations sismiques haute résolution ont été complétées par des mesures de positionnement GPS, d’exploration et d’interférométrie radar, ainsi que des mesures hydrologiques.

L’objectif de ce projet est de permettre la caractérisation fine des propriétés du champ d’ondes sismiques généré par la dynamique du glacier, en particulier par son glissement sur le substrat rocheux et par l’hydrologie sous-glaciaire. Cette campagne d’instrumentation devrait permettre aux chercheurs d’obtenir de nouvelles informations sur ces processus qui restent encore aujourd’hui mal connus bien qu’ils contrôlent une part importante de la dynamique glaciaire et donc du devenir des glaciers en réponse au changement climatique.

La vidéo de la mission est accessible avec ce lien :

https://lejournal.cnrs.fr/videos/le-glacier-dargentiere-mis-sur-ecoute

Source : IGE.

A titre tout à fait personnel, je me suis rendu auprès du Glacier d’Argentière au début du mois de juillet 2017. Si les conditions météo le permettent, je compte renouveler l’expérience début septembre 2018. La comparaison de photos permettra de voir les changements morphologiques subis par le glacier – son front en particulier – au cours de 14 mois.

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The Glacier d’Argentière Glacier is one of the best known and the most visited of the Alps, just above the village that bears its name. In the past, the front of the glacier descended into the valley. As a result of global warming, it is retreating and thinning a bit more each year. Glaciologists have found that it has been losing on average one metre of thickness every year for thirty years. It is to study his behaviour that a scientific team recently visited the glacier.
For over a month (from April 26th to June 6th, 2018), researchers from the Institute of Environmental Sciences (IGE) in collaboration with researchers from the laboratory ISTerre have, as part of the RESOLVE project (funded by the University of Grenoble), set up a unique system to tap the vibrations of the glacier in all its facets. 120 seismic sensors were installed on the surface, inside and under the glacier. To do this, guided by Luc Moreau, they advanced inside underground tunnels made accessible by the hydroelectric generating company EMOSSON).
High resolution seismic observations were supplemented by GPS positioning, radar exploration and interferometry measurements, and hydrological measurements.
The purpose of this project is to allow the fine characterization of the properties of the seismic wave field generated by the glacier dynamics, in particular by its sliding on the bedrock and subglacial hydrology. This instrumentation campaign should allow researchers to obtain new information on these processes which are still poorly known today, although they control a large part of the glacial dynamics and hence the fate of glaciers in response to climate change.
The video of the mission is accessible with this link:
https://lejournal.cnrs.fr/videos/le-glacier-dargentiere-mis-sur-ecoute

Source: IGE.

As far as I am concerned, I visited the Glacier d’Argentière at the beginning of July 2017. Weather permitting, I intend to repeat the experience in early September 2018. The comparison of photos will show the morphological changes undergone by the glacier – its front in particular – over 14 months.

Vue du glacier depuis le village d’Argentière

Le front du glacier vu depuis la vallée

Vue du glacier lors d’un survol effectué en septembre 2015

Approche du front du glacier. On aperçoit sur la droite du sentier l’entrée de la galerie souterraine.

Front du glacier

Le glacier sur son substrat  rocheux

Avec le réchauffement climatique, le glacier recule

Il est bien loin le temps où il descendait jusque dans la vallée!

(Photos: C. Grandpey