Le dégel du permafrost à Dawson City (Yukon canadien) // The thawing of permafrost in Dawson City (Canadian Yukon)

J’ai souvent mis en ligne cette photo pour montrer les effets du dégel du permafrost (ou pergélisol) sur les bâtiments. J’ai réalisé le cliché à Dawson City (Yukon canadien) qui était l’une des villes les plus populaires pendant la Ruée vers l’Or. La structure est connue sous le nom de « Kissing Building » en raison de l’affection montrée part les deux bâtiments en cours d’affaissement.
Lorsque de l’or a été découvert à Dawson City dans les années 1900, la population de la ville a littéralement explosé. Environ 40 000 personnes se sont installées dans la région et ont construit des maisons. La ville a grandi très rapidement, mais pas à des fins d’utilisation permanente.

Crédit photo: Wikipedia

Aujourd’hui, en 2021, plusieurs bâtiments comme « le Kissing Building » s’affaissent ou s’effondrent parce que le permafrost est en train de dégeler.
Le pergélisol se trouve dans des régions où l’air est suffisamment froid toute l’année pour que la terre ne dégèle jamais complètement. Pour les scientifiques, le permafrost désigne tout sol qui reste complètement gelé pendant au moins deux ans. Le problème, c’est qu’à mesure que la température du sol augmente, les lentilles de glace – masses de glace formées par l’accumulation d’humidité dans le sol et la roche – fondent et disparaissent. Au final, le sol perd son volume initial et sa structure ferme, et sa stabilité change.

Photo: C. Grandpey

À Dawson City, les températures ont augmenté de plus de 2,4 °C depuis 1901 et le pergélisol est en train de devenir instable. On s’attend à des hausses de température semblables au cours des deux prochaines décennies.
A noter que le long de la route qui conduit à Dawson City, le voyageur traverse des forêts d’épinettes où les troncs des arbres s’inclinent dans tous les sens. En effet, le sol n’est plus gelé et ne maintient plus en place les racines des arbres. On rencontre es « forêts ivres » un peu partout dans l’Arctique aujourd’hui.

Photo: C. Grandpey

Dans les années 1970, l’association Parks Canada est intervenue dans le Yukon et a acheté plus de 75 sites historiques dans la région du Klondike afin de préserver la mémoire de la Ruée vers l’Or. Dans certaines des structures, il a juste été nécessaire d’ajouter quelques poutres intérieures pour assurer la sécurité des personnes, mais pour d’autres bâtiments plus anciens, des travaux plus importants ont été nécessaires pour l’amour de l’Histoire.
La façon la plus simple de protéger les fondations contre le dégel du permafrost est d’excaver le substrat rocheux. Le pergélisol dégelé est retiré et on remblaye avec du gravier. La nouvelle fondation est faite pour durer. Aujourd’hui, la plupart des bâtiments sont construits sur des caissons ou pilotis en bois. L’idée est de construire au-dessus du sol, ce qui permet à ce dernier de rester gelé. Cette technique permet à l’air froid de circuler en dessous du bâtiment, et si le sol vient à bouger, on peut remettre le bâtiment de niveau à l’aide de vérins. Il faut avoir en moyenne recours à ce procédé tous les 5 ou 6 ans. J’ai écrit plusieurs articles sur la Sibérie où cette technique est utilisée pour faire face au dégel du pergélisol.

Source: The Siberian Times

En cliquant sur ce lien, vous verrez une vidéo expliquant l’impact du dégel du pergélisol sur Dawson City:

https://www.theweathernetwork.com/ca/news/article/canadas-historic-gold-rush-buildings-are-caving-in-as-permafrost-thaws

Source : Adapté d’un article publié dans The Weather Network.

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I have often posted this photo to show the effects on buildings of the thawing of permafrost. I took the photo in Dawson City (Canadian Yukon) which was one of the most popular towns during the Gold Rush. The structure is known as the « Kissing Building » because of how the two structures are collapsing.

When gold was discovered in Dawson City back in the 1900’s, the town exploded. Around 40,000 people moved to the region and built homes. The town was built quickly, but not for permanent use.

Today in 2021, several of the buildings like « the Kissing Building » are caving in because the permafrost underground is thawing.

Permafrost is found in places where the air is cold enough year round so that the earth never fully thaws. More specifically, scientists note permafrost is any ground that remains completely frozen for a minimum of two years. But as ground temperatures rise, ice lenses, the bodies of ice formed by moisture accumulation in soil and rock, melt away and disappear. This means that the ground loses volume and structure and consequently the stability of the earth changes.

In Dawson City, there has been an increase in temperatures of over 2.4°C since 1901 and so the permafrost is shifting. Similar increases are expected over the next two decades.

It should be noted that along the road leading to Dawson City, the traveller crosses forests where tree trunks are moving in all directions. This is because the soil is no longer frozen and no longer keeps the tree roots in place. These « drunken forests » are commonplace today in the Arctic.

In the 1970’s, Parks Canada stepped in and purchased over 75 different historic sites in the Klondike region. In some of the structures only interior beams were added to keep people safe, yet for those buildings reminiscent of earlier days greater intervention was needed for history’s sake.

The easiest way to deal with the foundation is to excavate bedrock. The permafrost thaws and then is backfilled with gravel and that becomes the new permanent foundation. Then the buildings are built up on wooden cribbing. The idea is to build up off the ground, which allows the ground to stay frozen. This technique also allows cold air to circulate underneath, and if there is any movement in the ground you can level the building with jack. So, it is necessary to do a bit of leveraging every 5 or 6 years. I have written several posts about Siberia where this technology is used to face the thawing of permafrost.

By clicking on the following link, you will see a video explaining how permafrost is impacting Dawson City.

https://www.theweathernetwork.com/ca/news/article/canadas-historic-gold-rush-buildings-are-caving-in-as-permafrost-thaws

Source: Adapted from an article published inThe Weather Network.

 Dawson City aujourd’hui / Today :

Si l’or vous attire….

Photos: C. Grandpey

Le dégel du pergélisol, une catastrophe annoncée

Je n’insisterai jamais assez sur les conséquences désastreuses du dégel du pergélisol, le sol gelé en permanence qui recouvrait jusqu’à ces dernières années les terres arctiques. J’ai en mémoire les récits des chercheurs d’or du Yukon canadien qui devaient briser le sol dur comme du béton pour essayer d’atteindre le minerai tant convoité. Aujourd’hui, leur tâche serait plus aisée car le permafrost – comme l’appelle les Anglo-saxons – est en en train de devenir une espèce en voie de disparition.

Chercheurs d’or dans le Klondike

Les vagues de chaleur à répétition qui affectent la Sibérie, avec des pointes à 38°C au cours du mois de juin 2020, devraient alerter l’opinion, mais elles restent au rang de faits divers dans les bulletins d’information. On parle beaucoup d’écologie, mais pas assez – à mon goût – du réchauffement climatique. Quand on en parlera vraiment, il sera trop tard !

En Sibérie orientale, la république de Yakoutie est le parfait exemple pour illustrer la catastrophe en cours et à venir. La totalité de ce territoire repose sur le pergélisol. La couche de sol gelé dépasse – ou plutôt dépassait – parfois 1000 mètres d’épaisseur. Aujourd’hui, la couche « active » du sol, celle qui est dégelée, atteint 3 mètres de profondeur. Cela pose un réel problème dans la vie quotidienne des Yakoutes, ne serait-ce que lors des enterrements. Les morts sont enterrés traditionnellement en été à 2 mètres sous terre, ce qui supposait, il n’y a pas si longtemps, de verser de l’eau bouillante pour dégeler les 50 derniers centimètres. Aujourd’hui, plus besoin de faire fondre la glace car la terre est déjà molle !

Yakoutie, ou République de Sakha (Source : Wikipedia)

Dans les zones non habitées, les effets du dégel du pergélisol sont parfaitement visibles. J’ai vu des portions de rivage de l’Océan Arctique qui s’étaient effondrées. En Alaska, ces glissements de terrain littoraux ont emporté des maisons. J’ai vu aussi des « forêts ivres » avec les troncs d’arbres inclinés en tous sens car le gel ne maintient plus les racines. Comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, ce dégel du pergélisol risque fort de libérer des microbes et des virus. Nous aurons tout intérêt à avoir de bonne s réserves de masques !!

 Forêt ivre dans le Yukon (Photo : C. Grandpey)

En milieu urbain, le dégel du permafrost est en train de poser des problèmes aux fondations des structures édifiées au cours des dernières décennies. A Yakoutsk, la capitale de la région, le sol gelé offrait un support de construction d’une dureté parfaite. Comme je l’ai expliqué précédemment, les constructions sont perchées sur des pilotis enfoncés dans le pergélisol. Sur la photo ci-dessous, on peut voir qu’un espace de 1 à 2 mètres est laissé vide entre le rez-de-chaussée et le sol 1) pour que la chaleur des habitations ne fasse pas fondre le sol en dessous, et 2) afin que l’air ambiant refroidisse la couche active de pergélisol. Jusqu’en l’an 2000, la loi obligeait les constructeurs à planter des pilotis de 8 mètres pour soutenir les immeubles. Avec le réchauffement climatique, ces immeubles, parfois de cinq étages, ne sont plus maintenus que sur les 5 derniers mètres et des fissures apparaissent dans les murs. Certains bâtiments se sont même effondrés. Plusieurs centaines de constructions ont été jugées «inhabitables» par les autorités et plusieurs dizaines d’entre elles doivent être détruites.

 Immeuble sur pilotis en Yakoutie (Crédit photo : Wikipedia)

L’enfoncement des pilotis dans le sol dégelé, c’est ce qui s’est passé à Norisk, au nord du Cercle polaire arctique. Une cuve de diesel qui n’était plus soutenue s’est déséquilibrée et a déversé son contenu dans une rivière en provoquant la pollution que l’on sait.

Le dégel du pergélisol affecte également les pistes des aéroports et le réseau routier qui doit être remis en état en permanence. Ainsi, la circulation est retardée par de très nombreux chantiers sur les routes d’Alaska.

 Effet du dégel du pergélisol sur les routes de l’Arctique. Etudes pour essayer d’y remédier (Photos : C. Grandpey)

Les structures industrielles sont elles aussi confrontées à de sérieux problèmes. Dans la péninsule de Yamal, il faut contrôler et corriger en permanence les déformations des gazoducs. Il ne faudrait pas oublier que les réserves de gaz naturel les plus importantes de Russie ont été découvertes dans cette péninsule. Elles sont actuellement exploitées par le géant gazier russe Gazprom. La péninsule est reliée à l’Europe par plusieurs gazoducs, dont le Yamal-Europe.

 Infrastructures gazières de Yamal (Crédit photo : Groupe Total)

Les autorités russes essayer de résoudre en urgence les problèmes provoqués par le dégel du pergélisol. Dans les zones habitées, des rangées de «thermosiphons» sont installées le long des immeubles les plus menacés (voir image ci-dessous). Ils ressemblent à des radiateurs inversés dont le pied est planté dans le sol. Ces appareils captent l’air froid ambiant et, grâce à un liquide de refroidissement, injectent du froid dans la couche active du pergélisol pour qu’elle regèle plus rapidement. Sans ces mesures, il y aurait un fort risque d’affaissements de terrain et d’effondrements de bâtiments.

 Fondations à thermosiphons verticaux à Inuvik (Canada) [Source  Wikimedia]

Avec la hausse des températures et la modification du climat, la Sibérie connaît des précipitations plus intenses qui provoquent des inondations. Les pluies anormalement importantes viennent de la fonte accélérée de la calotte glaciaire arctique qui ne recouvre plus l’océan. Les masses d’air humides venues du nord dérèglent le climat et décuplent les précipitations. Les habitations qui ont été envahies par l’eau pendant l’été n’ont pas le temps de sécher avant le retour du froid hivernal et tout doit être abandonné. Il n’y a pas de budget pour aider la population et le gouvernement de la république de Yakoutie n’est pas préparé pour faire face à ce genre de catastrophe.

A côté de ces inondations, on vient de voir que la chaleur qui dégèle le permafrost met également le feu à la végétation, avec des incendies qui couvent parfois tout l’hiver dans la tourbe de la toundra avant de se régénérer au printemps.

 Incendies en Sibérie (Satellite Copernicus Sentinel-2)

J’aimerais que ces quelques lignes attirent l’attention du public sur une catastrophe annoncée. Ce qui se passe en Sibérie et dans l’Arctique en général en ce moment aura forcément des répercussions sur nos latitudes. Il faudrait que nos gouvernants cessent de pratiquer la politique de l’autruche et voient un peu plus loin que le bout de leur nez…

On attend toujours que les COP ne se limitent pas seulement à des échanges de belles paroles et que des mesures concrètes et efficaces soient prises à l’échelle de la planète et non pas seulement à celle de la France où elles restent d’ailleurs quasiment inefficaces. Quid de la réduction du transport routier et du développement du ferroutage ? Quid des mesures incitatives pour utiliser des énergies alternatives ? En refusant trois des mesures proposées par la Convention citoyenne pour le climat, le Président Macron a montré clairement le poids des lobbies dans la politique climatique qu’il prétend entreprendre.

Exemple de ferroutage entre l’Allemagne et l’Italie (Crédit photo : Wikipedia)

Sources: Organes de presse nationale et internationale et observations personnelles dans l’Arctique.