La fonte glaciaire : une menace pour les Alpes

Le lundi 19 mai 2025, entre 350 000 et 400 000 mètres cubes de roches se sont détachés de la montagne et se sont déversés sur le village suisse de Blatten qui, heureusement, avait été évacué préventivement. Avec le réchauffement climatique et le dégel du permafrost, l’effondrement du glacier du Birch est un message d’alerte pour toute la chaîne alpine où des événements semblables sont susceptibles de se produire, avec leur lot de chutes de blocs de glace ou de rupture de poches d’eau. La plupart des sites sous la menace de ces effondrements sont bien répertoriés et ont été placés sous haute surveillance.

Effondrement du glacier du Birch (Source: presse helvétique)

Selon les autorités, depuis 1640, 219 événements d’origine glaciaire et périglaciaire ont été recensés dans les Alpes françaises. Ils sont liés principalement à des vidanges de lacs glaciaires ou de poches d’eau, et ont conduit à environ 225 décès.

Parmi les sites les plus sensibles figure le glacier de Tête-Rousse qui peut menacer d’inondation la vallée de Saint-Gervais (Haute-Savoie). En 1892, une coulée mêlant eaux, roches et débris a tué 175 personnes en aval, sans compter les destructions. J’ai décrit cette catastrophe dans une note publiée le 23 avril 2019 :

https://claudegrandpeyvolcansetglaciers.com/2019/04/23/saint-gervais-haute-savoie-toujours-sous-la-menace-du-glacier-de-tete-rousse/

 

Schéma accompagnant le texte de Joseph Vallot pour expliquer le processus de la catastrophe du 12 juillet 1892.

Le glacier de Taconnaz, situé près de Chamonix, est lui aussi sous surveillance étroite. Les risques identifiés sont des avalanches de glace et de roche mêlées. Un glissement accéléré du glacier entraînant avec lui des langues glaciaires, voire la totalité du glacier, pourrait menacer les habitations en aval.

Photo: C. Grandpey

D’autres glaciers sont surveillés, comme le glacier des Grandes Jorasses ou le glacier d’Argentière, où la formation d’un lac glaciaire devrait, a priori, être sans danger pour Chamonix car situé dans une cuvette granitique. Ces lacs glaciaires peuvent représenter un danger, comme on l’a vu avec le glacier de Tête-Rousse. Afin d’éviter une rupture imprévisible et potentiellement catastrophique des eaux, on s’efforce de les vidanger le plus possible en creusant des chenaux permettant l’évacuation de l’eau. .

Glacier d’Argerntière (Photo : C. Grandpey)

Voisin du glacier de Taconnaz, le glacier des Bossons a vu la formation d’un tel lac dans sa parie frontale. C’est donc le même type de travaux qui a été réalisé en 2023. Je les ai décrits ici :

https://claudegrandpeyvolcansetglaciers.com/2023/08/02/nouveaux-travaux-de-purge-du-lac-glaciaire-des-bossons-haute-savoie/

À noter qu’une langue de glace reste particulièrement surveillée sur ce glacier.

Lac de fonte devant le glacier des Bossons (Crédit photo : Le Dauphiné)

Un chenal a été creusé en 2024 afin d’évacuer l’eau du lac glaciaire de Rosolin qui menaçait Tignes (Savoie). L’opération a permis de diminuer son volume, et limiter la menace d’une rupture catastrophique des eaux. En l’espace de quelques semaines, il était prévu de réduire la capacité du lac de près de 80 %. C’est en 2018 que ce lac, né sous le Dôme de Pramecou, à 2 800 mètres d’altitude, est apparu pour la première fois.

Vue du premier chenal de 3 mètres de profondeur creusé pour réduire de moitié la quantité d’eau présente dans le lac glaciaire de Rosolin.  (Crédit photo : RTM)

Le programme européen RiskNat, dédié à la gestion des risques naturels de haute montagne, a publié une liste des sites où des ouvrages ont été réalisés afin de limiter le risque d’une rupture d’une énorme poche d’eau. Outre les exemples précédents, des travaux de vidange ont été effectués au lac d’Arsine, dans le massif des Écrins, en 1985-1986, au lac du Belvédère (Mont Rose, Italie) en 2001-2002, au lac de Rochemelon en 2005, au lac supraglaciaire de Grindelwald (Valais, Suisse) en 2009-2010.

Le danger présenté par certains sites glaciaires a entraîné leur fermeture, pour des raisons évidentes de sécurité. En Italie, dans la vallée du Val-Ferret, le glacier de Planpincieux, est très surveillé pour un risque d’éboulement de près de 220.000 mètres cubes de glace sur le village de Courmayeur. Les routes autour du glacier sont régulièrement fermées à la circulation. J’ai décrit la situation dans une note publiée le 6 août 2020 :

https://claudegrandpeyvolcansetglaciers.com/2020/08/06/nouveau-risque-deffondrement-du-glacier-de-planpincieux-val-daoste/

Vue du glacier de Planpincieux, sur la face sud des Grandes Jorasses (Crédit photo: Wikipedia)

En France, le refuge de la Pilatte, dans le massif des Écrins, a été fermé au public en 2022 à cause de la fonte accélérée du glacier de la Pilatte qui a entraîné la déstabilisation du socle rocheux sur lequel est construit le bâtiment de 120 places.

https://claudegrandpeyvolcansetglaciers.com/2022/05/29/le-refuge-de-la-pilatte-parc-des-ecrins-victime-du-rechauffement-climatique/

Vue du refuge de la Pilatte (Crédit photo: Oisans Tourisme)

Pour terminer, on ne saurait oublier la destruction du hameau de La Bérarde (Isère) par une lave torrentielle dans la nuit du 20 au 21 juin 2024. Selon la commission scientifique qui a enquêté sur cet événement, le réchauffement climatique a entrainé la fonte du glacier et la création d’un lac, ainsi que la mise à nue de la moraine en aval, la rendant facile à déstabiliser et à emporter par la crue du torrent.

https://claudegrandpeyvolcansetglaciers.com/2024/12/19/le-rechauffement-climatique-a-lorigine-de-la-catastrophe-de-la-berarde-isere/

 

Vue du glacier de Bonne Pierre où la vidange de lacs et cavités a provoqué la catastrophe du mois de juin 2024 (Crédit photo : E. Larose / CNRS)

Note inspirée d’un article paru dans 20 Minutes.