A Limoges (Haute-Vienne), tout le monde sait que le sous-sol de la ville est un véritable gruyère car nos prédécesseurs y ont creusé un nombre incalculable de souterrains dont certains se visitent.
A Hawaï ou sur l’île de la Réunion, c’est différent. Le gruyère a une origine naturelle. Au cours des éruptions, la lave très fluide dans ces deux parties du globe a creusé des galeries, parfois très longues. Sur la Grande Île d’Hawaï, le Kazumura présente une longueur de 65,5 kilomètres qui en fait le tunnel de lave le plus long du monde.
Les tunnels de la Réunion n’ont pas cette prétention, mais certains sont bien connus et méritent qu’on y pénètre. On comprend très vite comment la lave s’est comportée à l’intérieur.
Tous les tunnels réunionnais ne sont pas répertoriés. Un grand nombre reste dissimulé dans le sous-sol et il arrive que certains soient découverts par hasard. C’est ce qui est arrivé ces derniers temps à un habitant de Saint Joseph, une commune située dans le sud de l’île. En réalisant des travaux de terrassement sur sa propriété, un ouvrier a déplacé un bloc rocheux et mis à jour un trou profond de plusieurs mètres d’où émanait une odeur suspecte. Après vérification, il s’agit bel et bien d’un tunnel de lave d’une hauteur de 3 mètres et large de 2 mètres.
Comme cela se produit fréquemment dans des tunnels de lave, le boyau, qui est assez long, se resserre par endroits, puis s’élargit de nouveau en descendant vers la mer. Le propriétaire du terrain ne compte pas tirer profit de sa découverte. Dans un futur proche une dalle de béton en scellera définitivement l’accès.
Comme je l’ai indiqué plus haut, ce n’est pas la première fois qu’un tunnel est découvert de manière fortuite à la Réunion. En février 2004, lors de la construction de la route des Tamarins, les ouvriers ont mis au jour une telle cavité à Bois de Nèfles Piton Saint-Leu.
En 2013, un agriculteur du Tampon a fait une chute dans une cavité alors qu’il était au volant de son tracteur. L’Institut Physique du Globe de Paris (IPGP) a précisé qu’il s’agit d’un tunnel de lave vieux de 23000 ans, créé à proximité du Piton Bleu. Aujourd’hui il se visite, par petits groupes, tant les richesses géologiques qu’il contient sont grandes.
Source: Réunion la 1ère.
J’ai consacré une note au Tunnel Bleu – c’est son nom – à l’issue d’un long séjour à la Réunion en 2019.
La visite du Tunnel Bleu est à recommander à tous les amateurs de géologie et de volcanologie. Les quelques photos ci-dessous ne sont qu’un petit échantillon des beautés que l’on peut admirer dans les entrailles de la Terre.
Si, vous aussi, vous avez envie de visiter le Tunnel Bleu, voici les coordonnées de l’agence de l’ami Rudy Laurent qui gère le site:
KOKAPAT
Infos et réservations au 0692 699 414
Site web: www.kokapatrando-reunion.com
Vous verrez que Rudy Laurent organise également des randonnées à la journée sur le Piton de la Fournaise et les célèbres cirques de la Réunion, ainsi que des trekkings de 2 à 15 jours.



Photos: C. Grandpey
Bonjour Claude.
Une merveille les tunnels de lave ! J’en ai visité quelques uns à Madère et aux Canaries, La Palma et El Hierro (le tunnel du Faro de Orchilla en autonomie complète vu qu’il est en accès libre et sans surveillance).
Mais j’ai toujours le souvenir ému des tubes géants d’Undara Volcanic National Park, Australie, assez grands pour contenir un semi remorque, et d’une longueur totale de 160 km, la lave ayant atteint l’océan !
La taille démesurée m’avait laissé une impression d’insignifiance, qu’étais je par rapport à cette démesure ?
Et finalement une plénitude en sortie de ces randos et excursions.
Que notre Terre est belle.
Bonne journée, amitiés.
Frédéric.
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Bonjour Frédéric,
C’est vrai que la visite des tunnels de lave est un moment particulier qui permet de se rendre compte de la force de la nature. J’ai visité à deux reprises le Kazumura à Hawaï; on se croirait dans le métro. Sur l’Etna, la Grotta del gelo est garnie de glace. Aux Canaries, une caverne a été transformée en salle se spectacle. En Auvergne, on y conservait le St Nectaire. Au cours de l’éruption de l’Etna entre 1991 et 1994, j’ai eu l’occasion unique de pénétrer dans un tunnel de lave actif, avec la lave couleur d’or coulant à quelques mètres devant moi. Moment exceptionnel qui restera l’un des plus puissants souvenirs de ma vie sur les volcans. Je l’ai raconté dans mon livre « Volcanecdotes », aujourd’hui épuisé. Voici le texte de cet épisode:
Nous sommes en Avril 1992. Comme tous les jours depuis le début de l’éruption, Antonio Nicoloso, chef des guides de l’Etna, se rend au pied du Cratère Sud-Est, à la source de l’émission de lave, afin de se rendre compte de l’évolution de la situation. Depuis la mi-décembre de l’année précédente, le volcan ne cesse de vomir ses entrailles. Les coulées ont parcouru plusieurs kilomètres dans la Valle del Bove ; elles ont allègrement franchi le Salto della Giumenta pour se précipiter dans le Val Calanna, et elles sont maintenant aux portes de Zafferana Etnea où la population implore la Madonne pour que la lave n’engloutisse pas cette charmante bourgade.
C’est le début du printemps et des premières chaleurs. Le temps est lumineux. Pourtant habitué à la beauté du Mongibello, Antonio s’offre une pause pour admirer le paysage où la blancheur de la neige alterne avec le noir du basalte et les traces colorées laissées par les sublimés fumerolliens. Il vient de terminer l’ascension pénible des cannellone, ces vestiges d’éruptions antérieures qui se dressent, telles une forteresse en bordure de la Vallée du Bœuf. Devant lui s’élèvent des nuages de gaz bleutés, seuls signes apparents de l’éruption, car la lave s’écoule désormais au fond de canaux à ciel ouvert ou en tunnels qui l’empêchent de se refroidir. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle a réussi à descendre si bas sur la pente du volcan et menacer les zones habitées.
Attentif au moindre détail, à la moindre modification qui aurait pu intervenir depuis la veille, Antonio se dirige d’un pas lent vers le site éruptif. Il est en train de traverser un léger replat quand il croit percevoir un sifflement non loin de l’endroit où il se trouve. Cela ressemble au bruit d’une cocotte-minute quand la pression est à son maximum, mais l’origine du phénomène est difficile à déceler, d’autant que le sirocco qui s’est levé cette nuit emporte les bruits vers le nord.
Rien à droite. Rien à gauche. Au bout de quelques pas, Antonio réalise que le bruit provient du sol. Pourtant, il ne voit rien de particulier. En tendant encore mieux l’oreille, il se rend compte que ce chuintement provient d’un petit trou qui perce la couche de basalte là, juste devant lui. Se mettant à genoux et collant sa main sur cette minuscule ouverture, il est surpris de sentir un effet de ventouse qui fait se plaquer sa paume sur le petit orifice. Sortant de son sac à dos son marteau de géologue dont il ne se sépare jamais ces jours-ci, Antonio se met en devoir d’élargir l’orifice qui émet ce sifflement étrange et qui lui est inconnu. Quelques coups suffisent pour faire s’écrouler une plaque de lave durcie de cinquante centimètres carrés qui va s’écraser quelques mètres en dessous. En même temps que s’effondre la voûte de ce qui ressemble à l’entrée d’un tunnel, une bouffée d’air se précipite à l’intérieur de cette ouverture. En scrutant l’obscurité, Antonio se rend compte que le plancher de la grotte n’est pas très profond et semble donc accessible.
Au prix de quelques contorsions, son corps se glisse dans l’orifice et il sent bientôt ses pieds reposer sur le sol. L’appel d’air est constant. Après avoir extirpé une torche de son sac, Antonio examine ce lieu insolite où s’écoulait probablement la lave au tout début de l ‘éruption. Le plafond de la grotte est constellé de stalactites de re-fusion, témoins évidents de la forte chaleur qui régnait dans ce lieu. Maintenant accoutumé à l’obscurité, Antonio avance prudemment dans le tunnel. Au bout de quelques pas, la galerie amorce un virage en angle droit et là, ô surprise, tout s’illumine brusquement ! Une rivière d’or s’écoule rapidement devant lui, à quelques mètres seulement. La sinuosité du tunnel la rendait invisible de l’extérieur et seule la persévérance d’Antonio pouvait lui accorder cette récompense
Bien qu’habitué aux caprices du volcan, à la beauté des fontaines de lave, Antonio reste subjugué par la beauté du spectacle que l’Etna est en train de lui offrir. Il reste un long moment à regarder passer devant lui le sang de la terre. Il comprend maintenant pourquoi l’appel d’air est si puissant à l’entrée de la grotte. La rivière de lave crée un effet Venturi et la pénétration de l’air extérieur rend la température très supportable, même à proximité de la rivière de lave. Seul son rayonnement fixe le point au-delà duquel la chaleur devient intolérable. Ce moment de fascination terminé, Antonio décide de remonter à la surface. Il passe la tête à l’air libre et se rend compte qu’il est encore seul. Les militaires italiens chargés d’obstruer les tunnels de lave à l’aide de blocs de béton enchaînés les uns aux autres ne sont pas encore arrivés. La vue de leur matériel fait sourire Antonio qui, dans son for intérieur, a toujours pensé qu’une telle opération s’avérerait inefficace. Avant de repartir, il glisse soigneusement une plaque de basalte sur l’ouverture de la grotte et la recouvre d’une couche de cendres qui la rendra définitivement invisible. Cette grotte lui appartient ; personne ne doit venir violer son secret.
Seuls quelques privilégiés seront invités par Antonio à venir visiter ce lieu à la fois unique et éphémère. Quelques jours plus tard, j’ai eu le bonheur de figurer parmi les happy few qui ont pu se glisser à l’intérieur de l’orifice taillé par le marteau d’Antonio. J’avais eu l’occasion d’observer des rivières de lave à Hawaii, au travers de lucarnes qui percent les tunnels sur les pentes du Kilauea, mais il était impensable de pénétrer dans l’un d’entre eux. Cette expérience vécue aux côtés d’Antonio restera l’un des grands moments de mes pérégrinations volcaniques. Pouvoir pénétrer l’intimité d’un volcan actif est une occasion extrêmement rare. L’émotion que l’on ressent à quelques mètres de cette rivière couleur d’or est particulièrement forte. La gorge se serre. La fascination est à son comble. Les nombreuses photos que j’ai prises ne pourront jamais rendre compte de l’ambiance qui régnait dans la grotte : l’odeur de la lave et des gaz ; le bruit feutré, à peine audible, du magma glissant contre les parois de son chenal ; la douceur de la température…. On a du mal à se convaincre qu’il faut ressortir à la surface. C’est tout simplement magique.
Le surlendemain de notre visite, une secousse sismique ébranlait l’Etna. La voûte de la grotte s’effondrait. Spectacle terminé.
Amitiés.
Claude
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Merci Claude 🙂
Frédéric.
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