Système Géothermique Stimulé dans l’Orégon // Enhanced Geothermal System in Oregon

drapeau francaisDans plusieurs notes écrites sur ce blog en 2008, 2011 et 2012, j’ai expliqué qu’il existait un projet d’exploitation de l’énergie géothermique dans le secteur du volcan Newberry, au cœur de l’Oregon. Aujourd’hui, le projet est en passe de devenir réalité. Il est censé produire une énorme quantité d’énergie aux États-Unis. La société AltaRock Energy exploite la chaleur de la terre à trois kilomètres de profondeur et la transforme en une électricité fiable et rentable.
Quand les gens évoquent la géothermie, ils pensent en général à des ressources hydrothermales situées dans les zones volcaniques le long de plaques tectoniques. En fait, le potentiel de la géothermie est beaucoup plus vaste et géographiquement dispersé. Il existe un énorme potentiel pour les Systèmes Géothermiques Stimulés (SGS ou EGS) à travers les États-Unis et toute la planète.
Un système SGS fonctionne en forant le sol et en injectant de l’eau dans un système en boucle fermée destiné à créer des fractures dans la roche. On ajoute de l’eau pour absorber la chaleur émise par la roche, ce qui entraîne une production de vapeur qui remonte vers la surface et actionne une turbine.

Le Massachusetts Institute of Technology Group (MIT) qui a supervisé le projet recherchait une méthode pour produire 100 000 MW aux Etats-Unis par le SGS. Les chercheurs ont remarqué que la qualité de la ressource géothermique repose sur trois facteurs fondamentaux:
1) La relation température-profondeur (également appelée gradient géothermique), autrement dit la profondeur à laquelle il faut forer pour obtenir la chaleur nécessaire.
2) La perméabilité et la porosité de la roche réservoir. C’est un facteur important car cela concerne la zone de surface à laquelle l’eau (qui absorbe la chaleur nécessaire) est exposée.
3) La saturation en fluide. (La quantité de fluide dans la roche susceptible d’absorber la chaleur)
Comme le fait remarquer le rapport du MIT, le SGS est intéressant pour plusieurs raisons, notamment parce qu’il fournit de l’électricité pratiquement sans carbone et la roche source est abondante aux Etats-Unis.

Le groupe d’étude a indiqué que le potentiel de ce type de ressource géothermique était énorme et très rentable: Avec un investissement privé/public se situant entre 800 millions et un milliard de dollars sur une période de 15 ans, la technologie SGS pourrait être déployée commercialement sur une échelle de temps qui produirait plus de 100 000 MW d’ici 2050.
La technologie SGS est très différente de l’hydrofracturation pour le gaz naturel. On n’a pas besoin de percer latéralement, ni d’utiliser des produits chimiques ou du sable pour ouvrir les fractures dans la roche. En outre, aucune eau usée n’a besoin d’être éliminée. C’est la différence de température entre l’eau froide et la roche très chaude qui provoque les fractures. Ces fractures à leur tour aboutissent à une augmentation de surface pour le transfert thermique ultérieur de la roche vers l’eau. Une préoccupation du public a été la possibilité de voir apparaître des séismes, ce que l’on appelle la « sismicité induite ». Mais comme l’a démontré AltaRock en utilisant des mesures obtenues lors du projet Newberry, les stimulations provoquées par la technologie SGS déclenchent une «sismicité inférieure aux vibrations que subit un stade de football rempli de spectateurs lors d’un grand match de la NFL » (National Football League aux Etats-Unis).
Une autre différence est que la fracturation pratiquée par AltaRock utilise une boucle fermée. Une fois que le réservoir est initialement chargé, il n’est plus nécessaire d’ajouter d’eau, et les centrales peuvent alors produire de l’énergie pendant des décennies.

Dans l’Oregon, AltaRock est en train de construire l’une des centrales les plus importantes des États-Unis La société a foré jusqu’à 3.000 mètres dans la roche sèche et chaude, à 300 ° C, avec presque pas de perméabilité à la base, et elle a utilisé sa propre technologie pour créer un réservoir géothermique.
L’entreprise a un coût: 40 millions de dollars viennent d’investisseurs privés, complétés par 21,5 millions de dollars du Ministère de l’Énergie. Le projet est également soutenu par plusieurs institutions universitaires et scientifiques.
Il comporte plusieurs étapes (voir schéma ci-dessous). La première consiste à forer le premier puits d’exploration et d’injection. Ce puits fournit des informations concernant les températures de fond de forage et c’est le puits dans lequel l’eau est injectée pour fracturer la roche et créer le réservoir géothermique. Une fois que le réservoir est créé, d’autres puits de production sont forés ; ils seront reliés au premier puits de telle sorte que l’eau se déplace de l’un à l’autre. L’eau surchauffée (à environ 300 ° C) va remonter le long des puits de production vers la surface et la vapeur qui en résulte va passer par un générateur afin de produire de l’électricité.
En l’état actuel des choses, le projet Newberry a déjà vu l’achèvement du puits d’injection, la stimulation de la ressource, et la création de la perméabilité. La prochaine étape consistera à forer des puits de production qui auront une «communication» avec l’eau injectée dans le premier puits, créant ainsi un réseau en boucle fermée.
La géothermie haute température par stimulation pourrait devenir une technologie essentielle pour répondre aux besoins futurs des Etats-Unis en électricité, et elle peut être utilisée dans tout le pays.

Sources : Forbes.com & The Oregonian.

On pourra consulter un site en français qui explique fort simplement le principe des systèmes géothermiques stimulés:

http://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/geothermie-haute-temperature-par-stimulation

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drapeau anglaisIn several notes written on this blog in 2008, 2011 and 2012, I explained that there was a project to exploit geothermal energy at Newberry volcano, in central Oregon. Today, the project is in a fair way to become reality. It is said to hold the promise to producing an enormous amount of energy in the United States. The AltaRock Energy company is mining the earth’s heat three kilometres down and turning it into a reliable and cost-effective supply of electricity.

When most people think of geothermal, they envision the hydrothermal resources that are located in volcanic zones along tectonic plates, but the potential for geothermal is much larger and geographically dispersed. In fact, there is enormous potential for heat mining Enhanced Geothermal Systems (EGS) throughout the U.S. and the world.

EGS works by drilling a hole into the ground, and pumping water into a closed loop system to create fractures in the rock. Additional water is added to absorb heat from the rock, which turns to steam at the surface and drives a turbine.

The Massachusetts Institute of Technology (MIT) group which supervised the project was specifically looking at what would be necessary to produce 100,000 MW of EGS in North America, which would represent about 10% of overall US generating capacity. They noted that the quality of the geothermal resource is affected by three basic factors:

1)   The temperature-depth relationship (also referred to as the geothermal gradient), in other words, how deep you have to drill to obtain the requisite heat.

2)   The reservoir rock’s permeability and porosity. This matters because it affects the surface area that the water (which absorbs the necessary heat) is exposed to.

3)   The amount of fluid saturation. (How much fluid in the rock that can absorb the heat)

As the MIT report noted, EGS is attractive for several reasons, including the fact that it provides virtually carbon free electricity and the source rock resource exists widely throughout the United States.

The study group indicated that the potential of this resource was enormous and cost-effective: With a combined public/private investment of about $800 million to $1 billion over a 15-year period, EGS technology could be deployed commercially on a timescale that would produce more than 100,000 MW of new capacity by 2050.

EGS is a very different technology than hydro-fracking for natural gas. One doesn’t have to drill sideways, nor use chemicals or sand to open up fractures in the rock. Also, no wastewater is produced that needs to be disposed of. Rather, it’s the temperature differential between cold water and hot rock that creates the fractures. These fractures in turn result in enhanced surface area for subsequent heat transfer from the rock to the water. Another public concern has been the potential for creating earthquakes, referred to as “induced seismicity.” But as Altarock highlights using measured data from the Newberry project, EGS stimulations result in « seismicity that is lower than a packed football stadium during a big NFL game ».

Another difference from fracking is that AltaRock is using a closed loop. Once the reservoir is initially charged, no more additional water is needed, and the plants can then produce power for decades.

In Oregon, AltaRock is building one of the most important power plants in the U.S. The company has drilled 3,000 metres into hot dry rock, at 300°C, with almost no permeability at the bottom and used its own technology to create a geothermal reservoir.

The undertaking is not cheap: 40 million dollars are coming from private investors, complemented by a $21.5 million from the Department of Energy. The project is also supported by several university and scientific institutions.

It involves several stages (see image below). The first element involves drilling the initial exploratory and injection well. This well provides information concerning downhole temperatures and is the well into which the water is introduced to fracture the rock and create the geothermal reservoir. Once the reservoir is created, additional vertical production wells are drilled, and they will have connectivity to the first well so that water moves from one to the other. The superheated water (at about 300°C) will rise up the production wells to the surface and the resulting steam will course through a generator to create electricity.

At this point, the Newberry Volcano project has already seen completion of the injection well, stimulation of the resource, and the creation of permeability. The next step is to drill the producer wells that will have ‘communication’ with the water injected into the first well, creating the closed loop network.

Enhanced geothermal can be a critical technology in meeting the U.S. future electric energy requirements. And it can be located all across the country.

Sources : Forbes.com & The Oregonian.

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Source: AltaRock

Exploitation de l’énergie géothermique près du volcan Newberry (Oregon / Etats Unis)

Il y a quelques mois, j’avais fait part sur ce blog d’un projet d’exploitation de l’énergie géothermique dans le secteur du volcan Newberry dans l’Oregon. Un tel projet avait alors déclenché de nombreuses protestations car la région est potentiellement active d’un point de vue volcanique et sismique et le projet présentait donc des risques évidents.

Le profit guidant toutes les initiatives de ce type, le projet est en passe de se réaliser, malgré les réserves émises par les autorités locales et certains scientifiques. En effet, la dernière éruption du Newberry remonte à seulement 1400 ans et l’USGS a indiqué que d’autres éruptions étaient susceptibles de se produire.

Les sociétés AltaRock Energy et Davenport Newberry viennent donc de recevoir le feu vert pour effectuer des fracturations de roches en bordure du Newberry. L’opération consiste à injecter de l’eau sous très haute pression dans des fractures jusqu’à 3 kilomètres de profondeur. Il se produit alors une fracturation des veines de roches qui permet d’accéder à la chaleur enfermée en dessous. On obtient ainsi une interconnexion entre plusieurs réservoirs géothermiques. L’eau est ensuite introduite dans ces réservoirs et la chaleur la transforme en vapeur dont la pression actionne des turbines en surface afin de produire de l’électricité.

La fracturation est une technique employée pour extraire les énergies fossiles. Elle cause souvent des controverses comme on a pu le voir récemment en France à propos des gaz de schistes. Dans une zone volcanique comme celle du Newberry, on craint que la fracturation déclenche des séismes mais des études conduites par la Royal Society et la Royal Academy of Engineering indiquent que « les séismes sont peu probables si les sociétés utilisent  les meilleurs moyens et respectent les procédures en vigueur ». On appréciera les nuances !

Si le projet rencontre le succès espéré, on aura franchi un grand pas en comparaison de l’extraction géothermique classique qui consiste à utiliser la vapeur d’eau chaude sous pression qui s’est accumulée naturellement dans les profondeurs. On peut donner l’exemple de Larderello en Toscane qui utilise cette technologie depuis longtemps.

Selon un rapport publié en 2006, un investissement d’un milliard de dollars aux Etats-Unis sur une période de 15 ans permettra de produire plus de 200 000 mégawatts d’électricité en 2050. A titre de comparaison, le plus puissant réacteur nucléaire français produit 1600 mégawatts.

Il est prévu de mettre en place les réservoirs géothermiques cet automne. On procèdera ensuite au forage des puits de production qui permettront de relier les fractures de roches. On effectuera ensuite des tests pour voir si l’échange de chaleur se produit efficacement et un réseau sismique très sensible sera mis en place afin de vérifier la sécurité du système. Cette phase devrait se terminer en 2014, année où la société Alta Rock espère avoir les preuves que le projet est à la fois performant et rentable.

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Grande coulée l’obsidienne à proximité du Newberry (Photo: C. Grandpey)