La banquise fond. Les glaciers fondent. Dans quelques décennies, la glace sera probablement devenue une curiosité sur notre planète. Pourtant cette glace est précieuse car en s’épaississant, elle garde en mémoire les principaux événements naturels traversés par la Terre. C’est pour conserver cette mémoire que l’UNESCO a lancé le projet international « Mémoire de la glace» qui vise à conserver des carottes de glace extraites de plusieurs glaciers dans le monde.
En se formant sous l’effet des chutes de neige, les glaciers emprisonnent de petites bulles d’air, des bactéries et des impuretés, témoins de l’atmosphère d’il y a plusieurs dizaines, centaines ou milliers d’années. En analysant les glaciers, les scientifiques ont pu établir le lien entre températures et gaz à effet de serre, et ont pu étudier l’évolution de la pollution ou de l’activité industrielle au niveau européen sur une centaine d’années. Par exemple, en 1986, la catastrophe de Tchernobyl (Ukraine) a laissé sa marque dans les glaciers alpins sous la forme d’un pic de césium 137.
En août 2016, des scientifiques français, italiens et russes ont prélevé deux échantillons de plus de 120 mètres de long sur un glacier du Mont Blanc; ils seront conservés dans des containers métalliques en Antarctique. La première carotte a été transportée dans la vallée après un forage de plus de deux jours à 4 300 mètres d’altitude, au col du Dôme. Découpée en 126 segments d’un mètre de long conditionnés dans des caisses isothermes, elle est désormais stockée dans un entrepôt frigorifique près de Grenoble. Une deuxième carotte de 129 mètres de long a été héliportée dans la vallée et présentée à la presse avant de rejoindre le même entrepôt. Une troisième carotte doit être forée par une équipe de scientifiques français, italiens et russes. Une de ces carottes, pesant plusieurs tonnes, sera analysée au laboratoire de Grenoble pour constituer une base de données ouverte à tous les scientifiques. Les deux autres devraient rejoindre à l’horizon 2020 une cave de neige à -54°C de moyenne, sur la base franco-italienne Concordia, en Antarctique. Ainsi, une « banque de glace » sera créée pour les futures générations.
Au printemps 2017, une équipe d’une vingtaine de glaciologues français, russes, brésiliens, américains et boliviens se rendra en Bolivie sur le glacier Illimani, à 6300 mètres d’altitude. Les carottes glaciaires ainsi forées permettront de retracer 18 000 ans d’histoire climatique des Andes. L’équipe scientifique, déjà en pleine préparation, partira en avance pour s’acclimater et produire des globules rouges. Elle sera accompagnée de guides et de porteurs locaux. Si l’expédition du Mont-Blanc a pu profiter d’un hélicoptère, ce mode de transport est impossible sur I’Illimani. En conséquence, les deux tonnes de matériel seront acheminées à dos d’homme, comme les trois tonnes de glace prélevées. En Bolivie, l’équipe scientifique espère notamment trouver des traces des feux de forêt amazonienne, phénomènes qui modifient la chimie de l’atmosphère.
Il y a urgence à effectuer ces prélèvements de glace. En 2016, à cause d’El Niño, la température des glaciers andins a approché 0°C avec des risques que la neige de surface percole et détruise les informations chimiques. Si le réchauffement se poursuit au rythme actuel, on sait déjà que les glaciers culminant sous 3 500 m dans les Alpes et sous 5 400 m dans les Andes auront disparu à la fin du siècle.
Source : Presse internationale.
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The ice cap is melting. The glaciers are melting. In a few decades, ice will probably become a curiosity on our planet. Yet this ice is very precious because while thickening, it keeps in memory the main natural events traversed by the Earth. It is to preserve this memory that UNESCO has launched the international project « Memory of the Ice » which aims to conserve ice cores extracted from several glaciers in the world.
As snow falls, glaciers trap small air bubbles, bacteria and impurities wch are the testimony of the atmosphere tens, hundreds or thousands of years ago. By analyzing the glaciers, scientists were able to establish the link between temperatures and greenhouse gases, and were also able to study the evolution of pollution or industrial activity in Europe over a hundred years. For example, in 1986, the Chernobyl disaster (Ukraine) left its mark in the Alpine glaciers in the form of a peak of cesium 137.
In August 2016, French, Italian and Russian scientists collected two ice cores, more than 120 meters long, from a glacier on Mont Blanc before storing them in metal containers in Antarctica. The first core was lowered into the valley after drilling for more than two days at 4,300 meters above sea level at the Col du Dôme. Sliced into 126 segments, one meter long each, packaged in insulated boxes, they are now stored in a refrigerated warehouse near Grenoble. A second 129-meter-long core was helicopted in the valley and presented to the press before being stored in the same warehouse. A third core will be drilled by a team of French, Italian and Russian scientists. One of these cores, weighing several tons, will be analyzed at the Grenoble laboratory to become a database open to all scientists. The other two cores are expected to reach, by 2020, a snow cave at an average temperature of -54°C on the Franco-Italian Concordia base in Antarctica. Thus, an « ice bank » will be created for future generations.
In the spring of 2017, a team of twenty French, Russian, Brazilian, American and Bolivian glaciologists will travel to Bolivia on the Illimani glacier at an altitude of 6,300 meters. The ice cores drilled there will trace 18,000 years of climatic history of the Andes. The scientific team, already in full preparation, will leave early to acclimatize and produce red blood cells. It will be accompanied by local guides and porters. If the expedition to Mont Blanc could take advantage of a helicopter, this mode of transport is impossible on Ilimani. As a result, the two tons of material will be transported by man, as well as the three tons of ice that will be collected. In Bolivia, the scientific team hopes to find traces of Amazonian forest fires, phenomena that alter the chemistry of the atmosphere.
There is an urgent need for these samples. In 2016, because of El Niño, the temperature of the Andean glaciers approached 0°C, with risks that surface snow might percolate and destroy chemical information. If the warming continues at the current rate, it is already known that the glaciers culminating at 3,500 m in the Alps and 5,400 m in the Andes will have disappeared by the end of the century.
Source: International Press.
Photos: C. Grandpey