Le déchiffrage des papyrus d’Herculanum (suite) // Deciphering the Herculaneum papyri (continued)

J’ai écrit dans plusieurs notes sur ce blog que les scientifiques espèrent pouvoir utiliser à la fois l’intelligence artificielle et l’expertise humaine pour essayer de déchiffrer d’anciens rouleaux de papyrus carbonisés par l’éruption du Vésuve en 79 après J.-C. Des centaines de rouleaux ont été découverts dans les années 1750 dans les vestiges de la Villa des Papyrus, une somptueuse villa à Herculanum. La bibliothèque de la Villa pourrait considérablement enrichir nos connaissances de la pensée antique si les rouleaux pouvaient être déchiffrés.

Photo: C. Grandpey

Depuis plus de 250 ans, les chercheurs et les scientifiques travaillent sur les moyens de déchiffrer les rouleaux, dont la grande majorité est conservée à la Bibliothèque nationale de Naples.
Depuis 2023, un concours, le « Vesuvius Challenge », offre des récompenses en espèces aux chercheurs qui parviendraient à déchiffrer les rouleaux grâce aux nouvelles technologies.
Le 5 février 2025, une « avancée historique » a été annoncée : les chercheurs avaient réussi à générer la première image de l’intérieur de l’un des trois rouleaux conservés à la Bodleian Library de l’Université d’Oxford. Le cofondateur du Vesuvius Challenge a déclaré que les organisateurs étaient « enthousiastes devant l’imagerie réussie de ce rouleau. […] Il contient plus de texte récupérable que nous n’en avons jamais vu dans un rouleau d’Herculanum. »
Le rouleau a été numérisé par Diamond Light Source, un laboratoire de Harwell, près d’Oxford, qui utilise un accélérateur de particules, le synchrotron, pour créer un rayon X extrêmement puissant. Les scientifiques ont ensuite utilisé l’IA pour reconstituer les images, rechercher l’encre qui révèle où il y a de l’écriture, et améliorer la clarté du texte. Le processus a permis d’obtenir une image 3D du parchemin. Elle a permis aux scientifiques de le dérouler virtuellement, en utilisant un processus baptisé ‘segmentation’ .
Cependant, l’IA a ses limites. Seules quelques parties du texte ont été déchiffrées jusqu’à présent. L’un des rares mots à avoir été déchiffré est le mot grec ancien pour « dégoût ». L’un des chercheurs a déclaré : « Nous sommes encore au début d’un long processus. Nous avons besoin de meilleures images, et nous sommes très positifs et très confiants quant au fait que nous pouvons encore améliorer la qualité de l’image et la lisibilité du texte. »

Source :presse internationale.

Cette image montre une radiographie d’une partie du papyrus PHerc.172, montrant le mot « dégoût ». C’est l’un des parchemins, trouvés avec des centaines d’autres, parmi les vestiges d’une somptueuse villa à Herculanum; elle a probablement appartenu à Pison, beau-père de Jules César. (Source : Vesuvius Challenge)

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I have written in several posts that scientists hope to use a mix of artificial intelligence and human expertise to decipher ancient papyrus scrolls carbonized by the eruption of Mount Vesuvius in 79 A.D. Hundreds of scrolls were found in the 1750s in the remains of the Villa of the Papyri, a lavish villa at Herculaneum. The library the Villa has the potential to add immeasurably to knowledge of ancient thought if the scrolls could be read.

Scholars and scientists have worked for more than 250 years on ways to decipher the scrolls, the vast majority of which are held in the National Library of Naples.

In 2023, a scientific competition, the “Vesuvius Challenge”, offered cash rewards for efforts to decipher the scrolls with the new technologies.

On February 5th, 2025,, the challenge announced a “historic breakthrough,” saying researchers had managed to generate the first image of the inside of one of the three scrolls held at Oxford University’s Bodleian Library. The co-founder of the Vesuvius Challenge said the organizers were “thrilled with the successful imaging of this scroll. […] It contains more recoverable text than we have ever seen in a scanned Herculaneum scroll.”

The scroll was scanned by Diamond Light Source, a lab at Harwell, near Oxford, that uses a particle accelerator known as a synchrotron to create an intensely powerful X-ray. Scientists then used AI to piece together the images, search for ink that reveals where there is writing, and enhance the clarity of the text. The process led to a 3D image of the scroll that allowed experts to unroll it virtually, using a process called segmentation.

However, AI has its limits. Little of the text has been deciphered so far. One of the few words that has been made out is the ancient Greek for “disgust.” One of the researchers said : “We are still at the beginning of a long process. We need better images, and we are very positive and very confident that we can still improve the image quality and the legibility of the text.”

Source : international news media.

De l’eau sous la Chaîne des Cascades (États Unis) // Water beneath the Cascade Range (United States)

Des scientifiques de l’Université de l’Oregon ont découvert un vaste aquifère souterrain sous la Chaîne des Cascades au niveau de l’Oregon. Il contiendrait au moins 81 kilomètres cubes d’eau, soit près de trois fois la capacité du lac Mead qui alimente la Californie, l’Arizona et le Nevada.
Les chercheurs affirment que ce vaste réservoir stocké à l’intérieur de la roche volcanique aura des implications sur les ressources en eau au niveau régional et conduira à une nouvelle approche des risques volcaniques.

 

Vue de la Chaîne des Cascades aux États Unis (Source : USGS)

Le réservoir est stocké dans les roches au sommet des montagnes et ressemble à un grand château d’eau. Cette eau provient de l’infiltration des eaux de pluies et de fonte grâce à la porosité des roches volcaniques. L’étude ajoute que cet aquifère joue un rôle important dans l’hydrologie régionale et l’activité volcanique.
La Chaîne des Cascades a été façonnée par des processus volcaniques pendant des millions d’années avec des coulées de lave poreuses qui permettent une circulation d’eau en profondeur. Les chercheurs pensent que ce système de stockage d’eau pourrait sur le long terme atténuer, au moins pendant un certain temps, les effets du réchauffement climatique sur la disponibilité de l’eau. En effet, de nombreuses localités de l’Oregon dépendent des Cascades pour leur alimentation en eau.
Des analyses plus poussées des formations géologiques montrent que des aquifères semblables pourraient exister dans d’autres régions volcaniques. La présence d’un système d’eau souterraine aussi vaste pourrait avoir des conséquences sur les risques volcaniques. Les éruptions pourraient devenir plus explosives dans le cas d’une interaction du magma avec les eaux souterraines. Au final, cette situation pourrait accroître le risque volcanique le long de la chaîne des Cascades. Les modèles géologiques révèlent que l’eau stockée dans les roches volcaniques pourrait altérer la stabilité des chambres magmatiques. L’interaction entre le magma à haute température et l’eau sous pression a été associée à une activité volcanique explosive dans le passé. Les chercheurs insistent sur la nécessité de surveiller en permanence les niveaux d’eau et l’activité sismique dans la région des Cascades pour évaluer les risques potentiels.
La découverte de cet aquifère pourrait permettre de lutter contre les pénuries d’eau lors des périodes de sécheresse et lorsque la couche de neige est insuffisante. Les scientifiques estiment que l’aquifère prendra probablement des décennies pour se recharger complètement par des processus naturels. Une gestion prudente est donc essentielle.
Les hydrologues et les décideurs politiques évaluent actuellement la meilleure façon d’utiliser cette nouvelle source d’eau. Les applications potentielles comprennent l’approvisionnement en eau des zones habitées, l’irrigation des terres agricoles et le maintien de la stabilité des écosystèmes.
Des recherches sont en cours pour déterminer comment l’extraction de cette eau pourrait affecter les systèmes d’eaux souterraines. Il faut s’assurer que le pompage à long terme n’épuise pas le réservoir plus rapidement qu’il se reconstitue.
Référence :
State shifts in the deep Critical Zone drive landscape evolution in volcanic terrains, Leif Karlstrom, Nathaniel Klema, Gordon E. Grant et Daniele McKay, PNAS – https://doi.org/10.1073/pnas.2415155122

Source : The Watchers. 

Le mont Hood, le mont Jefferson et Crater Lake sont quelques uns des volcans de l’Oregon (Photo; C. Grandpey)

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Scientists from the University of Oregon have discovered a vast underground aquifer beneath Oregon’s Cascade Range, storing at least 81 cubic kilometers of water, which is nearly 3 times the capacity of Lake Mead that supplies water to California, Arizona, and Nevada.

Researchers say this vast water reservoir stored within volcanic rock has implications for regional water resources and volcanic hazards.

The lake is stored in the rocks at the top of the mountains, like a big water tower. The water comes from the infiltration of melt water thanks to the porosity of the volcanic rocks. The study indicates that this aquifer plays an important role in regional hydrology and volcanic activity.

The Cascade Range has been shaped by volcanic processes over millions of years and created porous lava flows that allow deep water circulation. Researchers believe this water storage system could serve as a long-term reservoir and mitigate, at least for some time, the effects of global warmingon water availability. Indeed, many communities in Oregon depend on water from the Cascades.

Further analysis of geological formations suggests that similar aquifers may exist in other volcanic regions. The presence of such a large underground water system might have implications for volcanic hazards. Eruptions could become more explosive when magma interacts with groundwater and increases the risks posed by Cascade Range volcanoes. Geological models indicate that water stored within volcanic rocks could alter the stability of magma chambers. The interaction between hot magma and pressurized water has been associated with explosive volcanic activity in the past. Researchers focus on the need for continued monitoring of both water levels and seismic activity in the Cascade region to assess potential risks.

The discovery of this aquifer could provide an important buffer against water shortages with increasing droughts and declining snowpack levels. Scientists estimate that the aquifer may take decades to fully recharge through natural processes and this makes careful management essential.

Hydrologists and policymakers are now evaluating how best to utilize this newly discovered water source. Potential applications include augmenting municipal water supplies, supporting agricultural irrigation, and maintaining ecosystem stability.

Research is ongoing to determine how extraction might affect groundwater systems and whether long-term pumping could deplete the reservoir faster than it can be replenished.

Reference:

State shifts in the deep Critical Zone drive landscape evolution in volcanic terrains, Leif Karlstrom, Nathaniel Klema, Gordon E. Grant, and Daniele McKay, PNAS – https://doi.org/10.1073/pnas.2415155122

Source : The Watchers.

Islande : Nouvelles de l’éruption. L’efficacité des digues de terre // Iceland: News of the eruption. The effectiveness of earth dikes

L’éruption se poursuit ce matin (23 novembre 2024). Alors que trois zones étaient actives hier le long de la fissure éruptive entre Stóra-Skógfell et Sýlingarfell, la webcam ne montre que deux bouches actives ce matin (voir image ci-dessous).
La lave de la bouche centrale d’hier coule principalement vers l’ouest. La lave des parties sud et nord de la fissure se dirige principalement vers l’est mais ne représente aucune menace pour les infrastructures. Près des digues de protection de Svartsengi, l’avancée de la lave a considérablement ralenti. Ayant rencontré des obstacles sur le terrain, elle s’étale vers le nord et s’épaissit. Le Met Office ajoute que le débit de lave au niveau de la fissure éruptive a considérablement diminué.
Le sol continue de s’affaisser à Svartsengi, ce qui correspond à l’évacuation du magma de magma de l’éruption. Environ 10 millions de mètres cubes de magma ont été émis au cours des premières heures, ce qui représente environ la moitié du volume accumulé dans la chambre magmatique depuis la dernière éruption. Le schéma d’affaissement de Svartsengi est semblable à celui observé lors des phases initiales des deux dernières éruptions. L’affaissement du terrain se poursuivra tant que l’injection de magma du réservoir vers la fissure éruptive restera significative.
Source : Met Office.

L’accès au site de l’éruption est actuellement interdit et contrôlé par la police. Ne vous précipitez donc pas pour acheter des billets d’avion.

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On a pu le constater lors des éruptions des dernières années : les digues de terre, aussi appelées murs de défense, se sont révélées très efficaces pour arrêter ou détourner les coulées de lave en Islande.
La coulée de lave qui avance actuellement le long de ces remparts de terre et qui a recouvert le parking du Blue Lagoon le 21 novembre a atteint un obstacle naturel juste au sud de l’endroit où se trouvaient le parking et commence à se diriger vers l’ouest. Sans les digues de terre, le Blue Lagoon n’existerait plus. Selon les modélisations de la lave, la coulée principaleva probablement continuer à se diriger et s’épandre vers l’ouest, mais il n’y a pas d’infrastructures à cet endroit.

Cette image montre l’efficacité des digues de terre pour éviter que la lave atteigne le Blue Lagoon (Source : Landsnet, distributeur d’électricité à Reykjavik)

Les murs de défense et les colmatages d’ouvertures qui ont été réalisés le 21 novembre semblent avoir tenu le coup. Des travaux sont en cours pour renforcer les digues dans les endroits où des espaces avaient été ménagés pour permettre aux véhicules de circuler. Ces ouvertures ont été colmatées dès que la lave est devenue menaçante.
L’un des responsables de l’édification des murs de défense a déclaré avec satisfaction : « Ils ont tenu comme prévu. » Il a ajouté que les ouvertures pratiquées sur la Bláalónsvegur et sur le parking du Blue Lagoon ont été refermées. « Il n’y a plus de danger que la lave entre, mais nous sommes en train de rehausser et de renforcer la fermeture de la digue pour nous en assurer. » Il y a au moins quatre pelleteuses et un bulldozer à l’oeuvre sur place. Tous ces équipements sont très puissants, et il n’est guère possible d’utiliser davantage d’engins.

Engins à l’oeuvre lors de l’édification des digues de terre (Source : Iceland Monitor)

Les responsables de l’édification des digues de terre expliquent que leur renforcement était une sage décision car la lave de cette éruption est très fluide et avance rapidement. On s’attendait à une telle situation et les préparatifs ont été faits en conséquence. Cela supposait une réponse plus rapide cette fois-ci que lors des éruptions précédentes.
Les ouvriers qui ont édifié les murs de défense vont maintenant attendre et voir comment se déroulera l’éruption. Lorsque les éruptions précédentes se sont terminées, ils ont travaillé à rétablir des routes sur les nouvelles coulées de lave. Cela prend généralement environ une à deux semaines à partir de la fin de l’éruption. Il faut attendre qu’il soit possible d’introduire des équipements de construction dans la lave. Cela dépend de l’épaisseur ou de la consistance de cette dernière.
Source : Iceland Monitor.

Avec les murs de défense prêts à affronter la lave, le seul risque pour la centrale de Svartsengi et le Blue Lagoon est que de nouvelles fissures éruptives s’ouvrent au-delà de ces protections, à proximité des infrastructures, comme cela s’est produit à Grindavik en janvier 2024, avec la destruction de plusieurs maisons.

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The eruption continues this morning (November 23rd, 2024). While three areas were active yesterday along the eruptive fissure between Stóra-Skógfell and Sýlingarfell, the webcam only shows two active vents this morning.

The lava from yesterday’s central vent is flowing primarily westward. Lava from the southern and northern parts of the fissure flows predominantly eastward but poses no threat to infrastructure. Near the protective barriers at Svartsengi, the lava’s advance has slowed significantly. Having encountered obstacles in the terrain, it is spreading northward from the barriers and thickening. The Met Office adds that the lava flow from the eruptive fissure has decreased considerably.

Land continues to subside at Svartsengi, consistent with significant magma outflow to the eruption. Approximately 10 million cubic meters of magma erupted during the first few hours, representing about half of the volume that had accumulated in the magma chamber since the last eruption. The pattern of subsidence at Svartsengi is similar to what was observed during the initial phases of the last two eruptions. Land subsidence is expected to continue as long as the injection of magma from the reservoir towards the eruptive fissure remains high.

Source : Met Office.

Access to the eruption is currently forbidden and controlled by the police. Don’t rush to buy plane tickets.

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We could see it during the eruptions of the past years : earth barriers, also called defense walls, proved very efficient to stop or divert the lava flows in Iceland.

The lava flow that is now advancing along the defense walls and crossed the parking lot at the Blue Lagoon on November 21st has reached a natural threshold just south of where the parking lots were and are starting to flow to the west. Without the defense walls, the Blue Lagoon would no longer exist. According to lava flow models, the lava will likely continue to spread west, but there are no infrastructures there.

The defense walls and the fills that were worked on on November 21st appear to have held, but work is underway to raise the fills in the gaps in the defense walls. These fills were left during the building of the barriers to allow vehicles to move around. They were closed as soon as lava became a threat.

One of the supervisors of the defense walls said with satisfaction : « They have held as expected. » He added that the gaps on Bláalónsvegur Road and at the lagoon’s parking lot have been closed. « There is no danger now that the lava flow will enter, but we are, however, raising and strengthening the closure to make sure. » There are at least four excavators and a bulldozer on site. All of these are very large and powerful pieces of equipment, and it is not possible to bring many more machines.

The strengthening of the defense walls was a wise decision because the lava from this eruption is very fluid and flows quickly. People had assumed that this situation could happen and the preparations were made accordingly. This means that the response had to be faster this time than often before.

The workers on the defense walls are now going to wait and see how the eruption will proceed. When previous eruptions ended, they worked to build roads over the newly flowed lava. This generally takes about 1-2 weeks from the end of the eruption until it is possible to take construction equipment into the lava. It depends on how thick or thin the lava is.

Source : Iceland Monitor.

With the defense walls ready to face the lava, the only risk for the Svartsengi power station and the Blue Lagoon is if new eruptive fissures open beyond the defense walls, close to the infrastructures, as this happered in Grindavik in January 2024, burning several houses.