Étrangement, nous ne sommes pas capables de prédire les séismes ou les éruptions volcaniques, mais nous pouvons expliquer pourquoi et comment ces événements naturels se sont produits. Une nouvelle étude tente d’expliquer la cause de la sismicité qui a déclenché une vague de panique à Santorin début 2025.

Source: NASA
Fin janvier 2025, une importante crise sismique a touché les îles grecques de Santorin, Amorgos et Anafi. Ces îles de la mer Égée ont connu une série d’essaims comprenant plus de 28 000 événements, dont plusieurs d’une magnitude supérieure à M5.0. Les habitants de Santorin craignaient une violente éruption volcanique. Nombre d’entre eux ont décidé de fuir et de se réfugier en lieu sûr. Au bout d’environ un mois, la crise sismique s’est terminée sans dégâts majeurs.

Source : TW/SAM, Google
Aujourd’hui, les scientifiques pensent avoir trouvé le coupable : il semble qu’un dyke magmatique se soit rapidement élevé des profondeurs de la croûte terrestre et ait déclenché l’essaim sismique du mois de janvier. Publiée en septembre 2025 dans la revue Nature, l’étude révèle également un lien surprenant entre Santorin et Kolumbo, un volcan sous-marin situé non loin de l’île et initialement suspecté d’être à l’origine de la crise sismique.

Source: Nature
Grâce à de nouveaux instruments et à l’intelligence artificielle, les scientifiques sont désormais en mesure de suivre le mouvement du magma sous la région, ce qui leur permettra de mieux évaluer le risque éruptif la prochaine fois que ces îles connaîtront une nouvelle crise sismique.
On sait que cette partie de la mer Égée a une histoire volcanique explosive. Une méga-éruption en 1560 av. J.-C. a anéanti la civilisation minoenne. De son côté, le volcan Kolumbo, tapi sous l’eau à un peu plus de six kilomètres au nord-est de Santorin, constitue également une menace pour la région. En 1650, une explosion a déclenché d’importants tsunamis et généré une brume de gaz nocif pouvant être mortel.
Santorin et Kolumbo sont tous deux des systèmes volcaniques actifs, susceptibles d’entrer à nouveau en éruption un jour ou l’autre. C’est pourquoi les habitants de Santorin, d’Amorgos et d’Anafi ont craint le pire lorsque la terre a commencé à trembler au début de cette année.
Alors que de nombreux habitants fuyaient Santorin, les scientifiques essayaient de déterminer la cause de la crise sismique. Ils ont été surpris de constater que les séismes s’éloignaient rapidement de Santorin et se propageaient vers l’est, en se concentrant dans une zone de failles à proximité, et non sous des volcans connus. Les scientifiques ne savaient pas s’il s’agissait d’un événement magmatique ou tectonique.
Heureusement, certains de leurs collègues surveillaient déjà Santorin et Kolumbo. MULTI-MAREX, un projet interdisciplinaire germano-grec visant à transformer la région en laboratoire scientifique, était pleinement opérationnel lorsque la forte sismicité a commencé. Des capteurs avaient été déployés à l’intérieur du cratère du Kolumbo où ils ont détecté des signaux sismiques et des variations de pression provenant du fond marin. L’équipe scientifique a également utilisé des satellites équipés de radars capables de suivre les moindres déformations de la région, ainsi que des stations GPS terrestres et des détecteurs de gaz volcaniques. Les chercheurs ont même utilisé une forme d’intelligence artificielle avec des programmes d’apprentissage automatique conçus à partir de décennies de données sismiques. Ces programmes sont capables identifier les moindres séismes et de localiser précisément leur origine dans la croûte terrestre.
De juillet 2024 à janvier 2025, avant la crise sismique, les données ont montré que Santorin s’était légèrement soulevée, avec une hausse des émissions de dioxyde de carbone et d’hydrogène, signe qu’un nouveau magma entrait dans le réservoir magmatique peu profond. Cette situation est souvent passée inaperçue à l’époque. C’est pourtant à ce moment-là que l’essaim sismique a commencé.
De fin janvier à fin février, la sismicité a migré de Santorin vers les eaux au sud de Kolumbo. La source se trouvait à une profondeur de 18 kilomètres et la sismicité a progressé jusqu’à un peu moins de 3 kilomètres de la surface en quelques semaines seulement. Les instruments ont révélé que cette activité sismique était liée à un dyke magmatique d’environ 13 km de long qui remontait vers la surface. Au cours de son ascension, le magma a brisé des kilomètres de roches et a exercé une pression sur une série de failles à proximité, provoquant leur rupture. Au final, l’intrusion magmatique a déclenché une réaction sismique en chaîne, à l’origine des secousses les plus fortes observées sur l’île de Santorin. Simultanément, alors que le dyke s’élevait à travers la croûte, le réservoir magmatique situé sous Santorin et Kolumbo se vidangeait, provoquant l’affaissement des deux volcans.

Source: Nature
L’ascension rapide du dyke faisait craindre que le magma puisse atteindre les fonds marins et provoquer une activité explosive. Heureusement, le dyke a stoppé son ascension, probablement à cause d’une alimentation insuffisante (son volume est estimé à environ 0,31 km³), ce qui a mis fin à la crise sismique.
Cependant, si l’intrusion magmatique a pris fin prématurément cette fois, d’autres pourraient ne pas faire de même. À l’avenir, une meilleures compréhension du système d’alimentation magmatique permettra aux chercheurs de suivre le magma en temps réel et d’alerter les habitants en cas de risque d’éruption.
Source : Nature.
NB : Un visiteur de mon blog précise que la contribution française à cette étude a été primordiale. Les deux chercheurs les plus impliqués étaient Nikolai Shapiro, Directeur de recherches au CNRS et Florent Brenguier, Physicien des observatoires. Ils sont tous les deux enseignants-chercheurs à l’Institut des Sciences de la Terre de Grenoble. Ce travail a aussi fait l’objet d’un article dans le journal « Le Monde » du samedi 27 septembre 2025.
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Strangely, we are not able to predict earthquakes or volcanic eruptions, but we are able to explain why these natural events occurred. A new study tried to explain the cause of the seismicity that triggered a wave of panic in Santoriny early in 2025.
In late January 2025, a significant seismic crisis affected theGreek islands of Santorini, Amorgos, and Anafi. These Aegean islands experienced a series of swarms including over 28,000 events, among which several had magnitudes above M5.0. Locals on Santorini feared that a violent volcanic eruption might occur. Many local residents decided to flee and go and live in a safet place.
After about a month, the seismic crisis ended without incident. Today, scientists think they have found the culprit : it looks as if a sheet of magma rapidly rose from the depths of the Earth’s crust and triggered the seismic swarm.
Published in September 2025 in the journal Nature, a study also revealed a surprising connection between Santorini and Kolumbo, a submarine volcano not far from the island and which was initially suspected to be the cause of the seismic crisis. .
Thanks to a new instruments and artificial intelligence, scientists now know they can track the movement of magma beneath the region, which allows them to better forecast the likelihood of an eruption the next time these islands begin to shake.
It is well known that this part of the Aegean Sea has an explosive volcanic history.a Mega eruption in 1560 B.C.wiped outa civilization. Kolumbo, hiding underwater just over six kilometers to the northeast, is also a threat to the region. In 1650, an explosion there triggered tall tsunamis and released a deadly haze of noxious gas.
Both Santorini and Kolumbo are active volcanic systems, likely to erupt again someday. This is why the residents of Santorini, Amorgos, and Anafi feared the worst when the earth started to shake earlier this year.
As many of its residents fled Santorini, scientists scrambled to work out what was causing the seismic crisis. Surprisingly, the quakes quickly moved away from Santorini and offshore to the east, clustering within a nearby fault zone and not beneath any known volcanoes.Scientists did not know whether it was magmatic or tectonic. Luckily, scientists were already monitoring Santorini and Kolumbo. In particular, the MULTI-MAREX project, a German-Greek-led interdisciplinary effort to turn the region into a natural scientific laboratory, was fully operating when the quakes began.
Sensors had been deployed within the Kolumbo’s crater and detected seismic signals and pressure changes from the seafloor. The team also used radar-equipped satellites able to track the subtle shifts in the shape of the region, as well as GPS ground stations and volcanic gas detectors. They even deployed a form of artificial intelligence: machine learning programs trained on decades of seismic data. These programs could identify the smallest earthquakes and pinpoint exactly where in the crust they were coming from.
From July 2024 to January 2025, prior to the seismic crisis, the data showed that Santorini uplifted slightly, and more carbon dioxide and hydrogen gas leaked out of its roof, indicating that new magma was filling up its own shallow magma reservoir. This situation went largely unnoticed. Then the seismic swarm began.
From late January to the end of February, the seismicity migrated from Santorini to below the waters south of Kolumbo. They started at a depth of 18 kilometers and rose to just under 3 kilometers below the surface in just a few weeks.
The instruments revealed that a dike of magma was rushing to the surface. As it did so, it smashed through kilometers of brittle rock and put pressure on a series of nearby faults, causing them to rupture. In short, the dike intrusion set off a chain reaction, and this was what generated the stronger shaking experienced on the island.
Simultaneously, as the dike rose through the crust, the magma reservoir below both Santorini and Kolumbo shrank as its own molten rock was escaping. This caused both volcanoes to subside.
The dike’s rapid ascent meant that magma might reach the shallow seafloor and cause some explosive activity. Fortunately, the dike stopped its ascent, and the crisis came to an end. There probably was not enough magma in the dike so that it was unable to reach the surface. Its volume is estimated at approximately 0.31 cubic kilometers.
However, while this intrusion ended prematurely, others might not. And in the future sketching out other aspects of the plumbing system will help researchers track dangerous magma in real time and warn locals.
Source : Nature.