Au début du 20ème siècle, on soupçonnait que la concentration de CO2 atmosphérique pouvait augmenter en raison de la combustion des combustibles fossiles. Cependant, les mesures de ce gaz étaient relativement peu nombreuses et elles variaient considérablement.
En 1953, Charles David Keeling, un chercheur californien, s’est impliqué dans un projet étudiant les équilibres entre le carbonate dans les eaux de surface, le calcaire et le CO2 atmosphérique. Il a constaté des variations significatives dans les concentrations de CO2 à Pasadena, probablement dues à l’industrie, et a ensuite transféré son équipement d’échantillonnage à Big Sur, près de Monterey. Là, il a commencé à prélever des échantillons d’air tout au long de la journée et de la nuit et a rapidement détecté une tendance diurne assez déconcertante. L’air contenait plus de CO2 la nuit que pendant la journée et, après correction des effets de la vapeur d’eau, il y avait à peu près la même quantité de CO2 chaque après-midi, soit 310 ppm. Il a répété ces mesures dans les forêts tropicales de la péninsule Olympique et les forêts de haute montagne de l’Arizona. Partout, les résultats étaient les mêmes : un fort comportement diurne avec des valeurs stables d’environ 310 ppm l’après-midi. La nuit, la concentration de CO2 était fortement influencée par la respiration des plantes et des sols.
En 1956, les mesures de Charles Keeling ont attiré l’attention des chercheurs de la Scripps Institution of Oceanography. Keeling a proposé un programme d’ampleur mondiale basé sur des analyseurs de gaz infrarouges pour mesurer la concentration atmosphérique de CO2 dans plusieurs endroits isolés du monde, notamment la station du pôle Sud et le Mauna Loa à Hawaï. Keeling a acheté quatre analyseurs de gaz infrarouges. L’un d’eux a été installé sur le Mauna Loa en mars 1958 et, le premier jour de fonctionnement, l’instrument a enregistré une concentration atmosphérique de CO2 de 313 ppm. À la surprise de Charles Keeling, la concentration de CO2 au Mauna Loa avait augmenté de 1 ppm en avril 1958 pour atteindre un maximum en mai, puis a commencé à diminuer pour atteindre un minimum en octobre. Après cela, la concentration a de nouveau augmenté et a répété le même schéma saisonnier en 1959. Les climatologues ont observé pour la première fois que la nature prélevait du CO2 de l’air pour la croissance des plantes pendant l’été et le restituait chaque hiver suivant. En 1959, la concentration moyenne avait augmenté et avait encore augmenté en 1960. Charles Keeling avait ainsi fait deux découvertes spectaculaires : celle de la « respiration » saisonnière naturelle de la planète et celle de l’augmentation du CO2 atmosphérique due à la combustion de combustibles fossiles par l’industrie.

Observatoire du Mauna Loa (Photo : C. Grandpey)
Au début des années 1970, cette courbe a suscité une attention particulière et a joué un rôle clé dans le lancement d’un programme de recherche sur l’effet de l’augmentation du CO2 sur le climat. Depuis lors, l’augmentation est inexorable et montre une relation remarquablement constante avec la combustion de combustibles fossiles.
Les données du Mauna Loa peuvent désormais être replacées dans le contexte des variations du CO2 au cours des 400 000 dernières années, sur la base de reconstitutions à partir de carottes de glace polaire. Pendant les périodes glaciaires, les niveaux de CO2 étaient d’environ 200 ppm, et pendant les périodes interglaciaires plus chaudes, les niveaux étaient d’environ 280 ppm.
À l’avenir, si le taux de combustion des combustibles fossiles continue d’augmenter selon une trajectoire régulière, le CO2 pourrait vite atteindre des niveaux de l’ordre de 1 500 ppm.

Source : Scripps Instiyution of Ocaeanography
Confirmant ce que j’ai écrit sur le « saccage climatique » du président Trump, la NOAA craint que les coupes budgétaires de l’Administration affectent gravement les mesures de CO2. Les concentrations de gaz en 2024 ont atteint des niveaux record, et la tendance se poursuit en 2025.
Aujourd’hui, le fils de Charles David Keeling, le professeur Ralph Keeling, poursuit les travaux de son père en analysant des échantillons d’air prélevés partout dans le monde dans des ballons de verre de la taille des ballons de volley-ball. Ce qui l’inquiète le plus, ce sont les coupes budgétaires prévues par l’administration Trump, qui réduiraient considérablement la recherche climatique à la NOAA, notamment la collecte continue d’échantillons de CO2. « Ce serait un coup dur si ces travaux cessaient », a déclaré Ralph Keeling. « Pas seulement pour moi personnellement, mais pour la communauté scientifique et pour le monde entier. »
Source : CBS News, NOAA, Scripps Institution.

Concentrations de CO2 le 9 mai 2025. On se rend compte que les concentrations ont augmenté de 7 ppm en un an pour atteindre un niveau record de plus de 430 ppm! (Source : Scripps Institution of Oceanography)
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In the first part of the 20th century it was suspected that the concentration of atmospheric CO2 might be increasing in the atmosphere due to fossil fuel combustion. However there were relatively few measurements of this gas and they varied widely.
In 1953 Charles David Keeling became involved in a project investigating the equilibria between carbonate in surface waters, limestone and atmospheric CO2. He found significant variations in CO2 concentration in Pasadena, probably due to industry, and later took his sampling equipment to Big Sur near Monterey. There he began to take air samples throughout the day and night and soon detected an intriguing diurnal pattern. The air contained more CO2 at night than during the day and after correcting for the effects of water vapor, had about the same amount of CO2 every afternoon, 310 ppm. He repeated these measurements in the rain forests of Olympic peninsula and high mountain forests in Arizona. Everywhere the data were the same: strong diurnal behaviour with steady values of about 310 ppm in the afternoon. At night time, the CO2 concentration was heavily influenced by respiration from local plants and soils.
In 1956 Charles Keeling’s measurements came to the attention of researchers at Scripps Institution of Oceanography. Keeling proposed a global program based on infrared gas analyzers to measure the atmospheric CO2 concentration at several remote locations around the world including the South Pole station and at Mauna Loa in Hawaii. Keeling bought four infrared gas analyzers. One of these was installed at Mauna Loa in March 1958 and on the first day of operation recorded an atmospheric CO2 concentration of 313 ppm. To Charles Keeling’s surprise, however, the CO2 concentration at Mauna Loa had risen by 1ppm in April 1958 to a maximum in May when it began to decline reaching a minimum in October. After this the concentration increased again and repeated the same seasonal pattern in 1959. Climate scientists were witnessing for the first time nature’s withdrawing CO2 from the air for plant growth during summer and returning it each succeeding winter. In 1959 the average concentration had increased and increased still further in 1960. Charles Keeling had thus made two dramatic discoveries: Firstly, of the natural seasonal “breathing” of the planet and secondly, of the rise in atmospheric CO2 due to the combustion of fossil fuels by industry.
By the early 1970s this curve was getting serious attention, and played a key role in launching a research program into the effect of rising CO2 on climate. Since then, the rise has been relentless and shows a remarkably constant relationship with fossil-fuel burning.
The Mauna Loa record can now be placed in the context of the variations in CO2 over the past 400,000 years, based on reconstructions from polar ice cores. During ice ages, the CO2 levels were around 200 ppm, and during the warmer interglacial periods, the levels were around 280 ppm.
Looking ahead, if the rate of fossil-fuel burning continues to rise on a regular trajectory, CO2 will continue to rise to levels of order 1500 ppm.
Confirming what I wrote about President Trump’s « climate rampage », NOAA fears that the Administration budget cuts might severely affect CO2 measurements. The gas concentrations in 2024 were higher than ever before in recorded history, and the trend is continuing in 2025.
Today, Charles David Keeling’s son, Professor Ralph Keeling continues his father’s work, analyzing air samples collected from around the planet inside volleyball-like flasks. He recently said : « The headline, sadly, is the same every year, is that we keep breaking records. And it’s concerning. » What also concerns him are cuts proposed by the Trump Administration that would slash climate research at NOAA, such as the ongoing collection of CO2 samples. « It would be a big blow if that work stopped, » Ralph Keeling said. « Not just for me personally, but for the community and for the world at large. »
Source : CBS News, NOAA, Scripps Institution.
Merci pour cet article très intéressant sur la courbe de Kelling!
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C’est vrai que c’est tentant. S’il y avait 10 heures vol de moins, peut-être que j’irais y faire un tour. J’ai un permis de travail (renouvelable) sur le Kilauea obtenu par la présentation des travaux que j’ai effectués sur l’Etna et le Stromboli. Les Ricains et l’USGS sont beaucoup plus ouverts que les Français et l’IPGP pour accorder des autorisations qui, comme tu le dis, sont restrictives. Malgré mes relations avec Ronda Loh, la directrice du Parc National, je n’ai pas réussi à avoir une autorisation d’accès à l’éruption de 2018. Les autorités avaient promis la mise en place d’une plateforme d’observation…qui n’a jamais existé. Donc, pour l’éruption actuelle, on se satisfait des belles images de la webcam en streaming.
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Je ne comprends pas Mr Grandpey passe son temps à nous alerter que le climat se réchauffe, que si on n’agit pas on va vers une catastrophe mondiale.Mais certains envisagent d’aller de l’autre côté de la Terre en avion pour aller voir un volcan en éruption.Des centaines de millions de personnes aimeraient prendre l’avion pour différentes raisons toutes aussi valables. Ou avoir une voiture plus grosse etc…Et donc produire plus de carbone, plus dérégler le climat.Mais ce sont les citoyens de seconde zone, à qui on impose des ZFE et autres contraintes absurdes qui ne changeront rien à l’évolution du climat.Tandis que d’autres voyagent en avion à l’autre bout de la Terre.C’est très dérangeant ce discours d’une partie de la population, qui vit dans le confort en général, et qui veut imposer des normes strictes qui feront souffrir comme d’habitude ceux qui n’ont pas les moyens.Eux peuvent s’acheter des voitures qui ne polluent pas, et bientôt de payer un impot carbone supplémentaire pour les voyages en avion.
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Je connais cette musique. On me la fait entendre au cours de mes conférences sur les glaciers en péril. Ma réponse est facile: contrairement à ce que vous écrivez, je n’impose rien; je fais seulement un constat que j’ai pu établir en me rendant sur place, que ce soit dans l’Arctique ou simplement dans les Alpes. Sans ces observations, personne n’aurait conscience de la catastrophe glaciaire et climatique. DE plus, je prends toujours des vols réguliers qui se feraient, même si je n’étais pas dans les avions. À côté de cela, je demande à ceux qui sont venus assister à ma conférence comment ils sont venus, comment ils vont en vacances, etc, etc. Je suis conscient d’être un privilégié quand je me rends à Hawaï, en Alaska ou en Nouvelle Zélande, mais ce n’est pas avec de l’argent volé. Je me suis crevé la paillasse pour obtenir l’agrégation par concours. Ceux qui sont jaloux n’avaient que se crever de la même façon pour réussir dans le vie. Ils pourraient aujourd’hui, eux aussi, parcourir la planète.
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