Neige, espèce en voie de disparition

Quand j’étais jeune adolescent dans ma Creuse natale, tous les hivers étaient blancs, avec une couche de neige pouvant atteindre plusieurs dizaines de centimètres. Les bonshommes de neige étaient légion. Je n’habitais pourtant pas sur le Plateau de Millevaches, mais en zone de basse altitude dans le nord-ouest du département. À l’École Primaire, les ‘grands’ en classe de Certificat d’études faisaient des glissades dans la cour de l’école, mais leur accès était strictement interdit par les instituteurs aux autres écoliers. Aujourd’hui, ce genre de divertissement a disparu et les professeurs des écoles qui l’autoriseraient risqueraient fort de se faire taper sur les doigts, avec le risque d’une mise en examen !

Météo-France vient ENFIN de reconnaître que « les paysages d’hiver couverts de neige en plaine deviennent une vision de plus en plus rare en France. Depuis environ une dizaine d’années, les épisodes de neige en plaine se font nettement moins nombreux et, lorsqu’ils ont lieu, ils sont souvent de courte durée.) Le graphique ci-dessous montre que le déclin de la neige en plaine a commencé vers 2010. Il faut toutefois se méfier des statistiques globales, car l’enneigement peut varier fortement d’une région de plaine à une autre.

 

Source : Météo-France

Selon Météo-France, « la chute de l’enneigement en plaine est en partie liée à l’augmentation des températures moyennes, une conséquence directe du changement climatique qui affecte notre pays. » Personnellement, je retirerais ‘en partie’ et je parlerais de ‘réchauffement climatique’ plus que de changement. On sait que Météo-France a mis longtemps à admettre, du bout des lèvres, l’existence du réchauffement climatique d’origine anthropique.

Le dernier hiver rigoureux accompagné d’épisodes neigeux significatifs a eu lieu en décembre 2010,

 

Neige en Limousin le 4 décembre 2021 (Photo : C. Grandpey)

Depuis, les hivers enneigés en plaine sont devenus exceptionnels et se limitent souvent à un ou deux épisodes de faible intensité où la neige ne tient généralement que quelques heures, comme ce fut le cas dans la moitié nord de la France il y a quelques jours, alors que la moitié sud bénéficiait de températures remarquablement douces, voire chaudes, pour la saison.

Météo-France ajoute : « Même si une forte variabilité entre les années continue d’être observée, les épisodes de neige en plaine, bien qu’encore présents, deviennent de plus en plus rares et éphémères, ne durant majoritairement que quelques heures. » On pourrait ajouter qu’il en va de même en montagne où les stations de sports d’hiver de basse et moyenne altitude ont intérêt à très rapidement diversifier leurs activités si elles ne veulent pas mettre la clé sous la porte.

Météo-France admet enfin que cette évolution est directement liée à l’augmentation des températures moyennes due au réchauffement climatique. « Pour que la neige puisse tomber en plaine, des conditions de froid sont requises, autant en altitude, qu’au sol. Avec des températures qui tendent à être de plus en plus douces, il devient davantage difficile d’atteindre ces conditions. »

Bien sûr, il peut y avoir des ratés et un hiver rigoureux peut venir s’intercaler entre deux saisons relativement chaudes, mais globalement, il faut s’attendre à voir la neige disparaître totalement en plaine. Selon Météo-France, « les projections climatiques indiquent une réduction continue de la durée d’enneigement en plaine d’ici à la fin du XXIe siècle. En fonction des scénarios d’émissions de gaz à effet de serre, la durée d’enneigement pourrait diminuer de plusieurs semaines, voire devenir quasi inexistante dans certaines régions. » La baisse de ces émissions n’étant pas à l’ordre du jour, il faut s’attendre à voir une diminution régulière des chutes de neige aussi bien en plaine qu’en montagne.

Avec la disparition de la neige, la hausse des températures et l’humidification de l’atmosphère, les épisodes pluvieux deviennent de plus en plus intenses, avec le risque d’inondations, comme on l’a vu ces derniers mois dans plusieurs régions de France.

Météo-France fait très justement remarquer que la baisse de l’enneigement en plaine pose des questions sur notre rapport à l’hiver et a des répercussions économiques et écologiques importantes : tourisme hivernal, recharge des nappes phréatiques et conséquences sur la disponibilité en eau douce, particulièrement lors des périodes de sécheresse estivale.

Il ne fait guère de doute que les souvenirs d’hivers blancs sont en train de se transformer progressivement en images rares .Les prochaines générations devront se contenter des photos laissées par leurs parents et grands-parents pour admirer les beaux paysages du Limousin sous la neige…