Le poids des volcans hawaiiens // The weight of Hawaiian volcanoes

L’État d’Hawaii est l’un des endroits les plus exposés aux séismes aux États-Unis. Contrairement à d’autres Etats comme la Californie où les secousses sont liées au mouvement des plaques tectoniques, la sismicité à Hawaii est à mettre directement en relation avec les volcans.

La sismicité à Hawaii est due à trois causes principales : 1) le mouvement du magma sous les volcans actifs ; 2) le glissement des flancs des volcans le long de la zone entre l’ancienne croûte océanique et les volcans sus-jacents ; 3) la flexion de la croûte terrestre et du manteau supérieur sous le poids des volcans.

Un séisme de M 5.2 lié à la troisième cause s’est produit le 5 juillet 2021 à 5 km au large de la côte nord de Big Island, à 27 kilomètres sous le niveau de la mer. Deux jours plus tard, un événement de M 4.2 a été enregistré sur le côté ouest de la Grande Ile. Les deux séismes étaient probablement liés aux contraintes exercées par le poids énorme des volcans– en particulier le Mauna Loa et le Mauna Kea – sur la croûte et le manteau.

Les contraintes générées par le poids des volcans sont faciles à comprendre. Au fur et à mesure que les volcans hawaiiens entrent en éruption et prennent du volume, ils ajoutent de plus en plus de poids à la surface de la Terre. Cela provoque un fléchissement de la plaque Pacifique, un peu comme le poids des livres fait fléchir une étagère. Un certain poids peut simplement faire fléchir l’étagère, mais un excès de poids peut provoquer sa rupture. Une telle rupture peut se produire si les plaques tectoniques plient et n’arrivent plus à supporter le poids qui les surmonte.

Les séismes causés par ce phénomène peuvent être assez importants ; certains peuvent avoir une magnitude supérieure à M 6.0. Parmi les séismes de flexion de plaque tectonique à Hawaï, on notera le séisme de M 6,8 à Lanai le 19 février 1871, un événement de M 6,8 à Maui le 22 janvier 1938 ou un séisme de M 5,2 à Oahu le 28 juin 1948. Ces séismes sont profonds, généralement entre 25 et 40 km, dans le manteau supérieur sous les volcans et la croûte océanique.

Pour analyser ces séismes, les scientifiques du HVO utilisent généralement les données GPS qui permettent de calculer comment un point spécifique à la surface de la Terre se déplace dans le temps. Le HVO exploite un réseau de plus de 65 stations GPS sur l’île d’Hawaii. Elles permettent de surveiller et suivre des mouvements extrêmement faibles à la surface de la Terre, y compris certains déplacements liés à la contrainte de flexion des plaques.

Pour améliorer la compréhension scientifique de la flexion des plaques dans l’archipel hawaiien, 7 nouveaux sites GPS sont en cours d’équipement sur les îles d’Hawaï, Molokai et Lanai. Ces nouveaux sites ont été choisis dans le but d’analyser les mouvements associés à la flexion des plaques, mais aussi pour se rendre compte si certains mouvements résultent de la flexion des plaques ou de la dynamique de systèmes magmatiques profonds sous les volcans.

Source : USGS/HVO.

On notera que cette flexion de l’écorce terrestre sous le poids des volcans est l’inverse du rebond isostatique observé dans les régions où la fonte des glaciers fait chuter leur masse et entraîne un soulèvement de l’écorce terrestre, comme en Islande, par exemple.

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The State of Hawaii is one of the most seismically active locations in the United States. Unlike some other earthquake-prone places in the US, like California, where the earthquakes are related to tectonic plates sliding past each other, seismicity in Hawaii is related to volcanoes.

There are three main causes for earthquakes in Hawaii are: 1) the movement of magma under active volcanoes; 2) the sliding of volcanoes’ flanks along the surface that separates the ancient oceanic crust and overlying volcanoes; 3) the bending or flexing of the Earth’s crust and upper mantle in response to the weight of the overlying volcanoes.

An M 5.2 earthquake related to the third cause occurred on July 5th, 2021 5 km off the north shore of Big Island at 27 kilometres below sea level. Two days later, an M 4.2 event occurred on the west side of the Island of Hawaii. Both earthquakes were likely related to stress caused by the enormous weight of the Hawaiian volcanoes – especially Mauna Loa and Mauna Kea – on the underlying crust and mantle.

The stress caused by the weight of the volcanoes is easy to understand. As Hawaiian volcanoes erupt and grow, they add more and more weight to the Earth’s surface. This causes the Pacific Plate to flex downward, much like the bending caused by heaving books on an overloaded bookshelf. Some weight may just make the shelf bow, but a lot of weight may cause the shelf to start to splinter or break. Those breaks are similar to what happens in tectonic plates if they bend too. Earthquakes caused by this flexure can be quite large ; some can be greater than M 6.0.

Some additional past Hawaiian flexure earthquakes include the M 6.8 Lanai earthquake on February 19th, 1871, an M 6.8 event in Maui on January 22nd, 1938, or an M 5.2 quake in Oahu on June 28th, 1948.

These earthquakes are deep, typically 25–40 km, within the uppermost mantle underneath volcanoes and oceanic crust. To measure these quakes, HVO scientists typically use GPS data. GPS instruments allow to calculate how a specific point on the Earth’s surface moves throughout time. HVO operates a network of over 65 GPS stations on the Island of Hawaii. They are used to monitor and track extremely small movements at the Earth’s surface, including some displacements related to plate flexure stress.

To improve the scientific understanding of plate bending in the Hawaiian Islands, 7 new GPS sites are being equipped on the islands of Hawaii, Molokai, and Lanai. These new sites are strategically placed to capture movement associated with plate bending and to test whether certain motions result from ongoing plate bending or from the dynamics of very deep magmatic systems beneath the volcanoes.

Source : USGS / HVO.

It should be noted that this bending of the Earth’s crust under the weight of volcanoes is the reverse of the isostatic rebound observed in regions where the melting of glaciers causes their mass to drop and the Earth’s crust to rise, as in Iceland, for instance.

Le Mauna Loa (à gauche) et le Mauna Kea (à droite) exercent un pression considérable sur l’écorce terrestre (Photo : C. Grandpey)

Sismicité et lithosphère à Hawaii // Seismicity and lithosphere in Hawaii

Comme il le fait régulièrement, l’Observatoire des Volcans d’Hawaii, le célèbre HVO géré par l’USGS, vient de publier un article très intéressant sur la sismicité à Hawaii et sa relation plus ou moins étroite avec les volcans.
L’auteur de l’article explique que la plupart des séismes à Hawaii sont intimement liés aux volcans, mais il arrive aussi qu’ils se produisent à cause d’un effet de courbure de la Terre sous le poids de la chaîne volcanique.
L’article rappelle que les plaques tectoniques sont constituées de la lithosphère, une couche essentiellement rigide qui s’étend de la croûte au manteau supérieur. Les îles hawaïennes étant situées à la surface de la plaque Pacifique, leur poids énorme pèse sur la lithosphère et la fait fléchir. Cela génère des contraintes susceptibles de provoquer des séismes baptisés séismes de flexion par les sismologues.

L’île d’Hawaii, du fait de sa grande taille et de son âge relativement jeune, exerce une grande pression sur la lithosphère. La zone de contrainte et de flexion maximale liée à cette masse s’étend sur une centaine de kilomètres au large de l’île. Lorsque la plaque se réajuste pour retrouver une position neutre, cela provoque un renflement significatif au niveau de la lithosphère autour d’Oahu à environ 300 km de là. C’est pourquoi les séismes se produisent parfois loin de la principale zone d’activité sismique et volcanique de l’île d’Hawaï.
Il existe deux exemples de séismes de flexion enregistrés au large des côtes au cours des dernières semaines : 1) un événement de M 3.7 le 21 janvier 2019 à environ 240 km à l’est de l’île d’Hawaï et 2) un événement de M 4.6 le 7 février à environ 84 km au sud-ouest de l’île. L’événement de janvier avait une magnitude trop faible pour pouvoir êtreressenti par la population. En revanche, l’événement de février a été plus intense et a été signalé par 115 personnes à Hawaï, Maui et Oahu, à une distance de 370 km de l’épicentre. C’est le séisme le plus significatif ressenti à Hawaii depuis un événement de M 4,4 le 9 août 2018.
Les séismes de flexion sont parfois appelés «séismes du manteau», ce qui reflète le fait qu’ils se produisent souvent au niveau du manteau supérieur plutôt que dans la croûte terrestre. Les ondes sismiques se déplacent plus facilement à travers le manteau qu’à travers à la croûte. C’est l’une des raisons pour lesquelles les séismes d’origine mantellique peuvent provoquer davantage de dégâts, d’autant plus que leur magnitude peut dépasser M 6,0.
La flexion lithosphérique produit des séismes à Hawaii, mais ils sont moins fréquents que ceux liés directement à l’activité volcanique. Chaque année, le HVO enregistre des dizaines de milliers de secousses sur et à proximité des volcans actifs de Big Island, et seulement quelques centaines d’événements de flexion au large des côtes.

Source : HVO.

Cet article me rappelle ce qui se passe actuellement en Islande où la lithosphère rebondit car les glaciers, du fait du réchauffement climatique, perdent de leur masse et exercent une pression moindre sur la croûte terrestre. Ce phénomène appelé « rebond isostatique » peut engendrer des problèmes. Ainsi, le petit port de Hofn sur la côte sud de l’île est moins profond qu’auparavant, ce qui, à terme, risque de poser des problèmes à certains navires pour entrer dans le port.

Certains géologues pensent que ce rebond isostatique est susceptible de favoriser la remontée du magma à l’intérieur des volcans islandais sous-glaciaires. Toutefois, on ne dispose pas d’un recul suffisant pour affirmer qu’un tel phénomène se produit. Les dernières éruptions en Islande ont eu lieu en 2010 (Eyjafjajjajökul) et 2014 (Holuhraun).

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As it does regularly, the USGS Hawaiian Volcano Observatory (HVO) has released a very interesting article about seismicity in Hawaii and its link with volcanoes.

The author of the article explains that earthquakes in Hawaii are intimately related to the volcanoes. However, they sometimes happen simply because the Earth under the island chain gets too much bent.

The article reminds us that Earth’s tectonic plates are made of the lithosphere, which is a mostly rigid layer extending from the crust into the upper mantle. As the Hawaiian Islands are located on top of the Pacific Plate, their huge weight flexes the lithosphere. This results in stresses that can lead to earthquakes.

Seismologists call these events “flexural earthquakes” to reflect their cause. The massive Island of Hawaii produces the largest force on the lithosphere due to its relatively young age, which results in forces on the underlying lithosphere. The zone of maximum bending stress from this load extends about 100 km offshore from the island. As the plate re-adjusts back to a neutral position, it results in a raised bulge in the lithosphere that extends around Oahu about 300 km away. This is why earthquakes occasionally happen so far from the main area of seismic and volcanic activity on the Island of Hawaii.

There have been two examples of offshore flexural earthquakes in the past weeks. They include an M 3.7 event on January 21st, 2019 which occurred about 240 km east of the Island of Hawaii, and an M 4.6 event on February 7th about 84 km southwest of the island. The January event was too small and distant for anyone to feel. But the February earthquake produced significant shaking and was reported by 115 citizens from Hawaii, Maui, and Oahu, up to 370 km from the epicentre. It was the largest earthquake felt in Hawaii since an M 4.4 on August 9th, 2018.

Flexural earthquakes are sometimes called “mantle earthquakes,” reflecting the fact that they often occur at depths within the Earth’s upper mantle rather than within the crust. Seismic waves travel more efficiently through the mantle compared with the crust. This is one reason why mantle earthquakes can have widespread and sometimes damaging effects, especially as their sizes can exceed the M 6.0 range.

Lithospheric flexure produces earthquakes in Hawaii less frequently than those directly related to active volcanism. Each year, HVO records tens of thousands of earthquakes on and near Big Island’s active volcanoes, compared with only a few hundred offshore flexural events.

Source : HVO.

This article reminds me of what is happening in Iceland where the lithosphere is rebounding because glaciers, due to global warming, lose their mass and exert less pressure on the Earth’s crust. This phenomenon called « isostatic rebound » can cause problems. Thus, the small port of Hofn on the south coast of the island is shallower than before, which, in the long run, may cause problems for some ships to enter the port.
Some geologists believe that this isostatic rebound is likely to favour the rise of magma inside subglacial Icelandic volcanoes. However, there is not enough evidence to say that such a phenomenon has occurred. The last eruptions in Iceland took place in 2010 (Eyjafjajjajökul) and 2014 (Holuhraun).

Schémas montrant les séismes volcaniques et non-volcaniques à Hawaii, ainsi que l’effet de flexion de la Grande Ile sur la lithosphère (Source : USGS / HVO)