Vous avez dit réintroduction ?

Le samedi 24 mai 2025, la chaîne de télévision ARTE proposait un documentaire intitulé « Les loups, sauveurs du Parc de Yellowstone ». Pour comprendre l’histoire de cet animal à Yellowstone, il faut se replonger dans l’histoire de ce parc mythique et magnifique. Yellowstone a été érigé au rang de premier parc national aux États Unis en 1872. Pour ses fondateurs, les prédateurs n’avaient pas leur place dans ce site dédié à l’agrément des familles. Ils ont donc été traqués sans pitié. Il fallait que Yellowstone soit un parc de loisirs sans dangers. Les grizzlies et les ours noirs ont été épargnés parce que dans la conscience populaire ils sont mignons et rappellent les nounours de l’enfance. Mais tous les autres prédateurs, loups, pumas, gloutons ou coyotes, ont été abattus. Sans le savoir, les autorités ont rompu, en procédant ainsi, le fragile équilibre qui existait dans la nature de la région avant la création du Parc. Privés d’ennemis naturels, les wapitis (‘elk’ pour les Américains) ont commencé à proliférer, avec des conséquences désastreuses car ces herbivores broutent tout sur leur passage, réduisant la végétation à une steppe rase. Des battues ont été organisées pour essayer de réguler leur population, mais sans succès.

Les autorités ont alors compris leur erreur et ont décidé de réintroduire des loups prélevés au Canada. Il y a eu, bien sûr, des polémiques car les éleveurs autour des limites du Parc craignaient que les loups viennent attaquer leurs troupeaux. En fait, les loups avaient suffisamment à faire dans le Parc sans aller voir ailleurs. Aujourd’hui, des tirs sont autorisés sur les loups qui s’égareraient dans les prairies du Wyoming ou du Montana voisins.

Les premiers 41 loups ont été acheminés en janvier 1995. Le résultat ne s’est pas fait attendre : le nombre de loups a vite augmenté, tandis que la population de wapitis chutait de 20 000 à 6 000 bêtes. Les effets de la réintroduction du loup ont également été remarquables sur la végétation qui, elle aussi , s’est rééquilibrée avec le retour d ‘espèces arbustives qui avaient disparu.

Photo: C. Grandpey

En France, la réintroduction du loup est la source de nombreuses polémiques et d’accès de colère chez les éleveurs, mais le contexte n’est absolument pas le même qu’à Yellowstone où le loup a été réintroduit dans les zones sauvages où il existait autrefois et où aucune nouvelle activité économique (élevage) n’est apparue depuis le début du 19ème siècle.

En France, c’est très différent. Le loup et l’ours – car à mes yeux le problème est le même pour les deux espèces – vivaient dans notre pays à une époque où le contexte agricole n’avait rien à voir avec ce qu’il est aujourd’hui. Il n’y avait pas d’élevage extensif avec des gros troupeaux. Dans ma tendre enfance des années 1960, j’étais mandaté pour conduire quelques vaches dans leur herbage, les garder et les conduire à l’étable le soir où il fallait traire la laitière du petit groupe. Pareil pour les moutons qui étaient conduits au pré le matin et ramenés à la bergerie le soir. Il y avait très peu de pertes dans les troupeaux à cause d’agressions extérieures.

Aujourd’hui, on voudrait que les éleveurs acceptent la présence du loup et de l’ours alors que les élevages ont pris des dimensions considérables. De plus, on laisse les troupeaux à l’air libre pendant des semaines, à la portée des prédateurs. Essayer de réintroduire des ours et des loups aujourd’hui en France est aussi problématique que vouloir introduire des moutons en Alaska où l’ours est roi. Pour que l’opération réussisse, il faudrait d’abord éliminer les plantigrades !

Ours en Alaska (Photo: C. Grandpey)

Quand je me suis rendu dans les Pyrénées avec Jacques Drouin, le co-auteur du livre « Dans les Pas de l’Ours », j’ai rencontré des éleveurs de moutons auxquels j’ai suggéré d’installer des clôtures électriques amovibles pour protéger les animaux des attaques d’ours. Ce à quoi il ma été répondu qu’installer une clôture signifiait qu’on acceptait la présence de l’ours. La conversation a vite tourné court. À noter que si une clôture électrique peut dissuader un ours de pénétrer dans un enclos, elle sera moins efficace avec le loup qui finira par trouver une solution pour attaquer des ovins

Aujourd’hui, on conseille aux éleveurs de moutons de prendre des patous – déjà utilisés dans les Pyrénées contre l’ours – pour protéger leurs troupeaux contre le loup. C’est bien, même si la parade n’est pas forcément efficace à 100%. Le problème, c’est que le patou est un chien très territorial qui n’admet aucune présence étrangère à proximité immédiate de son troupeau. C’est ainsi que des promeneurs se sont fait agresser par ces chiens, avec un réel danger pour des enfants qui auraient envie de les caresser.

Le loup étant amené à proliférer en France dans les prochaines années, il faudra rapidement trouver des solutions pour protéger les troupeaux. La régulation par des tirs de défense me semble inévitable.

J’imagine que des défenseurs du loup et de l’ours vont pousser les hauts cris en lisant ce post. Je n’ai fait qu’exprimer un point de vue personnel. Je respecte le leur, même si nous pouvons ne pas être d’accord. J’espère qu’ils auront la même attitude à mon égard. Cela s’appelle la tolérance.

8 réflexions au sujet de « Vous avez dit réintroduction ? »

  1. Le problème ne vient pas des loups en France, mais des consommateurs. Les français amateurs de fromage, veulent tous leur fromage de brebis et il en faut pour 60 millions de français. D’où les élevages extensifs en alpages.
    Si les français acceptaient de diminuer un peu leur consommation de fromage, il faudrait moins en produire, les élevages seraient plus réduits, plus faciles à surveiller et la nature retrouverait vite un équilibre entre loups et brebis.
    Mais à l’époque de l’argent roi et de l’hédonnisme, tout le monde veut toujours plus et n’accepte pas de sacrifier un peu de confort. Mais la nature corrigera rapidement ces déséquilibres.

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  2. bonjour Claude

    je confirme les Pyrénées ne sont pas le Yellowstone

    le pastoralisme est vraiment important et le parc national plutôt rikiki

    difficile de remettre ces especes dans de bonnes conditions pour elles sauf à sacrifier des centaines de milliers d’humains

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  3. bonjour Claude

    je confirme les Pyrénées ne sont pas le Yellowstone

    le pastoralisme est vraiment important et le parc national plutôt rikiki

    difficile de remettre ces especes dans de bonnes conditions pour elles sauf à sacrifier des centaines de milliers d’humains

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  4. Bonjour Claude,
    Voilà un article intéressant et qui devrait susciter bien des réactions, tant positives que négatives !…

    Une petite histoire pour alimenter le débat :

    Il y a quelques années, vers 2012/13, nous randonnions dans le causse Méjean, et nous avons rencontré sur un vaste plateau herbeux, à 1.100 mètres d’altitude, une ferme ; la femme, d’une soixantaine d’années, nous a expliqué qu’ils avaient un troupeau de 1.000 têtes de moutons et que le loup depuis quelques années leur posait des problèmes. patous et nécessité de mettre le troupeau à l’abri le soir dans des enclos, alors que depuis des dizaines d’années, les troupeaux évoluaient librement. La dame nous expliquait que dans l’enfance de ses parents, les troupeaux étaient non seulement beaucoup plus petits, mais que le Causse où elle a toujours vécu, était habité et pas vide comme aujourd’hui. Nombreux fermiers et troupeaux plus petits rendaient les attaques de loup, très présents, beaucoup moins fréquentes.

    Elle se rappelait également que dans l’enfance de ses parents, les enfants n’allaient jamais à l’école du village à 4 kms, tout seuls, et qu’ils prenaient toujours des cailloux dans les poches pour éloigner des loups trop curieux, notamment en hiver….
    Un témoignage intéressant, dans une région spécifique, mais instructive sur la manière dont les hommes vivaient alors avec leur monde environnant.

    Bonne journée !
    Amicalement : Arnaud

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  5. Bonjour Claude.
    Je reste mitigé.
    L’importance du pastoralisme n’est plus à prouver, elle permet de faire vivre la montagne.
    L’impact du débroussaillage des brebis est évident, sans l’élevage, les chemins de montagnes seraient vite totalement bloqués par la végétation.
    Et comme dit par ailleurs, le morceau de fromage d’estive acheté chez le berger dans sa cabane là haut n’a pas d’équivalent.

    Néanmoins, amoureux de toute nature, je vibre lors de rencontres fortuites dans les forêts d’altitude, la vision rapide de l’écureuil, celle des marmottes et isards.
    Et j’ai eu la chance de croiser le chemin du Moussu, lors d’une randonnée.
    Ces quelques secondes d’éternité quand il s’est redressé pour m’identifier, tête et oreilles rondes, museau frémissant, puis partir rapidement. Pas eu le temps de dégainer mon réflex.

    Alors, oui, je souhaite et j’espère que l’ours et autre vie puisse encore trouver la paix.

    Bonne journée.
    Frédéric.

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    1. Bonjour Frédéric,
      J’ai rencontré à 3 ou 4 reprises l’ours à Yellowstone et beaucoup plus souvent en Alaska. C’est vrai que ce sont des moments que l’on n’oublie pas, surtout la première fois. mais à Yellowstone et en Alaska, l’ours n’est pas un poison pour les éleveurs. Il vit au sein d’une nature sauvage… qui était la sienne en france avant que l’Homme l’extermine pour introduire agriculture et élevage. La cohabaitation entre ces deux mondes est forcément très délicate!
      Amitiés.
      Claude

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