Une expérience insolite…

Dans son édition du 16 décembre 2023, Le Populaire du Centre a publié un article qui a attiré mon attention et a fait remonter en moi le souvenir d’une journée extraordinaire qui figure dans mon livre Volcanecdotes, aujourd’hui épuisé. Je vous la raconte en ce jour de Noël…

L’automne est à ma saison préférée pour randonner en Auvergne. Les premiers frimas ont déjà teinté les frondaisons qui arborent leurs plus belles couleurs. Les touristes ont disparu et le silence permanent autorise de longues rêveries aux promeneurs solitaires dont je fais partie. En ce mois de décembre 1993, j’avais projeté de passer deux journées sur les volcans auvergnats, l’une sur la partie nord de la Chaîne des Puys entre le Pariou et la Louchadière, l’autre plus au sud, là où se dressent les cônes égueulés de La Vache et de Lassolas.

La première journée fut magnifique. Les volcans étaient inondés de soleil et ressortaient majestueusement au-dessus d’une mer de nuages qui avait envahi les vallées. Comme souvent à cette époque de l’année, il faisait plus chaud au sommet du Puy de Dôme qu’au cœur de Clermont Ferrand. Des conditions idéales pour profiter des contrastes de lumière et réaliser des clichés intéressants. Saoulé par le grand air et l’altitude, la tête pleine de couleurs, je regagnai mon hôtel à la nuit tombée afin de goûter un repos bien mérité et prévoir la randonnée du lendemain.

Sans surprise, le brouillard recouvrait la cuvette clermontoise le matin du deuxième jour. Cela était loin de m’inquiéter et je comptais bien me retrouver au-dessus des nuages, une fois escaladées les premières pentes qui dominent la ville. Pourtant, au fur et à mesure que filaient les kilomètres, le brouillard refusait obstinément de se lever, et c’est au beau milieu d’une purée de poix que je garai ma voiture sur le parking d’accès aux Puys de La Vache et de Lassolas. Il n’était pas question de s’aventurer sur le terrain dans de telles conditions. A cette époque, le GPS ne faisait pas encore partie de mon équipement et je ne voulais pas randonner seul dans cette zone où je ne me rends pas très fréquemment. Je décidai donc d’attendre un peu en faisant quelques pas sur la route, dans l’espoir d’une éclaircie.

Peu avant midi, la partie me semblait perdue. Je m’apprêtais à lever le camp lorsque j’entendis un bruit de moteur venir dans ma direction. Le véhicule invisible s’immobilisa à une centaine de mètres de l’endroit où je me trouvais et je perçus bientôt des bruits de voix. Aucun doute possible : il s’agissait d’un car et d’un groupe de touristes qui venaient visiter la région. Je me disais qu’eux aussi avaient bien mal choisi leur jour pour découvrir l’Auvergne et qu’ils feraient mieux de rebrousser chemin. J’entendis pourtant les voix se rapprocher et je vis bientôt plusieurs personnes percer le voile de brouillard à quelques mètres devant moi. Elles avançaient d’un pas décidé vers le Puy de La Vache, sous la houlette d’un homme qui semblait connaître parfaitement les lieux. Sans trop réfléchir, je décidai de leur emboîter le pas, encouragé par la vue de leurs chaussures de sport, voire de ville, plus légères et moins robustes que mes chaussures de montagne. Dès que la pente commença à devenir plus raide, le groupe s’étira et je me retrouvai vite en tête de peloton, sur les pas de deux hommes qui s’arrêtèrent bientôt sur un petit replat, comme pour attendre le reste du groupe. A ce moment-là, j’entendis l’un des deux individus dire à l’autre, l’air à la fois grave et triste: « Tu vois, c’est ici que c’est arrivé ». Très intrigué, imaginant que l’un des leurs avait eu un accident, je m’approchai d’eux et demandai : « Que s’est-il passé ? Quelqu’un a eu un problème ici ? » La réponse fut loin de celle que j’escomptais !  « Non, il y a quelques années, une soucoupe volante s’est posée ici et un de nos amis a rencontré un extraterrestre. Nous venons célébrer le vingtième anniversaire de cet événement ». Devant mon étonnement, ils m’expliquèrent que l’extraterrestre en question venait d’une planète se trouvant à 9 milliards de kilomètres de la Terre, qu’il avait par la suite transporté leur ami sur cette planète où on lui avait indiqué que l’homme n’était pas une création de Dieu, mais le fruit d’une manipulation d’ADN dans un laboratoire de cet astre lointain.

Pendant que je recevais ces explications, le reste de la troupe nous avait rejoints. Celui que je considérais comme leur chef prit alors la parole pour rappeler les événements passés. Il indiqua que nous étions le 13 décembre et c’est ce même jour, en 1973, que s’était posée la soucoupe volante avec l’extraterrestre à son bord. Il demanda aux personnes présentes – elles étaient une trentaine – de se prendre par la main et de former un cercle. Je n’en crus pas mes oreilles quand il leur demanda de se concentrer très fort afin d’entrer en communication spirituelle avec l’extraterrestre qui avait débarqué ici vingt ans auparavant. Immédiatement, un silence parfait s’installa au sein du groupe. Plus que perplexe, je me reculai de quelques pas et j’observai cette scène qui revêtait un aspect extraordinaire au sens premier de ce mot. Mon incrédulité fut à son comble lorsque le vent se leva à ce moment précis et un rayon de soleil fit mine de venir éclairer le lieu où nous nous trouvions, l’inondant d’une lumière étrange. On se serait cru dans un film de science fiction ! Le doute s’installa un instant dans ma tête ; je me dis : «  Ce n’est tout de même pas vrai qu’il va se passer quelque chose ! » (Ce quelque chose étant bien sûr l’arrivée d’une soucoupe volante !) ; puis: « Nom d’une pipe, j’ai laissé mon appareil photo dans la voiture ! Je vais peut-être rater la photo de ma vie ! »

En fait, il n’en fut rien. Je ne ratai rien. Au bout de quelques instants, le brouillard reprit ses droits. La méditation profonde dans laquelle s’était plongé le groupe arriva à son terme. Elle avait été douloureuse pour deux femmes qui revinrent sur terre en sanglots car elles avaient réussi à communiquer avec l’au-delà, avec cet extraterrestre qui se trouvait à 9 milliards de kilomètre de nous. C’était la première fois que je voyais des personnes en transe, une expérience que j’eus l’occasion d’observer quelques mois plus tard dans un village indonésien où des hommes atteignirent cet état second, il est vrai avec l’aide de stupéfiants.

Après un échange de réflexions qui dura quelques minutes, le groupe entama la descente du Puy de La Vache, toujours plongé dans le brouillard. Je repris ma conversation avec l’homme qui me semblait être l’instigateur de cette excursion. Je lui demandai davantage d’explications sur les motivations du groupe qui, à mes yeux, appartenait plutôt à la catégorie des sectes. Il me tendit obligeamment un prospectus où étaient définis en quelques mots les principes de base de leur croyance. Il s’agissait des Raéliens dont je n’avais jamais entendu parler jusqu’à ce 13 décembre 1993.

A aucun moment et d’aucune façon ils n’ont essayé de m’attirer vers eux. Il est vrai que j’avais moi aussi expliqué la raison de ma présence sur le Puy de La Vache et ma passion pour les volcans. Peut-être avaient-ils compris qu’il y aurait une incompatibilité définitive entre mon monde bien terrestre et le leur qui l’était beaucoup moins…

Photo: C. Grandpey

Une nouvelle histoire d’ours…

J’adore les histoires de l’Arctique profond, celles qui ne peuvent se dérouler que dans cette partie du monde où l’on se trouve très souvent loin de tout. Il y a bien sûr les anecdotes liées à la Ruée vers l’Or au 19ème siècle, mais aujourd’hui encore, certains habitants sont confrontés à des situations qui sortent de l’ordinaire. La presse alaskienne a raconté la mésaventure que vient de connaître une habitante du sud de l’Alaska.

Dans ma campagne creusoise à l’époque où j’étais môme, les toilettes ne se trouvaient généralement pas à l’intérieur de la ferme. Un petit cabanon avait souvent été édifié à l’extérieur de la maison, au fond du jardin, et il fallait parfois affronter le froid et le mauvais temps pour atteindre ce lieu intime. C’est encore parfois le cas dans la toundra arctique et il faut donc en ce moment se déplacer dans la nuit polaire pour aller satisfaire un besoin naturel.

La protagoniste de l’histoire en question voyageait dans le sud-est de l’Alaska en compagnie de son frère et de la petite amie de ce dernier. Ils avaient trouvé un logement simple dans une yourte  en pleine nature, avec les toilettes à une cinquantaine de mètres. Au cours de la nuit, la femme se rendit dans l’édicule, mais à peine eut-elle posé son postérieur sur le siège qu’elle bondit en poussant  un cri car elle venait de ressentir une douleur violente à une fesse.

Dès qu’il entendit le cri, le frère de cette femme se précipita en s’éclairant à l’aide d’une lampe frontale. L’homme pensa d’abord que sa sœur avait été mordue par quelque rongeur comme un écureuil ou un vison qui abondent dans la région. Quand il souleva le couvercle du siège, quelle ne fut pas sa surprise de se trouver nez à nez avec un ours noir, aussi appelé baribal ! L’ours ne s’est pas enfui et ne s’est pas montré agressif. Selon l’homme, il avait plutôt l’air d’être en léthargie, ce qui est normal au mois de février car les ours sont censés être en hibernation.

La blessure subie par la femme ne présentait pas de gravité. Elle a pu être traitée d’abord sur place, puis à l’hôpital pour éviter toute complication. Il se pourrait que l’ours lui ait juste donné un coup de patte. L’animal avait déjà été vu en train de rôder dans le secteur. Il n’est pas le seul ours encore sur pied actuellement ? Cela s’explique par une saison automnale relativement pauvre en saumons, de sorte que les plantigrades n’ont pas forcément fait le plein de graisse et de protéines. De ce fit, leur hibernation est moins profonde. Il est probable que l’ours de l’histoire a découvert une ouverture sous le cabanon et s’y est introduit il y a plusieurs semaines pour en faire sa tanière.

La femme a déclaré qu’elle devait être la seule personne au monde à qui une telle mésaventure était arrivée !

Source : Anchorage Daily News.

Vous trouverez d’autres histoires d’ours dans un ouvrage intitulé  Dans les Pas de l’Ours que j’ai écrit avec Jacques Drouin. Il a été publié aux Editions Sequoia et est disponible en librairie ou sur Internet.

Photos : C. Grandpey