1,5 ou 2 degrés de hausse des températures d’ici 2030 ? Faut pas rêver !

Pendant que les présentatrices et présentateurs de la météo se réjouissent en ce moment des températures estivales alors que le printemps est loin d’être terminé, cette chaleur prématurée entraîne une fonte précoce de la glace dans l’Arctique. Selon l’Institut météorologique danois (DMI), celle du Groenland a commencé le 13 mai 2020, avec deux semaines d’avance sur la médiane habituelle. En 2019, la saison de la fonte avait déjà débuté le 30 avril. Une telle précocité inquiète les scientifiques. Le Groenland va entrer dans la saison d’ablation – quand les chutes de neige ne compensent plus la fonte, avec un rétrécissement général de la calotte glaciaire – avec un niveau de glace faible suite au peu de neige tombé pendant l’hiver

A cela s’ajoute une vague de chaleur inhabituelle en Sibérie occidentale en mai. C’est la première fois depuis une soixantaine d’années que l’on y enregistre des températures aussi élevées pour cette période de l’année.

Les scientifiques rappellent également que le réchauffement climatique fait fondre le permafrost dans l’Arctique, en particulier en Sibérie, ce qui libère d’énormes quantités de gaz à effet de serre qui, par une boucle de retour, viennent amplifier ce même réchauffement climatique. Les climatologues rappellent que les températures moyennes dans l’Arctique ont augmenté de deux degrés depuis le milieu du 19ème siècle, soit deux fois plus que la moyenne mondiale.

La fonte des glaciers au Groenland n’est pas non plus sans conséquences sur le niveau des mers et des océans. Selon le DMI, la fonte de l’Arctique a contribué à l’augmentation d’un centimètre du niveau des mers depuis 2002. Dans un rapport publié en avril 2020 dans la revue The Cryosphere, des chercheurs ont révélé qu’en 2019, la fonte au Groenland représentait 40% de l’augmentation du niveau des eaux.

S’agissant des émissions de gaz à effet de serre et en particulier du CO2, la mise à l’arrêt de l’économie du 1er janvier au 30 avril 2020 à cause de la pandémie de coronavirus a entraîné une baisse de 8,6% des émissions mondiales de CO2. En revanche, les concentrations de ce gaz n’ont pas varié d’un iota dans l’atmosphère pendant la crise sanitaire ; elles ont même continué à augmenter et atteignaient 417.10 ppm le 21 mai 2020 sur le Mauna Loa à Hawaii, selon les mesures effectuées par la Scripps Institution.

Dans une entrevue avec la radio France Info le 22 mai 2020, le climatologue Jean Jouzel, ancien vice-président du GIEC, déclarait à propos de la pause d’activité économique observée pendant la crise du COVID-19 : « Il faudra répéter une telle diminution [des émissions de CO2] chaque année d’ici 2030 pour respecter l’objectif de 1,5 ou 2 degrés pour aller ensuite vers une neutralité carbone  […] Il ne faut pas arrêter l’économie mondiale, il faut complètement la réorienter. »

Source : France Info.

Je ne partage pas l’optimisme de Jean Jouzel. Le fait que les concentrations de CO2 n’aient pas chuté pendant le confinement montre bien que la répétition d’une baisse des émissions chaque année d’ici 2030 ne sera pas suffisante pour avoir un effet sur le réchauffement du climat sur Terre. Je suis davantage d’accord avec les propos que me tenait Jean-Louis Etienne il y a quelques mois. Selon lui, si par un coup de baguette magique, nous parvenions à stopper totalement les émissions de CO2, il faudrait plusieurs décennies, voire un siècle, pour que les concentrations baissent dans l’atmosphère et pour que cette dernière retrouve un semblant d’équilibre.

Il ne faut pas se nourrir d’illusions. Une fois la crise sanitaire actuelle terminée, l’économie mondiale repartira de plus belle, avec une belle ignorance des conséquences pour l’environnement. Les dernières déclarations du président du Medef ne laissent guère de doute. Les concentrations de CO2 repartiront forcément à la hausse sur le Mauna Loa.

S’agissant des températures, les quatre premiers mois de l’année 2020 arrivent actuellement en deuxième position dans les archives des principales agences climatiques (NASA, NOAA, COPERNICUS, etc), juste derrière l’année 2016 pendant laquelle sévissait un phénomène El Niño de grande intensité. En ce moment, El Niño est neutre. Pourtant, au train où vont les choses, il est très probable que l’année 2020 sera la plus chaude de tous les temps.

Source : Scripps Institution of Oceanography

2 réflexions au sujet de « 1,5 ou 2 degrés de hausse des températures d’ici 2030 ? Faut pas rêver ! »

  1. Pas d’illusions ?
    Ce mot n’a effectivement aucun sens dans une économie mondiale technicisée, planifiée dans le seul but de sa perpétuation à travers la «croissance». Notre seule échappatoire serait de détruire consciemment notre civilisation et ne rien garder permettant de laisser ne serait-ce qu’une once de pouvoir à un ou un groupe d’individus. Mais peut-être qu’un vestige de croyance nous pousse à aller jusqu’au bout pour vérifier que le chemin de souffrances et de destructions emprunté est réellement sans issue.
    Regardons déjà le retour à la quasi normale de l’activité en Chine : la pollution y est pratiquement pire qu’avant !
    https://reporterre.net/En-Chine-la-pollution-est-plus-forte-qu-avant-le-confinement

    Pour autant, je me demande si le blocage entraînant une anomalie de température positive en Sibérie près des côtes de la mer de Kara n’est pas en train aussi d’être la cause de la sécheresse et la canicule qui sévit dans l’Est de la méditerranée.
    https://reporterre.net/Une-canicule-sans-precedent-au-printemps-ecrase-l-est-de-la-Mediterranee

    Le dioxyde de carbone ne pourra diminuer longuement après que lorsque nous auront stoppé toute émission ET foutre une paix royale à ce qui reste de la biosphère qui est la seule à pouvoir résorber tant bien que mal les dégâts qui ont été infligés et réguler de façon optimale les conditions climatique pour assurer la vie de tout ses composants (dont l’humain ne déroge pas, en fait parte).

    Bon courage à tous, nous ne sommes pas au bout du tunnel, telles des taupes, nous venons tout juste de nous apercevoir de son entrée… derrière nous.

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    1. Bonjour,
      Je partage votre pessimisme. Je ne vois pas comment notre société de consommation et de mondialisation pourra se sortir de l’ornière climatique. Nos dirigeants, quelle que soit leur tendance politique, pratiquant allègrement la politique de l’autruche et de la patate chaude, je ne vois pas comment nous pourrions sortir du tunnel. Les messages d’alerte comme ceux que je diffusent régulièrement sont entendus par un certain nombre de personnes, mais je suis certain qu’il ne s’agit pas de la majorité. Pour les autres, c’est la politique du « on verra bien ». Je suis très inquiet pour mes petits-enfants.
      Très cordialement,
      Claude Grandpey

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